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Quel lendemain de scrutin ?

par Kharroubi Habib

Apparemment peu con vaincu par les garanties données par le président Bouteflika quant à la transparence et à la régularité du scrutin du 10 mai prochain, Abdelmadjid Menasra, dont la formation, le Front du changement (FC), vient à peine d'obtenir son agrément, a mis en garde contre l'éventuelle fraude électorale qui pourrait entacher ce scrutin. Ce que faisant, il fait montre de la même suspicion que cultivent d'autres leaders partisans à l'égard des intentions du pouvoir pour ce crucial rendez-vous électoral.

 Sauf que lui a été plus loin, car il a accompagné sa mise en garde de la menace «d'investir la rue» au cas où le scrutin serait entaché de fraude. Voilà des propos qui font craindre des lendemains de scrutin agités au cas où son déroulement ferait apparaître que l'engagement présidentiel n'aura pas été respecté. Une perspective que Menasra n'est pas le seul à appréhender, après que Abdelaziz Belkhadem se fut aventuré à prédire que le FLN sortira vainqueur des urnes et que le courant islamiste ne fera pas plus de 30% de score électoral.

 A tort ou à raison, «la sortie prospective» du chef du FLN a été décodée par certains acteurs politiques comme donnant à comprendre que les résultats du prochain scrutin ont été déjà arrêtés selon la «bonne» vieille formule de l'attribution des quotas. Ce qui leur permet d'anticiper leur éventuel insuccès électoral en l'imputant à cette cuisine dont le pouvoir est coutumier.

 A moins donc que le scrutin se déroule dans des conditions de transparence et de régularité irréprochables, il faudra s'attendre à ce que la contestation de ses résultats prenne des formes inédites et pour tout dire inquiétantes pour la stabilité et la paix sociale du pays, compte tenu du climat électrique qui y prévaut dans le sillage des bouleversements politiques dont le Maghreb et le Monde arabe sont les théâtres.

 Cela est d'autant à redouter que des chefs de partis, avant même d'avoir à jauger l'audience de leurs formations auprès de l'électorat, avancent pour elles des scores électoraux que rien à ce stade ne peut donner pour probables. Que les urnes les contredisent et alors, fraude ou pas fraude, il leur faudra bien trouver une raison et une explication au désaveu électoral qu'ils auront essuyé. La voie suggérée par Menasra tentera alors beaucoup d'entre eux. Que feront alors les partis qui s'en tiennent à la conviction que les élections du 10 mai sont déjà jouées parce que la fraude n'est pas une éventualité mais une réalité déjà en pratique de façon multiforme et ont de ce fait renoncé à participer au scrutin ? Sinon de joindre leurs voix à celles dont les résultats des urnes auront été contraires.

 Dire que le scrutin du 10 mai va contribuer à éloigner de l'Algérie le spectre de l'embrasement qu'ont connu d'autre pays de la région et du Proche-Orient est une gageure dont il faut se garder, tant le climat national est «surchauffé» et que des acteurs politiques y voient l'occasion propice à réaliser les desseins qu'ils se sont fixés. Jamais rendez-vous électoral en Algérie n'a été entouré d'autant d'incertitudes et d'appréhension que ne l'est celui du 10 mai prochain. Il sera en tout cas celui du destin pour Bouteflika à la façon dont il sera organisé et par l'accueil qui sera fait à ses résultats par les opinions nationale et internationale.