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Ouyahia et Belkhadem reviennent : La nouvelle donne

par M. Saadoune

Les formes sont si peu respectées qu'un communiqué officiel de la présidence annonçant que M.Abdelmalek Sellal laisse l'intérim de ses fonctions à Youcef Yousfi pour s'occuper de la campagne de Bouteflika est un non-évènement.

Cela fait déjà au moins une année que M.Sellal sillonne les wilayas -distribuant de l'argent et des promesses- pour mener cette campagne. Personne ne s'étonne plus de la gestion plutôt désinvolte des apparences dans l'annonce par la cellule de communication du Premier-ministère que M.Sellal «installe, ce vendredi 14 mars, les directeurs de campagne de wilaya pour Abdelaziz Bouteflika». Dans le communiqué officiel de la présidence, même la désignation «de Abdelaziz Belkhadem comme ministre d'Etat, conseiller spécial du président de la République» parait très triviale. La seule «information» réelle est bien la désignation de Ahmed Ouyahia au poste de directeur de Cabinet de la présidence, précisément au poste où sa carrière politique a vraiment commencé, à l'époque lointaine déjà de Liamine Zeroual. L'homme qui passe pour être un proche parmi les proches du général Toufik se retrouve à un poste devenu encore plus stratégique du fait de l'état de santé du «candidat-président».

COMBLER LE DESERT PRESIDENTIEL

Il est clair que la charge du travail va reposer sur lui et qu'il va combler le «désert» présidentiel qui s'est instauré avec la maladie du président et sa baisse de régime. L'arrivée d'Ouyahia est censée rétablir un fonctionnement «acceptable» d'une présidence, centrale dans le système algérien, et qui se trouvait en situation de panne. Cette nomination devrait de manière formelle également sortir la présidence d'une «gestion familiale» de fait. Mais il s'agit d'aspects fonctionnels qui auraient pu être résolus autrement sans recourir à un personnage aussi «typé» qu'Ahmed Ouyahia. L'explication par l'exceptionnelle capacité de travail supposée de l'impétrant ne suffit pas. Il faut bien insérer cette nomination dans le cadre d'une scission interne de la direction du régime que l'intervention désormais célèbre de Amar Saâdani a mis sur la place publique. Avec une mise en cause frontale du général Mohamed Mediene, dit Toufik, invité sans ménagement par Saâdani à tirer les conclusions de ses «échecs» en démissionnant. Nul besoin d'un effort particulier pour déchiffrer les intentions de Saâdani -le départ du général Toufik - même si on pouvait légitimement se demander si le «clan présidentiel» avait besoin d'une telle échappée tonitruante. Le message de Bouteflika en date du 17 février, au lendemain de la première sortie de Mouloud Hamrouche, traduisait l'urgence inquiète d'instaurer une trêve entre les différents protagonistes de la crise. Bouteflika y défendait, contre son «homme» Saâdani, le DRS et son chef.

UN GAGE DE LA CESSATION PROVISOIRE DES HOSTILITES

Juste avant la zone de tempête, le système annonçait une suspension des hostilités, trêve qui confirme que le 4ème mandat, même s'il est très mal ressenti par d'importantes catégories de la population, est un élément relativement secondaire de la crise du régime. Une crise qui s'étale dans les médias et qui n'arrive toujours pas à en sortir, car la candidature d'Abdelaziz Bouteflika continue de provoquer de vrais remous dans la société. Mais, avant de faire taire les contestations qui s'expriment dans la société, il faut bien commencer par sceller la «trêve» au sein du régime par des vrais gages. Ahmed Ouyahia, en directeur du Cabinet présidentiel, filtre majeur de la décision de dernière instance, semble incarner ces gages. Il faut noter qu'avant d'être nommé à la fonction, Ouyahia est passé sur le plateau d'une chaîne de télévision pour affirmer avec un aplomb caractéristique ou avec un «humour au second degré», selon la formule d'un confrère, que l'Etat algérien est déjà «civil», que le général Toufik ne fait pas de «politique» et que Bouteflika va bien même s'il n'a pas la grande forme. Communication fonctionnelle de type cybernétique nord-coréen avant de basculer dans le nécessaire mutisme de la fonction. Car, avec un tel profil à ce poste, la trêve entre les différents clans du régime est assurée pour, au moins, la phase intérimaire de l'élection présidentielle. «Pas de décret de mise à la retraite surprise contre des généraux, pas de décisions inattendues, le processus de signature des décrets, si essentiel dans le régime, est ainsi sous contrôle», observe un analyste. Ouyahia serait ainsi le gage donné pour assurer la cessation provisoire des hostilités au sommet des appareils -qui ne semble d'ailleurs pas très respectée aux échelons inférieurs comme en témoigne l'affaire de la chaîne Al-Atlas- soit «officialisée». Si les choses sont pliées pour la présidentielle -les partisans d'Ali Benflis devraient définitivement déchanter- personne ne peut parier que la trêve «Ouyahia» durera longtemps après le 17. «La question des mises à la retraite d'officiers très âgés ne peut être indéfiniment éludée», note un observateur averti?