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Zone du Sahel : retour aux fondamentaux pour les pays du champ

par Kharroubi Habib

Depuis dimanche passé, une vaste opération militaire conjointe France-Mali-ONU est en cours au nord et au sud de la boucle du fleuve Niger. C'est le signe que la recrudescence des attaques et attentats opérés au Nord-Mali par les groupes djihadistes est apparue inquiétante et démonstrative que l'opération «Serval» est loin d'avoir mis un terme à la nuisance de ces groupes.

C'est dans ce contexte de relance de la traque des bandes djihado-terroristes que notre ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra a débarqué à Bamako. Il lui est prêté l'intention de faire jouer à l'Algérie un rôle plus offensif pour tout ce qui touche à la zone sahélienne. Et pour cela contribuer à relancer le concept de «l'action commune» des pays du champ dont l'Algérie fait partie avec la Mauritanie, le Niger et le Mali. Dans ce but, il s'est déjà rendu à Nouakchott et se rendra à Niamey après son escale à Bamako. La démarche s'impose car faute de l'action commune à laquelle ils ont souscrit, les pays du champ ont dû assister impuissants à la gestion de la crise malienne par des puissances extra-régionales et s'accommoder à la présence dans la zone de forces militaires qui lui sont étrangères. Pour l'Algérie, la relance de la coopération entre les pays du champ est un impératif, car elle est le cadre qui lui permettrait d'avoir une plus grande latitude de peser sur les événements au Sahel sans se mettre en contradiction avec sa doctrine de «non-ingérence» dans les affaires d'Etats tiers. Dans les capitales où il a entrepris de se rendre, Ramtane Lamamra plaide pour la réactivation des instruments dont les pays du champ se sont dotés en vue d'actions collégiales contre les groupes djihado-narcotiques et terroristes. Nouakchott et Niamey sont sur la même longueur d'onde qu'Alger. Reste à savoir si Bamako sera dans les mêmes dispositions et prêtera une oreille attentive au ministre algérien des Affaires étrangères.

C'est que les nouvelles autorités maliennes disposent d'un parapluie sécuritaire avec la force d'intervention française et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) qui peut leur donner à penser qu'elles peuvent se passer de la collaboration avec les pays du champ. Une collaboration que leurs prédécesseurs avaient paralysée en partant du calcul qu'en ne braquant pas Bamako contre les agissements des groupes djihado-narcotiques au nord du Mali elles s'en assureraient le respect et l'intégrité de l'Etat malien. On sait ce qu'il est advenu de ce calcul qui a condamné au blocage les instruments mis en place par les pays du champ censés impulser et coordonner des opérations de lutte commune contre ces groupes.

L'Algérie se doit d'affirmer sa position de «pays pôle» dans la région sahélienne à un moment où cette région est le terrain de grandes manœuvres visant à la soumettre à des influences extra-régionales dont les desseins à l'égard de l'Algérie sont pour le moins troubles. L'Algérie sait qu'elle doit montrer ses muscles pour s'acquérir le respect et celui de ses intérêts stratégiques dans la zone. Mais également entreprendre le travail diplomatique nécessaire pour dissiper les malentendus, et voire même les craintes que son intérêt pour la région suscite malgré la réaffirmation et l'observation pointilleuse de sa doctrine diplomatique de non-ingérence dans les affaires d'autrui. Pour avoir été au cœur des forums africains où ce type de position à l'égard de l'Algérie a eu à s'exprimer, Ramtane Lamamra détient l'argumentaire pour convaincre ses interlocuteurs de son imaginaire qui ne travaille pas pour l'instauration d'une coopération véritable et sur un pied d'égalité entre les Etats riverains de la zone sahélo-saharienne.