L'Europe réunie à Bruxelles a été unanime à mettre ce qu'il faut comme
moyens financiers et humains pour endiguer l'immigration dite « clandestine »
en provenance du Sud-méditerranée. Ecartant sa responsabilité dans le
phénomène, c'est le rare domaine où l'Europe fait consensus.
C'est certainement l'un des rares sujet qui a fait l'unanimité des chefs
d'Etat et de gouvernement réunis, jeudi et vendredi dernier, à Bruxelles : La
lutte contre l'immigration clandestine, particulièrement celle provenant du
Sud-méditerranée. Les conclusions du Conseil européen rappellent la nécessité
de renforcer les dispositifs sécuritaires et le contrôle des flux migratoires.
Les recommandations sont on ne peut plus légitimes et normales sur la forme.
Car, au fond, les dirigeants européens ont appelé à ce que les contrôles aillent
plus loin : dans les pays d'origine et de transit. Autrement dit, mettre la
pression sur les gouvernements des pays nord-africains, ultimes frontières
maritimes avec l'Europe, pour qu'ils érigent de vrais barrages sécuritaires
chez eux. C'est un retour à la politique d'avant le «printemps arabe» de 2011,
puisque des pays comme la Libye de Kadhafi et le Maroc de Mohamed VI, contre 5
millions d'euros chacun de subvention européenne, avaient mis en place, chez
eux, des centres de rétention pour stopper le «départ» des candidats à
l'immigration clandestine nationaux ou venant des pays subsahariens. Si depuis
2011, le système n'est plus de mise en Libye, il est encore en vigueur au
Maroc. Contenir donc les pays du Sud-méditerranée dans le rôle de «gendarme garde-
frontières» de l'Europe. Jusque-là, l'Europe est dans son rôle souverain et
libre de se «protéger» des flux migratoires africains et arabes. Seulement,
l'Europe fait comme si elle n'a aucune responsabilité dans l'explosion des flux
migratoires en oubliant son implication dans les «révoltions du printemps
arabe». La France a été derrière la chute du régime de Khadhafi en lui faisant
la guerre chez lui et a soutenu les soulèvements dans les autres pays, jusqu'à
la Syrie aujourd'hui. En Afrique sub-saharienne, la France est à la manœuvre.
Cette politique est soutenue, directement ou indirectement, par l'ensemble des
pays de l'Union européenne. Ce rappel est nécessaire pour dire combien l'Europe
fait semblant de s'étonner face au flux des populations fuyant le désordre et
la guerre auxquels elle participe. Du coup, l'appel des chefs d'Etat et de
gouvernement, vendredi dernier à Bruxelles, à multiplier et renforcer les
systèmes de protection des frontières maritimes de l'Europe, sent un air de
tartufferie, pour ne pas dire une fuite en avant face aux réalités
géopolitiques dont elle est l'acteur principal. Oui, puisqu'il a été question,
lors de ce Sommet, uniquement de renforcement des moyens de l'Agence Frontex et
Eurosur (surveillance en Méditerranée) et point d'examen des conditions d'asile
et d'accueil de ceux qui arrivent à passer au prix de leur vie les mailles du
filet protecteur de l'Europe. Point de référence à une consultation des pays
tiers, ceux du Nord-méditerranée. Uniquement de la prévention, plutôt de la
répression en « haute-mer » des damnés et victimes expiatoires des guerres et
de la compétition économique des Européens en Afrique. La communication du
Sommet européen sur ce sujet mérite d'être mise en public par ce qu'elle a de
«sélectif » et d'injuste. En effet, les dirigeants européens ont mis à la «Une»
l'immigration africaine et arabe, et uniquement celle-là, alors que la
Commission européenne, organe exécutif de l'Europe, vient de publier les
chiffres de l'immigration qui mettent en tête des statistiques l'immigration
provenant des pays de l'est européen, y compris de Russie. Mais peut-on en
vouloir à cette conception européenne du choix et tri de «son» immigration ?
Certainement pas, tant les gouvernants africains et arabes sont, sur ce dossier,
dans une attitude de passivité effarante en plus de leur incapacité à gérer
démocratiquement leurs pays et à protéger leurs peuples. Vendredi dernier à
Bruxelles, le sujet de l'immigration n'a pas retenu l'attention des médias
occidentaux. Sans doute, le souvenir des 350 vies perdues en novembre près de
Lampedusa et le traitement moyenâgeux des Africains dans le centre de rétention
de l'île la semaine dernière, où ils sont mis à poil, passés au détergent
devant des enfants et des femmes est pour quelque chose dans cette «discrétion»
sur le sujet dans les médias.