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CE QUE KHELIL NOUS DIT DE SON SANCTUAIRE AMERICAIN

par K. Selim

Chakib Khelil sera-t-il jugé un jour par la justice algérienne ? Ceux qui y croient, s'ils existent, ne sont pas nombreux. Le mandat d'arrêt international lancé contre Chakib Khelil et ses proches est une «mise à jour» nécessaire pour la justice algérienne au vu du flux d'informations sur des pratiques avérées de corruption. On peut concéder au procureur d'Alger que la justice algérienne ne fait pas dans le suivisme et qu'elle agit dans le cadre de ses propres procédures. Cela n'empêchera pas beaucoup d'Algériens de regretter qu'une mesure aussi évidente d'interdiction de sortie du territoire national n'ait pas été signifiée à temps à celui qui faisait de toute évidence ce que bon lui semble dans le secteur, vital, de l'énergie.

Chakib Khelil n'est pas un enfant de chœur - on le constate de manière effarante - et il n'est pas ignorant du fonctionnement du système. Qu'une perquisition ait eu lieu à ses domiciles n'était pas difficile à décoder pour celui qui est «dedans» depuis trop longtemps. C'était un signal ultime que les protections qui ont fonctionné dans Sonatrach 1 ne fonctionnent plus. Il en a tiré la conclusion simple qu'il était temps de se mettre au vert dans le sanctuaire américain. On peut se perdre en conjectures et rechercher des «explications» au fait qu'un homme dont le nom était si fortement associé et de manière documentée à des affaires de corruption n'ait pas fait l'objet d'une mesure conservatoire d'interdiction de sortie du territoire. C'est une mesure non infamante à priori et qui ne porte pas atteinte au principe de la présomption d'innocence qui peut être prise dans un souci d'administration de la justice. Ce qu'il faut constater est qu'elle n'a pas été prise.

Chakib Khelil et sa tribu se sont mis à l'abri de la justice algérienne dans le sanctuaire américain. Ce sont des «Citizen» américains, ils ne sont pas livrables. Le mandat d'arrêt algérien est sans effet. Le procureur algérien s'installe dans la perspective très hypothétique que Chakib Khelil «quitte les Etats-Unis et tout dépendra du pays où il s'adressera?». Mais pourquoi l'ancien ministre quitterait-il les Etats-Unis surtout s'il a là-bas tout ce qu'il faut et la liberté en plus ! En réalité, plutôt que de rêver d'un procès Khelil, totalement improbable en l'état actuel des choses, les Algériens doivent se poser des questions sur ce qui rend ces pratiques de corruption possibles. La corruption est «un phénomène mondial qui a toujours existé», a déclaré le procureur général d'Alger. Mais il ne faut pas rester dans les généralités.

La corruption est beaucoup moindre dans des pays démocratiques et les Etats de droit que dans les régimes autoritaires. Tout simplement parce qu'il n'existe pas dans les pays démocratiques d'exercice du pouvoir sans reddition de comptes, sans mécanismes indépendants de contrôle. Les systèmes démocratiques ne se basent pas sur l'hypothèse, angélique, que les hommes sont probes et ne vont pas se servir contre les intérêts de la communauté. Ils se fondent sur le principe que ceux qui exercent du pouvoir doivent rendre compte et cela relativise l'idée qu'ils sont les «maîtres absolus» du secteur qu'ils dirigent. Il ne s'agit pas de minimiser le rôle des hommes, bien au contraire. Mais le cas Khelil montre, jusqu'à la caricature, que le système algérien ne préserve pas l'intérêt de la communauté. Et qu'il faut impérativement le changer. Aujourd'hui, dans son «sanctuaire américain», Khelil nous nargue. Il nous montre à quel point le système est devenu fou et dangereux !