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Les magistrats veulent une réelle indépendance de la justice

par Salah-Eddine K.

Réuni, hier, à la résidence des magistrats à Ben-Aknoun-Alger, le conseil national du syndicat national des magistrats (SNM) a eu à débattre de plusieurs points intéressant la profession et surtout celui de son avenir en sa qualité d'institution sensible et baromètre de l'état de démocratie dans notre pays.

Le discours du SNM est passé à une vitesse supérieure et plus directe après avoir ménagé ou cautionné longtemps un état de fait devenu tabou, surtout pour les premiers concernés que sont les magistrats eux mêmes. Le président de ce syndicat affirmait maintes fois dans ses déclarations à la presse, que la justice n'obéit pas à des interférences et coups de téléphone pour rendre une décision de justice et que le juge est indépendant dans l'exercice de sa fonction. Cette lecture de premier degré, ne semble plus faire recette parmi les magistrats, à commencer par son président lui-même, car l'on se rend compte que l'indépendance de la justice est une question beaucoup plus sérieuse et surtout qu'elle ne relève pas de simples intentions fussent-elles écrites, mais bien plus que cela.

En tous les cas les magistrats, sous l'égide de leur syndicat (SNM), osent parler d'indépendance de la justice sans détours. Selon une déclaration du conseil national du SNM distribuée lors de cette réunion, il est fait clairement référence aux confusions que pourraient engendrer la constitution actuelle, précisément en ce qui concerne le volet relatif à l'indépendance de la justice. La dite déclaration recommande d'opérer une différence entre les termes, indépendance de la justice d'une part,dont la signification renvoie à l'appareil de la justice avec ce que cela englobe comme fonctionnaires, assesseur et personnel affiliés au ministère et d'autre part l'indépendance du magistrat dans l'exercice de son travail, loin des pressions.Deux choses différentes sur lesquelles insistent particulièrement les magistrats et sur lesquelles il y a des correctifs qui s'imposent afin de lever cette confusion.

Le prochain amendement de la constitution, ne doit pas perdre de vue d'apporter des corrections à une situation préjudiciable au magistrat et à son indépendance. «Le citoyen, lui importe peu de lui dire que la justice est indépendante mais ce qui l'intéresse c'est de voir le magistrat lui-même indépendant de toutes pressions d'où qu'elles viennent», est-il indiqué.

Et c'est de ce dernier point qu'il a été surtout question, hier, pour les membres du conseil national du SNM, même si certains d'entre eux ont préféré mettre en avant, lors de cette réunion, leur situation socioprofessionnelle. Le SNM a émis la proposition que le conseil de la magistrature (CNM) ne soit plus dirigé par le ministre de la justice qui est membre de l'exécutif, mais cette place de vice-présidence (étant donné que le président du conseil n'est autre que le président de la république en sa qualité du premier magistrat) devrait revenir au président de la cour suprême ou à l'élu le plus âgé du CNM.

Peu satisfait de l'image reflétée par cette corporation, les magistrats soutiennent que seule une indépendance dans l'exercice de leur fonction peut les mettre à l'abri des critiques que la corporation ne cesse d'encaisser. Selon le président du SNM Djamel Aidouni,« la confiance du citoyen en la justice passe par l'indépendance du magistrat. Les bonnes intentions ne peuvent à elles seules apporter les réponses aux exigences citoyennes ». Et d'ajouter « l'indépendance de la justice n'est pas une revendication des magistrats seulement, mais c'est une revendication citoyenne ».

Moussa Bousouf un autre magistrat au conseil d'Etat et membre du conseil national du SNM, résumera les préoccupations des magistrats en déclarant : que « le conseil de la magistrature doit être composé uniquement d'élus parmi les magistrat et la vice-présidence du conseil doit être tenue par le président de la cour suprême et non comme c'est le cas actuellement, que le budget alloué pour les salaires et indemnités des magistrats soit décidé par les parlementaires, élus du peuple, c'est à eux d'apprécier et de décider sur ce que nous méritons ». Et de poursuivre que l'inspection ayant pour rôle de suivre la carrière du magistrat (promotion, affectation...) ne doit plus dépendre du ministère de la justice et devra être placée sous la coupe du conseil national des magistrats.

Au sujet de la peine capitale les avis au sein des magistrats divergent. Pour les partisans de l'application de cette peine, il y a lieu de rétablir (car gelée depuis 1995) son application pour les cas de kidnappings, agressions sexuelles et meurtres d'enfants. Pour d'autres, la solution résiderait, dans la solidarité de la société. Quant à la restriction des libertés, Kamel Himeur, SG du SNM, fera remarquer à propos de quelques faits relevés par la presse et particulièrement cette affaire qui remonte à 2 mois, où des magistrats auarient été arrêtés en compagnies de filles mineures , il dira que l'enquête a prouvé que cette affaire dite du Bungalow de Beni- Saf n'avait aucun fondement juridique, ce qui a conduit le juge à la déclarer « infondée et nulle ». Ce magistrat souligne qu'il y a là « une déviation de la part de ceux qui veulent s'ériger en moralisateur et ont ordonné l'arrestation de ces magistrats ». Et de préciser que « faire la fête n'est pas interdit, parler à une femme ne l'est pas non plus. Les citoyens doivent défendre leurs libertés et contre ces abus qui prennent malheureusement, parfois, une force de loi ».