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Tuez le, ce chroniqueur !

par El Yazid Dib

C'est par une chronique que l'on défraie vraiment la chronique ! C'est par un déni de chronique que l'on risque de rendre ainsi le malaise chronique et incurable. À quel moment le talent d'un chroniqueur devient-il à propos agaçant, voire périlleux ? Des qu'il franchit la ligne rouge. Mais en fait cette ligne ; qui la connaît avant de savoir qui est habileté à tracer ses contours ? Le chroniqueur, c'est cette rubrique qui arrive en pleine placidité de l'actualité. Quotidienne ou hebdomadaire, elle se greffe telle un tubercule au goût amer mais utile et entretenant. Lui, le pauvre chroniqueur, censé provenir de la phase finale d'une opinion publique, n'a que sa tête comme source d'information. Il écrit ce que tout le monde converse et dit. Il essaye d'apprivoiser son surligneur par tout style utile au discernement de la déveine qui se réveille la nuit ou l'angoisse qui s'excite à la pointe de chaque aurore. Il est ce dérèglement dans les événements que produisent les pages usuelles d'annonces et de publicité. On le case dans les épithètes les plus infimes. Toujours de bon aloi mais refusant les attache-mains ce chroniqueur, quand il n'est pas cogné de front ; est sérié comme un terroriste des règles syntaxiques, canoniques. Il se les joue, il se les lynche, il les cadenasse. C'est justement ce massacre commis dans la loi de la calligraphie et non dans sa morale qui le tonifie. Il attaque le cas échéant la bêtise des humanoïdes et la ternissure de leurs œuvres. Alors comment se prendre avec un chroniqueur ? Ne pas l'inspirer, lui fermer les yeux, obstruer ses tympans. Essayez d'arrêter sa réflexion, ses sensations. Enfin, le tuer !

La chronique n'est donc qu'une réaction à une action. Elle diffère selon l'intensité et le degré. Elle fait le mal et le bien mais ne cause pas de fetwas, ni attribue des louanges. Sans oser trancher quiconque, elle transporte seulement l'avis de son géniteur. C'est le fait du jour, la nature des choses et le factuel qui une fois intériorisés tentent par petits mots à s'extérioriser au moyen d'une graphie totalement désarmée. Si un constat y est debout, le chroniqueur le glose. Il n'a rien à justifier, sauf sa liberté. C'est un peu comme un art photographique, il y a une prise, il y a un commentaire. Le chroniqueur est cette « engeance si particulière de journalistes du recommencement ». Il est aussi une autre espèce féconde de caricaturistes. Sa parodie à lui se dessine, pour certains dans l'usage du pléonasme, de la métaphore et de l'idée dérisoire et indirecte. Pour d'autres ; le dessin est clair, le mot tranchant, direct et franc. C'est dans le dépècement de la réalité que l'exalté de chroniqueur rencontre la bonne et mauvaise humeur. Il l'expurge pour en faire un fait saillant. Le suspendre, le blâmer c'est faisable, figer son sens ou l'abattre est peine égarée. Laissez le dans ses joies illusoires.