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En cas de «guerre du gaz» à cause de l'Ukraine : L'Italie fera face «si pas de problèmes en Algérie»

par Salem Ferdi



La crise en Ukraine peut déboucher sur une nouvelle crise de gaz qui affecterait de manière inégale les pays européens. Paolo Scaroni se veut optimiste. Mais en cas de «vrai conflit», ENI fera face grâce à la production en Libye. Et à l'Algérie «s'il n'y a pas de problèmes».

Le bras de fer entre la Russie et les Occidentaux au sujet de l'Ukraine peut potentiellement déboucher sur une guerre du gaz. Déjà, le patron de Gazprom, Alexeï Miller, a évoqué la possibilité d'arrêter les livraisons de gaz à l'Ukraine en raison d'impayés de 1,9 milliard de dollars. La compagnie ukrainienne Naftogaz n'est pas en mesure d'honorer ses factures qui s'alourdissent d'ailleurs avec la décision de Gazprom de mettre fin à la ristourne sur le prix du gaz accordée depuis décembre dernier à l'Ukraine. Officiellement, Gazprom tient à honorer ses contrats mais, si elle décide de cesser les fournitures à l'Ukraine, cette dernière pourrait fermer le gazoduc Brotherhood qui traverse son territoire. Le gaz russe entre pour 30% dans la consommation de l'Europe et la moitié passe par le gazoduc Brotherhood. Avec la mise en service du gazoduc Northstream sous la Baltique, la dépendance est moins forte à l'égard du gazoduc ukrainien auquel sont associées déjà les deux crises du gaz de 2006 et de 2009. Mais tous les pays européens ne sont pas logés à la même enseigne. Certains pays, comme l'Italie, la Slovaquie ou la Hongrie, seraient plus sensibles à une éventuelle cessation des approvisionnements via le gazoduc ukrainien. Le patron de l'entreprise italienne ENI, Paolo Scaroni, se veut optimiste sur l'immédiat. Pour le moment, a-t-il déclaré, la crise ukrainienne est sans effets sur les fournitures de gaz de l'Algérie. «Pour cette année, grâce aussi à des températures très douces sur toute l'Europe, je pense pouvoir exclure que la crise de l'Ukraine puisse avoir un impact sur les fournitures de gaz», a-t-il déclaré à la Stampa. Mais il estime que la situation pourrait devenir inquiétante l'année prochaine en cas de persistance des tensions. L'Italie a beau avoir réduit la part de gaz russe dans ses approvisionnements, elle n'en reste pas moins élevée et représente 28%. Scaroni doute que Gazprom décide de suspendre ses exportations via l'Ukraine et il ne serait pas, non plus, de l'intérêt de cette dernière de le faire. «Il me semble difficile que la Russie puisse suspendre ses exportations via l'Ukraine à moins qu'on ne soit dans un scénario de vrai conflit, ce que, au stade actuel, j'aurais tendance à exclure, a-t-il déclaré. Il a relevé également que l'Ukraine «encaisse 3 milliards de dollars par an pour le passage du gaz russe sur son territoire mais aussi de celui de la Russie».

EN CAS DE «VRAI CONFLIT»

Mais la perspective d'un «vrai conflit» n'est pas écartée, d'autant que la Russie via son parlement a fait savoir qu'elle respecterait le «choix historique» des Criméens lors du référendum prévu le 16 mars sur le rattachement de la Crimée à la Russie. Dans le cas d'un «vrai conflit» avec fermeture du transit gazier par l'Ukraine, Paolo Scaroni affirme qu'ENI aura le moyen de faire face «en maintenant la production en Libye au niveau actuel, s'il n'y avait pas de problèmes en Algérie qui représente un tiers de nos importations de gaz et si nous réussissions à accroître les importations de gaz russe via le gazoduc Northstream», même si «tout ceci aurait évidemment un coût additionnel».

UN «SI» BIEN MYSTERIEUX

Beaucoup de si. Et le «si» accolé à l'Algérie n'évoque pas la nature des «problèmes en Algérie» qui seraient une entrave à l'approvisionnement. S'agit-il d'une appréciation sur la situation politique algérienne liée aux signes extérieurs de divergences au sein du régime algérien avec la fameuse sortie d'Amar Saâdani et de la controverse autour du 4ème mandat présidentiel ? Ce serait une «première», les partenaires de l'Algérie n'ayant jusqu'à présent jamais exprimé d'inquiétudes sur les risques politiques inhérents au régime. Il est sans doute plus probable qu'il s'agisse d'une allusion au risque sécuritaire en référence à l'attaque de Tiguentourine de janvier 2013 qui a eu un impact important sur les capacités d'exportations gazières du pays. Le complexe de Tiguentourine (Illizi) assure à lui seul près de 18% des exportations algériennes de gaz. L'Algérie, dans la mesure où elle dispose de capacités d'exportations supplémentaires, est effectivement une des réponses possibles en cas de fermeture du gazoduc ukrainien. Rappelons qu'à la fin de mai 2013, Sonatrach et ENI ont conclu un accord prévoyant une réduction des volumes de gaz livrés à l'Italie en 2013 et 2014.