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Coopération : Alger et Paris veulent rattraper le temps perdu

par Yazid Alilat

Une avancée extraordinaire dans les relations bilatérales entre l'Algérie et la France, a été constatée à l'issue des travaux de la seconde session du Comité intergouvernemental, de haut niveau, tenus, jeudi, à Paris.

En fait, le communiqué conjoint de 38 points, qui a sanctionné cette session, donne l'impression qu'Alger et Paris, après des années d'un froid sibérien, ont hâte, aujourd'hui, de rattraper le temps perdu. Autant sur «le devoir de mémoire», notamment la reconnaissance par la France des essais nucléaires dans le Sahara et les dommages subis par l'Algérie, restés, jusqu'à ces dernières années, un sujet tabou, dans les relations entre les deux pays, que sur celui des biens immobiliers des Français restés en Algérie. En fait, des progrès considérables ont été réalisés par l'Algérie et la France dans la construction d'une relation de coopération, fondée sur un passé commun, une histoire commune et un avenir commun.

Sur les essais nucléaires français en 1961, dans le Sahara, Alger et Paris ont dégagé un groupe de travail mixte chargé de l'indemnisation des victimes algériennes de ces essais nucléaires. Ce groupe de travail mixte devrait se réunir, avant la fin du 1er trimestre 2015, pour «échanger sur les conditions de présentation des dossiers d'indemnisation, par les victimes algériennes des essais nucléaires français au Sahara ou leurs ayants droit», indique le communiqué conjoint. En outre, Alger et Paris ont décidé de faciliter la tenue de la réunion, au cours du 1er trimestre 2015 des deux correspondants respectifs du ministère français de la Défense et du ministère algérien des Moudjahidine, «afin de faciliter la recherche et l'échange d'informations pouvant permettre la localisation des sépultures de disparus algériens et français de la guerre d'Indépendance» de l'Algérie. Dans la foulée, Paris a souligné «le rôle joué par les combattants algériens dans la libération de la France et leur (a) rendu hommage».

Ce sont là quelques points du communiqué commun algéro-français, qu'il fallait retenir, en premier, dans cette reconfiguration des relations entre les deux pays, avec celui qui revient, en particulier, sur la «Déclaration d'Alger sur l'amitié et la coopération».

En matière de Défense, les horizons sont, dorénavant, dégagés pour une meilleure coopération autant sur la formation, l'échange d'expérience, que les achats d'armements. «Les deux parties ont appelé de leurs vœux le développement de projets d'évaluation techniques communs ou de partenariats industriels, dans le domaine de l'armement», indique le communiqué conjoint qui précise que les deux pays veulent, aujourd'hui, orienter la coopération militaire vers l'Industrie aéronautique, le transfert de technologie, le savoir-faire et la Santé militaire. La coopération économique, cheval de bataille de cette nouvelle relation, entre Paris et Alger, sera, quant à elle, renforcée, dans tous les domaines, avec une vision nouvelle pour le partenariat entre les PME des deux pays. M. Sellal, qui a rencontré, vendredi, les membres du Patronat français (Medef), a été clair : «le temps est à la confiance affirmée comme socle pérenne d'un partenariat économique, mutuellement, fructueux». Allant droit au but, il a appelé les PME françaises à participer à l'effort d'industrialisation de l'Algérie et le développement des infrastructures et la réalisation des grands projets socio-économiques ; un effort qui pèse 286 milliards de dollars prévus au titre du Plan quinquennal 2014-2018. Bien sûr, Alger et Paris ne perdent pas «le nord», pour autant, et ont réaffirmé leur volonté de coordonner, encore plus, leur coopération en matière de lutte contre le terrorisme, ainsi que pour stabiliser la situation au Mali, en soutenant la réconciliation nationale, dans ce pays.

Pour la Libye, la situation est plus compliquée, Paris soutenant, en fait, l'initiative algérienne de réunir les factions libyennes et tenter d'arriver à «un cessez-le-feu» qui ouvrirait la voie au retour à la paix civile.

RELATIONS HUMAINES ASSAINIES

Le volet des relations humaines, entre les deux pays, a été, particulièrement, l'un des points forts de cette session, puisque les experts des deux pays ont, beaucoup, travaillé sur cet aspect important de la relation algéro-française. Il y a, d'abord, un constat : amélioration «de la mobilité et du séjour des Algériens en France et des Français en Algérie, et sont convenues de déployer leurs efforts pour les améliorer davantage». Sur ce point précis, auquel tiennent les Algériens comme les Français, les deux parties «se sont engagées à intensifier le dialogue (...) dans le but d'apporter des solutions précises aux difficultés concrètes que rencontrent, encore, leurs ressortissants». Dans ce sens, l'Algérie et la France «se sont, par ailleurs, engagées à examiner un accord portant facilitation de la circulation des personnes entre les deux pays». Autre aspect non moins important de cette relation algéro-française, qu'il fallait, à tout prix, résoudre : celui des biens immobiliers des Français restés en Algérie après l'indépendance nationale. Il s'agit, notamment, des biens immobiliers appartenant à cette frange de la population, en Algérie, qui veut, à l'instar des Algériens, les acquérir, légalement, dans le cadre de la loi algérienne. Un groupe de travail a été mis en place et devrait «trouver des solutions satisfaisantes, dans le cadre de la législation algérienne en vigueur», note le communiqué conjoint.

Sur le volet politique, par ailleurs, l'Algérie et la France, sans surprise, ont réaffirmé leur volonté commune «d'approfondir leur dialogue politique». Il s'agit d'une relation forte que les deux pays veulent entretenir et cultiver, avec leur «convergence de vues, sur l'ensemble des questions régionales et internationales d'intérêt commun».

La visite de M. Sellal, en France, a confirmé que l'Algérie et la France maintiennent le cap d'une relation rénovée, innovatrice et fondée, d'abord, sur un avenir commun, mais surtout une histoire commune, à dépoussiérer, seulement, des scories des exactions de la colonisation française en Algérie, estiment des observateurs.