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Le tueur présumé de Toulouse abattu: Le temps des interrogations

par Moncef Wafi

Merah abattu, le temps des questions et des dividendes politiques est venu. Le tueur de Toulouse ne sévira plus. Il a été tué, ce jeudi midi à Toulouse, pendant l'intervention du Raid considéré par les milieux de la sécurité comme la meilleure unité de la police. Pourtant, tous les analystes invités sur les plateaux télés pour la circonstance pensaient que le tueur à la moto allait être pris en vie pour « balancer » sur les réseaux dormants, si réseaux existent. Déjà auteur de l'assassinat de trois parachutistes à Montauban, le monde ne le découvrira réellement qu'après son « raid » sur une école religieuse juive à Toulouse. Les médias français s'emparent de l'affaire comme jamais et les politiques français y voient une opportunité pour « booster » leurs campagnes présidentielles. L'identité de l'homme sera connue quelques heures seulement après la tuerie de Toulouse et l'identité de Mohamed Merah fera le tour des plateaux télévisés du monde.

Présenté comme un djihadiste doublé d'un repris de justice notoire, ce Français d'origine algérienne fera un parfait suspect dans la logique lepéniste du pouvoir en place. Déjà fiché par le renseignement américain comme suspect de terrorisme et figurant sur la liste noire des personnes interdites de vol aux Etats-Unis, Merah a été également interrogé, en novembre 2011, au retour d'un voyage au Pakistan, par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), créée en 2008 à l'initiative de Sarkozy, en fusionnant DST et RG. Selon le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, la DCRI était alors au courant de son déplacement une première fois en 2010 en Afghanistan, avant d'être renvoyé vers la France. Alors comment un individu fiché par le successeur de la DST a pu perpétrer de tels actes sans qu'il ne soit soupçonné ? Claude Guéant nie toute erreur de la DCRI en déclarant qu'elle n'avait pas de raison d'aller plus loin après l'interrogatoire de fin 2011, dans la mesure où il n'avait commis aucune infraction et qu'il n'existait aucun indice concret le rattachant à un projet ou un groupe terroriste.

« La DCRI suit beaucoup de personnes qui sont engagées dans le radicalisme islamiste. Ceci dit, exprimer des idées, manifester des opinions salafistes ne suffit pas à déférer à la justice », ajoutera-t-il.

Une déclaration qui pourrait faire bouger certainement les choses allant vers une radicalisation de la loi envers les émigrés suspectés de prosélytisme ou d'apologie du djihad, comme l'a proposé Nicolas Sarkozy, qui veut punir la consultation de sites extrémistes.

Le dossier Merah met également en lumière les techniques développées par le renseignement intérieur français dans sa lutte contre le terrorisme avec les placements sur écoutes téléphoniques « administratives » après approbation d'une commission spécialisée et du Premier ministre. C'est dire un détail pour la DCRI qui a souvent recours à cette pratique sous couvert de lutte contre les fondamentalistes musulmans.

Alors même que Mohamed Merah était encerclé dans son appartement, les présidentiables français montaient au créneau pour dénoncer, critiquer et stigmatiser, chacun selon sa spécialité, l'événement. L'UMP au pouvoir, par la voix de son candidat, a qualifié Merah de « fanatique et de monstre », précisant que des « peines de prison » seront prévues pour ceux qui consultent régulièrement des sites internet faisant l'apologie du terrorisme, ainsi que pour les déplacements à l'étranger « pour y suivre des travaux d'endoctrinement ».

Pour le Parti socialiste, François Hollande a rappelé que « ce n'est pas un musulman qui a perpétré ces assassinats mais un terroriste », appelant à ne pas faire d'amalgame autour des événements de Toulouse. Le FN a été fidèle à sa ligne de conduite, critiquant le pouvoir en place pour son laxisme dans la lutte antiterroriste et dans sa politique contre l'émigration et en privilégiant l'amalgame autour d'un acte isolé et d'une religion suivie par des millions de Français.

Par ailleurs, Christian Prouteau, le fondateur du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale, le GIGN, a critiqué ouvertement l'opération du Raid à Toulouse, « menée sans schéma tactique précis ». Pour lui, il aurait fallu « le bourrer de gaz lacrymogène et il n'aurait pas tenu cinq minutes ». Il s'interroge sur l'utilisation excessive des grenades « qui a mis le forcené dans un état psychologique qui l'a incité à continuer sa guerre. ». Christian Prouteau aurait plutôt vu « une souricière : attendre qu'il sorte et le coincer ».

Le patron du Raid, Amaury de Hauteclocque, a affirmé, pour sa part, que la stratégie adoptée par ses éléments était la plus appropriée, tout en soulignant la détermination du suspect. « C'est la première fois de ma vie que je vois quelqu'un, alors que nous lançons un assaut, venir mener l'assaut contre nous », raconte-t-il.

Il précisera que Merah est venu à l'engagement avec trois Colt 45 de calibre 11,43 contre 15 hommes du Raid, « alors que nous avions engagé uniquement des armes non-létales ». « J'avais donné l'ordre de ne riposter qu'avec des grenades susceptibles de le choquer. Mais il a progressé dans l'appartement, et il a tenté d'abattre mes hommes qui étaient placés en protection sur le balcon. C'est probablement l'un des snipers qui l'a alors touché ». Mohamed Merah avait annoncé le mercredi soir qu'il voulait mourir les armes à la main, son vœu a été exaucé par le Raid.