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Un Aïd sanglant en Syrie : La trêve vole en éclats

par Moncef Wafi

La trêve de 4 jours annoncée par Damas sur tout le territoire du pays, à l'occasion de l'Aïd el-Adha, n'a pas résisté au tourbillon de la violence qui ravage la Syrie. Le commandement de l'armée syrienne a annoncé la cessation des opérations militaires dans le pays à l'occasion de la fête de l'Aïd el-Adha, célébrée du 26 au 29 octobre. Le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon avait salué cette déclaration, tandis que la porte-parole de la diplomatie américaine Victoria Nuland a indiqué que les Etats-Unis suivraient de près le respect de la trêve en Syrie. Pour sa part, Moscou a proposé de prolonger la trêve au-delà de la fête de l'Aïd el-Adha. Cette issue était prévisible du moment que certains groupes armés de l'opposition avaient décliné, au préalable, l'appel de Lakhdar Brahimi, le médiateur international pour la Syrie, à une trêve conjoncturelle durant la fête du Sacrifice. L'Armée syrienne libre (ASL) avait rejeté la proposition de l'émissaire onusien la qualifiant d'inutile. Damas a, pour sa part, annoncé qu'il respecterait la trêve, mais qu'il se réservait le droit de répondre aux attaques des rebelles. Selon les premières estimations, les combats ont déjà fait 150 victimes, en 2 jours. Et les accusations sur la responsabilité du viol du cessez-le-feu ont été échangées entre les deux parties en conflit. La trêve n'aura, en fait, duré que quelques heures après son entrée en vigueur théorique vendredi, premier jour de l'Aïd el-Adha. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), au moins 146 personnes ont péri, ces dernières 48 heures. L'OSDH, qui s'appuie sur un réseau de militants et de sources médicales dans des hôpitaux militaires et civils, à travers le pays, a recensé 53 civils, 50 rebelles et 43 soldats tués pour le seul vendredi. La télévision d'Etat syrienne a, de son côté, indiqué qu'un attentat «terroriste» à la voiture piégée a visé, hier, une église de la ville de Deir Ezzor, dans l'est du pays. Mais l'attentat le plus meurtrier a été enregistré vendredi dans le sud de Damas. L'attentat dans le quartier ?Daf Chawk' a fait une cinquantaine de morts, dans un nouveau bilan donné par les autorités syriennes. Le colonel Abdel Jabbar al-Oqaidi, chef du conseil militaire rebelle d'Alep a affirmé, pour sa part, que cette trêve est «mort-née», la qualifiant de «mensonge» et engageant la responsabilité du médiateur algérien. «Nous avons accepté la trêve pour la communauté internationale mais nous savions que le régime ne la respecterait pas», a précisé le colonel.

Pour Moscou, indéfectible allié de Bachar al-Assad, c'est l'opposition syrienne qui a fait échouer la trêve. «Les pays occidentaux ont bloqué une déclaration du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant l'attentat de Damas, tandis que l'opposition a fait échouer la trêve. Son intention de poursuivre les violences ne fait aucun doute», a twitté, hier sur son compte, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov. Rappelons que le Conseil de sécurité de l'ONU a rejeté ce vendredi, l'initiative de Moscou qui a proposé d'adopter une déclaration condamnant l'attentat terroriste qui avait fait près de 50 morts à Damas. Attendu avec beaucoup d'espoir, ce cessez-le-feu était l'occasion d'entrouvrir la porte à un peu plus d'optimisme dans l'issue du dossier.

Une telle trêve «favoriserait un environnement permettant au processus politique d'évoluer», avait suggéré Lakhdar Brahimi, dont l'approche est jugée plus consensuelle, davantage diplomatique. Mais la réalité du terrain est implacable et ni la bonne volonté de Brahimi, ni l'intransigeance de certains Etats dépositaires de la rébellion syrienne, ne changeront grand-chose. Reste maintenant l'autre option préconisée, dans la feuille de route de l'émissaire onusien, celle d'un déploiement de forces de maintien de la paix en Syrie avait fait savoir le Conseil national syrien (CNS), la principale instance de l'opposition en exil. Le Qatar, qui avait déjà proposé le déploiement d'une force arabe en Syrie, a estimé que la force de maintien de la paix devrait être armée. Lakhdar Brahimi devra certainement débattre de cette option avec le président syrien mais l'on voit mal l'accord de Damas d'un déploiement d'une force d'interposition tant que l'opposition ne dépose pas les armes.

Opposant historique exilé en Allemagne, Fawaz Tello pense que «Brahimi et les Nations unies essaient d'amener la situation où ils veulent, c'est-à-dire au point où nous serons très faibles et où nous accepterons une force de maintien de la paix, en conservant d'une manière ou d'une autre, une partie du régime», «Nous n'allons pas l'accepter», ajoutera-t-il.