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Les sociétés de leasing d'Algérie veulent préserver leur atout fiscal

par Hakima Boussaidane

Les sociétés de leasing appréhendent une fin d'année 2012 qui sera synonyme d'expiration du sursis accordé à la mise en œuvre des normes comptables IFRS (International Financial Reporting Standards). Cette mise en œuvre équivaudrait à la perte de l'avantage fiscal dont bénéficient leurs clients. Les PME, principaux clients, risquent de bouder?

Le sursis accordé en 2010 aux sociétés de leasing de se mettre à niveau et se préparer à la mise en œuvre de l'IFRS prend fin à la fin de l'année en cours. L'IFRS, nouvelles normes internationales d'information financière, a pour but d'assurer une plus grande transparence financière des entreprises, une meilleure information du public et une uniformisation des pratiques comptables. Les sociétés financières ont pu obtenir via l'ABEF (Association des Banques et des Etablissements Financiers) un délai de trois ans pour mettre en place le nouveau système comptable. L'exercice 2013 devrait donc être le point de départ pour l'application du nouveau système comptable. Pour les sociétés de leasing, l'objectif de transparence et d'information du public n'est pas contestable. Mais l'uniformisation qui a pour effet d'éliminer la distinction comptable entre crédit-bail et financement bancaire pose de sérieux problèmes. Les sociétés de leasing vont devoir négocier, via l'ABEF, avec le gouvernement pour obtenir un nouveau sursis. Voire mieux, une dérogation en bonne et due forme qui tienne compte du caractère spécifique des sociétés de leasing. Il s'agit, pour les responsables des sociétés de leasing, de préserver l'avantage fiscal du crédit-bail par rapport au crédit bancaire classique. Dans le Plan comptable national (PCN) antérieur à l'IFRS, les opérations relatives à des contrats de crédit-bail, des contrats de location de longue durée, des contrats de location avec option d'achat ne figurent ni à l'actif ni au passif du bilan. Seuls les loyers sont comptabilisés en charges. Les bénéficiaires d'un crédit-bail payent un loyer à la société financière de leasing alors que ceux qui ont contracté une facilité bancaire doivent rembourser le capital et les intérêts selon un échéancier de crédit.

Le traitement comptable d'un loyer et d'un remboursement de crédit classique n'est pas le même. Avant l'introduction de l'IFRS, le crédit-bail n'était pas considéré comme une créance et les équipements acquis par ce moyen n'étaient pas enregistrés dans le bilan. Dans le PCN, la présentation de l'actif et du passif est complètement différente entre une entreprise qui financerait par emprunt ses investissements et celle qui financerait par leasing. Ainsi, la première aurait à l'actif la valeur des investissements, les dettes au passif tandis que la seconde n'aurait aucun actif ni aucun passif lié à ses investissements en crédit-bail. De même au niveau du compte de résultat, la première entreprise voit son résultat amputé de dotation aux amortissements et de frais financiers alors que la seconde n'a que des charges d'exploitation avec le coût des loyers. Ainsi, en terme comptable et fiscal, la formule leasing était fort différente du crédit bancaire. Cette distinction saute avec l'IFRS. Les sociétés de leasing risquent ainsi de perdre leur atout fiscal, celui-là même qui fait leur attractivité. Avec l'IFRS, les loyers de crédit-bail sont assimilés à des échéances de crédit bancaire classique. Les six sociétés de leasing actives en Algérie sont très préoccupées par cette perspective. A l'image de Abdennour Houaoui, Directeur général d'Arab Leasing Corporation (ALC), pour qui «la mise en application du système IFRS risque de faire perdre à la société l'avantage comparatif qui la distingue des banques classiques. Dans beaucoup de pays, le leasing n'est pas considéré comme une créance bancaire, sauf en Algérie».

UNE FORMULE QUI RISQUE DE PERDRE SON ATTRACTIVITE

Avec l'IFRS, l'avantage fiscal inhérent au paiement d'un loyer sera supprimé. C'est l'intérêt même de la formule leasing qui est remis en cause, selon les professionnels. Le leasing permet de financer à moyen terme des investissements sans affecter les capacités d'endettement de l'entreprise et à ce titre, le crédit-bail n'est pas inscrit dans les actifs du bilan Cette technique permet d'éviter une forte mobilisation de fonds de l'entreprise et minimise l'impact sur sa trésorerie. Le leasing offre aux entreprises une méthode d'amortissement des dépenses et d'amélioration de leurs gains d'impôts ce qui lui confère un avantage fiscal majeur. Par ailleurs, la formule leasing suscite un intérêt grandissant des opérateurs pour d'autres raisons, parfois? religieuses. Certains opérateurs voient en effet dans le crédit-bail un financement sans taux d'intérêt attaché, dénué de la sacrilège «Riba». Pourtant, c'est un pur artifice. Le taux d'intérêt n'apparaît certes pas, mais il est intégré au loyer que doit payer le bénéficiaire du leasing.

LES TPE ET LES PME GRANDES PERDANTES

L'une des raisons du succès de cette forme de crédit reste l'absence de garantie. Contrairement aux banques qui ne sont jamais propriétaires des biens financés par leur crédit, les sociétés de leasing peuvent à tout moment, en cas de défaillance de leur client, reprendre en pleine propriété les équipements acquis pour le compte de leurs clients. La disparition de ces avantages, craignent les professionnels, poussera les PME en quête d'équipements à rechercher d'autres formes alternatives au crédit bancaire usuel, le marché informel ou la finance islamique. Certains de ces professionnels espèrent que le gouvernement acceptera d'exempter les sociétés de leasing de certaines normes de l'IFRS afin de préserver une dynamique minimale d'investissement. Une mise en application intégrale de l'IFRS impacterait lourdement les TPE (petites entreprises) et les PME en quête de facilités pour acquérir des équipements. Depuis son instauration il y a cinq, le crédit-bail a enregistré une croissance de 30%. Les six sociétés de leasing existantes, dont quatre étrangères, représentent 10% du total des financements accordés par le secteur financier. Pour le Directeur général d'Arab Leasing Corporation, le marché du leasing en Algérie est encore balbutiant, mais son potentiel demeure plus important que celui des autres pays du Maghreb. A condition de ne pas entraver son élan.