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Cette année sera-t-elle kif-kif ?

par Abdelkader Leklek

Les fins d'année annoncent les bilans, l'arrêt des comptes, l'équilibre des balances. Les inventaires, les bénéfices avant impôts. La signature solennelle de la loi de finances ou le budget de l'Etat pour l'année qui vient. L'élaboration des almanachs de l'année qui s'en va.

C'est la période de la diffusion des bêtisiers et autres sottisiers, sur les chaînes de télé, pour le divertissement ultime de l'an qui s'achève. C'est aussi le temps des étrennes et des cadeaux, pas pour tous, cela va de soi. Toutes les années finissent dans la précipitation et les nouvelles commencent dans une lenteur léthargique. Celle qui celle qui sera là dans trois jours, se dessine différente. Mon compatriote, monsieur Lakhadar Brahimi, éminent diplomate, dont la sagesse n'est plus à prouver, déclarait il y a peu à l'hebdomadaire Jeune Afrique ; dans son n° du 11 au 17 décembre 2011, dans la rubrique «ils ont dit» cet augure : «le puissant souffle des révolutions arabes n'épargnera aucun pays, y compris le mien, l'Algérie «.Je suis resté sur ma faim, mais j'ai pris cela comme un avertissement, connaissant l'homme ; bien que nul ne soit prophète en son pays. Et comme c'est la fin de l'année, un inventaire d'images à la Prévert, a vite fait de me rudoyer. Ben Ali fuyant en avion, Moubarak réfugié à Char Ech-Cheikh, rattrapé et ramené au tribunal dans une civière, Kadhafi une arme à la main étonné de se trouvé là, abandonné par tous et une minute après gisant par terre dans une flaque de sang. Abdallah Salah, le visage calciné et menaçant à partir d'un hôpital saoudien. Bachar Al Assad, répondant calmement à une journaliste américaine, alors que les chars de son armée, balancent leurs canonnades sur son peuple. Et partout où est passé ce souffle des révolutions arabes, de mon concitoyen ambassadeur, des morts par centaines et par milliers, quasiment tous jeunes. Et partout où avait soufflé ce vent des révolutions, de mon pays grand négociateur, ceux qui n'ont pas fait ces révolutions, et autres planqués, ont gagné des élections et gouvernent. D'autres de même acabit, commandent sans avoir été élus. L'esprit chahuté, j'ai peur, je reste inquiet, je suis angoissé. Oui parce que, ceux que l'on avait pensés prometteurs, se dédisent. Barak Obama, l'inattendu prix Nobel de la paix de l'an 2009, récompensé pour «ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationales entre les peuples», selon le jury de l'académie, qui décerne cet honneur, se désavoue. Il renie ses promesses et fuit les responsabilités qui sont les siennes. Entre son discours du Caire, du 04 juin 2009, où il avait affirmé : « qu'il était aussi indéniable que le peuple palestinien -musulmans et chrétiens- a souffert dans sa quête d'une patrie. Pendant plus de 60 ans, il a enduré les douleurs du déracinement. Beaucoup attendent, dans les camps de réfugiés en Cisjordanie, à Gaza et aux alentours, une vie de paix et de sécurité qu'ils n'ont jamais pu mener. Ils subissent les humiliations quotidiennes -grandes et petites- qui accompagnent l'occupation «. Et celui du 21/09/2011 à la tribune de l'O N U où Barack Obama a rejeté la démarche des Palestiniens pour y obtenir la reconnaissance de leur Etat, et qu'il avait pour cette prouesse été chaleureusement salué par Netanyahu. Le premier ministre de l'Etat sioniste l'a remercié pour avoir tenu sa promesse d'opposer un veto à la démarche palestinienne au Conseil de sécurité. Est-ce la girouette qui tourne, ou bien, est-ce le vent qui change de direction?

Sur l'autre versant de la terre, Le souffle des révolutions arabes balaye à la veille de cette année qui point, l'avenue Sakharov de Moscou, et soufflette les hauts murs du complexe du musée de l'Ermitage à Saint Petersburg. L'alternance Poutine-Medvedev et inversement, qui se profile, gène de plus en plus de Russes, et ils sortent et campent dans la rue. Ils demandent purement et simplement l'annulation des élections législatives de la Douma, du 4 décembre 2011, qui ont consacré la victoire du parti de Poutine : Russie libre.

Le 25 décembre 2011, c'est-à-dire jour pour jour, 20 ans après avoir démissionné de la présidence de l'U R S S, Mikhael Gorbatchev, prix Nobel de la paix 1990, le père de la glasnost- transparence, ou liberté d'expression- et de la perestroïka- restructuration, ou réformes économiques-, se joint aux manifestants de Moscou et conseille à Poutine, de ne pas se représenter à la prochaine élection présidentielle de Russie. Gorbatchev considère que sera le mandat de trop, après deux mandats de président de la fédération de Russie et un mandat en qualité de Premier ministre, mais en réalité toujours président. C'est fatalement, selon Gorbatchev, de l'abus de démocratie. Les Russes, comme les Tunisiens occupant l'avenue Habib Bourguiba, les Libyens envahissant la place verte qui se cherche encore un autre nom de guerre, et les Egyptiens inondant la place Tahrir, où les sbires de Moubarak avaient donné, en vain, du dromadaire pour la libérer, font de la persistance. Le duo russe comme les despotes arabes chassés par leurs peuples, accuse les Américains mais, cherchant un aléatoire apaisement, lâche du lest. L'ancien président tchèque Vaclav Havel est décédé le 18 décembre 2011. Il fut durant la période communiste en son pays, un des principaux leaders de l'opposition en tant que membre de la Charte 77. En 1989, il est l'une des figures de proue de la révolution de velours, qui mit fin au régime communiste. Il fut ensuite président de la République fédérale tchèque et slovaque de 1989 à 1992, puis président de la République tchèque, de 1993 à 2003. Il était surnommé, le président philosophe et sa vie, avait été qualifiée d'œuvre d'art, par un autre tchèque, l'écrivain Milan Kundera. Mais le duo russe, n'a pas jugé digne d'envoyer une délégation de haut niveau aux obsèques. La paire a envoyé Vladimir Loukine, délégué aux Droits de l'Homme, qui se serait dit-on, opposé à l'invasion en 1968 de la Tchécoslovaquie, par les forces du Pacte de Varsovie.

Les gouverneurs des provinces russes seront désormais élus et non plu nommés. Les Américains s'en balancent de ce que pensent d'eux, le duettino russe. Après avoir tué dans la nuit du 1èr au 2 mai 2011, et enterré, Ben Laden, en pleine mer ou, au milieu d'un océan, ils lorgnent indisposés du coté de la Chine. Le royaume du milieu qui possède des clés de l'économie américaine, puisque la Chine qui achète d'énormes quantités de bons du trésor américain, détient aussi 7,5 % de la colossale dette américaine, estimée à 1 600 milliards de dollars. Les Chinois qui maîtrisent l'arme atomique, et qui après avoir envoyé leurs taïkonautes dans l'espace, ont entamé la construction de leur premier navire de guerre porte avion. Forts de toutes ces positions, ils se permettent maintenant de donner des leçons de morale économique aux dirigeants U S. Lesquels, face à cet affront et à cette humiliation en finesse, comme savent le faire les Chinois, font le mort. Et pas seulement eux, les pays européens, s'entredéchirent. La Grèce a fait faillite, et elle menace la vie même de la monnaie unique européenne, l'euro, symbole de cette union, après le charbon, le traité de Rome et le marché commun. Le F M I, se pointe aux portes du Colisée à Rome, Berlusconi est parti poussé de force, à la sortie, sous les cris de «boufoné» -bouffon, amuseur-. Est-ce la malédiction strausskahnienne qui s'acharne sur les pays d'Europe ? Dominique lui, après ses déboires, essaie de ne pas se faire oublier. Il y a dix jours, le 19/12/2011, il avait été invité à un forum à Pékin, en tant qu'expert économique. Qui l'a invité, et combien l'a-t-on payé ? Qui sont les sponsors de cette opération communication, pour son retour ? La Chine ferait-elle de la morale sélective, ou bien est-ce une réponse aux Américains, qui avaient fait perdre au directeur du F M I, son poste ? En pleine ambiance de culture de l'argent et de la finance, l'opuscule «indignez-vous» de Stéphane Hessel, a essaimé, pour recouvrer et défendre toutes les nobles valeurs de liberté, du respect, de la solidarité, et de la conception humaniste de la vie en société, tout de suite.

Le forcing se fait sur tous les gouvernants, même aux pieds du temple de la finance, Wall Sreet. Les indignés du monde entier, exigent des comptes aujourd'hui sans attendre demain. Ces jeunes s'indignent, ils ne se révoltent pas. Osons- le. Ils préfèrent la morale de l'indignation, à la violence de la révolution. Les temps changent, André Malraux n'a-t-il pas dit que ce 21èm siècle serait spirituel, certains affirment qu'il aurait dit religieux, et même, mystique ? Qu'importe. Cependant il s'est révélé être fortement financier, idolâtrant l'argent. De petits pays émergeants du désert d'Arabie, forts et même très forts de leurs finances, mais à petite économie, se dressent, font la guerre. Ils envoient leurs engins de la mort, là où ils estiment avoir des intérêts. Les leurs ou bien ceux de leurs commanditaires. Ils délèguent leurs officiers pour encadrer l'armée libyenne, financent les partis islamistes au Maghreb pour leur permettre d'accaparer du pouvoir, en vue de faciliter l'hégémonie des petits royaumes sur la région. Ils projettent d'instaurer un monopole sur les réserves de pétrole et de gaz, et de disposer des faveurs qu'offrent les positions stratégiques de ce sous continent, pour eux, sinon pour leurs propres protecteurs, les Américains. Le champion toute catégorie est un émirat péninsulaire de 11 428 Km2. Après avoir abrité dans la banlieue de sa capitale, le centre de commandement des forces U S, au Moyen Orient, qui sert et assiste, par la même, l'armée israélienne dans les opérations qu'elle engage, dans la région. Se permet de faire la leçon démocratique, à ceux du maghréb, où la contamination des révoltes tant attendue, n'avait pas pris. Ceux de chez nous, abreuvés à ce courant qui vénère la finance et l'argent, ont crée la révolte du sucre et de l'huile, dans nos rues. Et nos députés ont commandé une enquête, dont le rapport, telle l'arlésienne, demeure évanescent et introuvable. Sauf qu'au final, la révolte sucrée huilée de janvier 2011, avait éclaté pour enrichir encore et encore ceux qui l'ont provoquée. Pour les jeunes qui avaient été poussés pour affronter, les services de sécurité, les choses restent en l'état, Kif kif, après la révolte, malgré tout l'argent de l'ANSEJ, de la CNAC et de l'ANGEM. Les provocateurs des émeutes de janvier 2011, cherchent toujours à accaparer un pouvoir d'intimidation, face à l'Etat, à ses services et ses agents. Selon les bribes glanées sur ce rapport, sucre et huile, établi par la représentation nationale, la décision des autorités publiques d'instaurer l'obligation du payement par chèque à partir de 500 000 DA, n'a pas été du goût de certains. Et même si les adeptes du tout financier, version bazar chez nous, ne pèsent pas lourd, voire pas du tout, sur les places financières internationales. Selon certains observateurs, cependant, l'accélération des mouvements de capitaux, voulue par les doctrinaires de la privatisation du monde, vise la fin et la mort de l'Etat social, et même l'Etat tout court. Ce nouveau pouvoir de l'argent et de la finance, tendra ses tentacules de constriction, à toutes les institutions qui font un Etat clément et généreux, pour les étouffer. Toutes les autorités, les gouvernements, les parlements, les justices, mais aussi, toutes les opinions publiques et tout ce qui fait une société civile, contrepouvoir équilibrant, subiront l'asphyxie. Ce qui se traduira par moins de solidarité, moins d'assistance, et moins d'entraide. Pas de protection pour les plus faibles, physiquement ou financièrement. Des licenciements aux bons grés des financiers. Des entreprises nomades prédatrices, délocalisant au plus près des bénéfices et au diable, la cohésion nationale, et les libertés syndicales. Ce qui se manifestera par l'absence de revenus, l'inaccessibilité à la nourriture, ni aux soins de base, encore moins aux médicaments, même génériques, car les gros laboratoires, n'écoutant que les sirènes du profit, refuseront de céder les licences et les brevets de fabrication. La faim, les épidémies, les conflits locaux, bref la précarisation de la vie, se banaliseront et ne choqueront plus personne. Ce sera le règne et pour longtemps du concept de l'homme au service de l'économie et non l'inverse, comme cela devrait normalement, et humainement l'être. D'après un journal algérien francophone paraissant le vendredi, qui fait dans un long article, les liaisons et les connexions, entre les islamistes d'Algérie et la finance, à laquelle ils doivent leur positionnement sur l'échiquier politique. Ce quotidien les dit rassurés encouragés pour cela, par le raz de marrée des islamistes, désormais, aux commandes des pays du maghréb. Nos islamistes sont convaincus de cueillir sans efforts comme un fruit mur, le pouvoir en Algérie.

Ce pays, qui depuis ce qui a été décrété par les occidentaux,«le printemps arabe» demeure, confiné dans son insularité, résigné jusqu'au printemps prochain, à subir l'arrivée de la vague islamiste. Dans le même sens, ce même quotidien, rapporte dans son édition du mardi du 20 décembre 2011, cette déclaration du secrétaire général du F L N : « vu la réalité du terrain, et la fidélité affichée au F L N par nos bastions traditionnels, je pense que nous seront la première force politique du pays en 2012. Les partis islamistes n'enregistreront qu'entre 35 et 40 % des voix». Soit, mais au-delà de l'assurance, de la certitude et de l'aplomb dont fait preuve le S.G du F L N, dans cet hardi exercice de prémonition. Il est permis de se poser quelques questions et de commenter ces chiffres. Si les islamistes venaient à réaliser ce grand score, quel serait alors, celui que remporterait la première force politique du pays, selon son chef ? Que resterait-t-il de suffrages aux autres forces politiques du pays et de voix à gagner et à partager ? Il est certes admis, que l'on peut faire dire aux chiffres tout et rien en même temps, mais pareils contresens, frisent les fredaines. Sauf si, monsieur le chef de ce parti, est désormais atteint du syndrome de la révolte du jasmin.

C'est-à-dire, ce sont les islamistes qui ont remporté les élections en Tunisie, et c'est à un libéral de gauche qu'échoit de la présidence de la république. Oui mais, à quel prix, et après quels arrangements, encore que les Tunisiens n'en sont qu'au début, d'un parcours tapissé d'inconnues, pas toutes nécessairement avantageuses. Puisque le gouvernement tunisien, n'a prêté serment que le dimanche 24 décembre 2011, et que déjà, des réprobations se font publiquement entendre. Des voix se font connaître, elles concernent le conseiller en stratégie et directeur de la campagne électorale à la constituante, du leader du Takatol, Mustapha Ben Jaffar, élu depuis président de l'assemblée constituante. Turki Khayam, pour ne pas le nommer, bardé de diplômes de grandes écoles, et doté d'une expérience professionnelle à l'interne, comme à l'international. Il était pressenti pour le portefeuille des Finances, mais qui aurait été évincé, suite à un veto catégorique du gouvernement des Emirats Arabes Unis. Ayant travaillé en Algérie pour le compte du groupe Emirates International Investment Company, EIIC, comme directeur de la société chargée de la réalisation du Parc Dounia, situé à l'Ouest d'Alger, Turki, aurait un litige financier, avec Emaar. L'accusant de diverses malversations ses anciens employeurs, se seraient opposés à sa nomination au ministère des Finances de son propre pays. D'un autre côté, mais toujours au chapitre des contestations, on dit que le nouveau ministre des Affaires Etrangères de Tunisie, Rafik Ben Abdesselam Bouchleka, serait le gendre de Rached Ghannouchi, le leader d'Ennahda. Les blogueurs de Tunisie, reprochent à celui qui l'a nommé ministre, qu'il reproduisait, ce faisant, les mêmes pratiques utilisées par les familles Ben Ali et Trabeslsi, dans leur népotisme effréné, dans les nominations aux postes de responsabilités de l'Etat. Par ailleurs, le nouveau ministre des Affaires Etrangères, occupait jusqu'à récemment, le poste de directeur du centre d'études d'Al Jazeera, propriété de l'émir du Qatar. Et qu'à ce titre il avait participé à plusieurs réunions et conférences de l'OTAN. Ainsi pourrait-il, se demandent des observateurs de la vie politiques en Tunisie, défendre, quand il s'agira de le faire, souverainement et librement les positions diplomatiques tunisiennes à venir, lesté d'un tel passé ?

Et chez-nous, ne sommes-nous pas assez avertis, après les dures épreuves de la tragédie nationale, et ses 200 000 morts, ou plus ou moins, pour reprendre les mêmes et recommencer ? Alors kif kif l'année prochaine ? Mais bien sûr que non. Soyons activement positifs, et bonne année à toutes et à tous, et à l'écrivaine Faïza Guène, que j'ai paraphrasée, pour titrer ma chronique.