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Algérie-Mali : Ce qui se passe à nos frontières

par Ghania Oukazi

«L'opinion publique nationale tend l'oreille à ce qui vient d'ailleurs, pour tenter de comprendre ce qui se passe à nos frontières. »

Le propos est lancé par un universitaire mais est partagé par la grande majorité des Algériens qui, comme les a habitués le pouvoir, ne sont pas informés sur ce qui pourrait entraîner une reconfiguration profonde de leur région, au nom de la préservation d'intérêts français. Mis à part des déclarations d'un style protocolaire absurde, les officiels algériens se confinent en effet, dans un étrange silence qui semble cacher un état de compromission affligeant.

Les Algériens tentent, tant bien que mal, depuis le week-end dernier, de comprendre ce qui se passe dans un pays avec lequel les autorités avaient tissé de profondes relations politiques, économiques et même amicales. L'on se rappelle que le ministre malien des Affaires étrangères faisait des va et vient incessants entre Bamako et Alger, augurant d'une maîtrise impeccable de la situation. Il fallait cependant compter sans le coup d'Etat fomenté en mai dernier contre le président malien qui devait pourtant subir le test des urnes avant de quitter ses fonctions. Alger n'avait pas trop de doute à ce sujet. Mais la carte qui lui manquait était justement celle de ce coup d'Etat perpétré pour que Paris en redistribue de nombreuses autres avec toute l'assurance qui sied à une puissance qui sait ce qu'elle doit faire quand il s'agit de l'Afrique. C'est le début d'une escalade à laquelle l'Algérie ne voulait pas prêter le flanc mais tenait à la voir canalisée à l'intérieur du Mali par les seules voies du dialogue et de la concertation. L'enlèvement de ses 7 diplomates est venu en confirmer, si besoin était, ses visées et retombées véritables.

Au-delà des commentaires et des esquisses d'analyses donnés, ici et là, par des universitaires notamment, les officiels algériens refusent de communiquer. Il a fallu que le ministre français des Affaires étrangères l'affirme pour que l'opinion nationale sache que « l'Algérie a autorisé, sans limite, le survol de son territoire aux avions français.» Y a-t-elle était contrainte ? Au regard de l'évolution rapide des faits, il faut croire que oui. Un tel accord pèsera pourtant lourdement sur la question de la souveraineté nationale qu'elle a, à fleur de peau.

Il est désolant que des questions aussi stratégiques soient laissées au seul verdict des supputations. Pourtant, le discours officiel sur les conséquences désastreuses d'une intervention militaire a été bien propagé, tout au début du conflit malien, aux plans national et international. Aujourd'hui que c'est fait, les autorités officielles n'osent même pas en parler en «off.» Triste comportement pour une situation qui, si elle était expliquée officiellement, pourrait sensibiliser fortement les populations sur le devenir d'une région empestée par des relents néocolonialistes suffocants.