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S'acheminerait-on vers un monde post-américain ?

par Hammou Boudaoud

L'Amérique court le risque de tourner en eau de boudin, comme l'Europe, et le pire, c'est que personne ne s'en rend compte. Ils sont tous dans la dénégation, ils se flanquent de grandes tapes dans le dos pendant que le Titanic se dirige à toute vapeur vers l'iceberg ». Thomas Friedman

Il y a bien longtemps que l'éminent chercheur français Emanuel Todd a évoqué la fin de l'empire, en mettant en relief les difficultés qu'affronte l'économie américaine ces derniers temps. D'autres, comme Jacques Attali a, dans son livre intitulé «Brève Histoire d'avenir», déjà paru en 2006 aux éditions Fayard, parlé des cycles économiques qu'avait connus l'économie américaine au cours du siècle dernier, précisant que le dernier «Boom économique» fut celui de l'Internet ayant absorbé environ 10 00 milliards de dollars. Néanmoins, les Etats-Unis souffrent actuellement d'un dysfonctionnement patent car ils ont perdu leur triple A+A+A.

Dans une certaine mesure, c'est l'endettement qui est à l'origine de la crise économique aux Etats-Unis. En 2011, la dette publique américaine a atteint les 14300 Milliards de dollars, ce qui équivaudrait pratiquement 100 % du BIP. L'on a bien remarqué depuis des années que les Etats-Unis se sont engagé dans un rythme démentiel de consommation et ce depuis la décennie des quatre vingt. En effet, les américains ont consommé plus qu'ils en ont produit et comblé le déficit par l'empreint. Cela s'est reflété dans le quotidien de toutes les couches de la société. La dette des ménages s'est démultipliée, de 680 milliards de dollars en 1974 à 14 trillons en 2008. Au cours des sept dernières années, elle a doublé. De nos jours, le foyer américain moyen possède environ treize cartes de crédit et doit plus de 120 000 dollars sous forme de prêts immobiliers. Pourtant, à certain égards, les ménages américains étaient des parangons d'épargnes. Les politiques, à l'échelon des Etats et à l'échelle locale, désireux d'offrir à leur administrés une nouvelle infrastructure, comme de nouveaux stades de basket-ball ou des autoroutes à six voies sans augmenter les impôts, se sont mis à emprunter en gagent le futur. Ils ont émis des empreints obligataires garanties par les impôts futur ou par gains aléatoires. La politique économique du gouvernement fédéral américain s'est avérée plus orientée vers un processus d'endettement interminable. En 1990, la dette nationale s'élevait à 3 trillions de dollars ; fin 2008, elle avait grimpé pour entrer dans le royaume des nombres à onze chiffres, dépassant le 11 trillions.

Ces mesures prises par les différents gouvernements au Etats-Unis d'opter pour politique d'endettement a rendu le pays un véritable débiteurs. La dette, il n'y a rien de mal à cela. Utiliser avec prudence, les empreints et l'effet de levier sont le pouls de l'économie moderne -mais portés à de tels extrêmes, ils deviennent mortels. Il faut prendre en compte les deux termes de l'équation -les Etats-Unis n'aurait jamais pu se trouver dans une telle situation si d'autres nations n'avaient pas volontiers accepté de leur prêter de l'argent. C'est là que la montée en puissance économique et politique du monde en voie de développement -«l'ascension des autres» entre en jeu. Et c'est l'émergence de la Chine qui offre le meilleur symbole. En dépit d'années de croissance vertigineuse, les ménages et les entreprises chinois ont eu tendance à rester prudent. Ils déposent en banques la moitié de leurs gains, toujours prêts à affronter les années de vache maigre. Un souci d'épargne aussi extrême, combiné avec une croissance élevée, a conduit la Chine à accumuler de vastes réserves de capitaux. Mais, il ne s'agit pas simplement d'un trait culturel confucéen. Le gouvernement chinois avait découragé la dépense et encouragé l'épargne, une mesure délibérément prise comme un moyen de s'assurer du maintien de l'inflation à un bas niveau et de s'assurer également de la sous-évaluation de la monnaie pour rendre les biens productifs chinois bon marché, attractifs pour le consommateur occidental. En outre, des pays comme la Chine avaient été échaudés par la crise de 1996. Les économies de la région avaient plongé, les banquiers occidentaux étaient venus à leurs rescousses, mais en leur imposant des conditions léonines. Après leur rétablissement, les gouvernements d'Asie- et d'autres aussi, extérieurs à l'Asie- décidèrent d'accumuler leurs propres réserves de devises, de façon à ce que la prochaine fois, ils n'aient plus à recourir à la bonté des étrangers. Ainsi, au lieu d'investir leur épargne toujours grandissante dans leur économie nationale, les autorités chinoises l'ont soigneusement conservée. Mais sous quelle forme un gouvernement doit-il thésauriser son argent ? En achetant ce qui était alors considéré -et qui l'est toujours- comme l'investissement réputé le plus sûr du monde : les bons de trésor américain, les «T bills». Par le biais de cette accumulation de quantité massive de dette américaine, les Chinois ont fini par subventionner le comportement qui en était la cause, la consommation américaine. Ils ont financé cette débauche de dépenses et entassé un énorme stock de reconnaissance de dettes. Les Chinois ont surépargné, les Américains surconsommé. Le système paraissait équilibré.

Il ne s'agissait pas que de la Chine, huit autres pays appartenant aux marchés émergents ont accumulé de véritables trésors de guerre en devises étrangères, estimés à 100 milliards. Mais à elle seule, la Chine est assise sur une montagne de devises étrangères, d'une valeur supérieure à 2 trillions, là encore, libellées pour l'essentiel en dollars. En septembre 2008, la Chine est devenue le premier créancier de l'Amérique, dépassant le Japon, qui n'achète plus de grosses quantités de bons du trésor US. (La Chine possédant 10% de tous les «T-bills» en circulation, cela fait certainement d'elle le plus important créancier de l'Amérique). La Chine détient maintenant le titre de créance le plus important au monde, et il porte le contreseing de l'oncle Sam. L'excès d'épargne à l'échelle mondiale s'est révélé un problème tout aussi grave que celui de la surconsommation. Dani Rodrik, économiste à Harvard, a estimé que le transfert de telle masse de capitaux vers l'étranger, au lieu de leur investissement sur place, coûte aux Chinois l'équivalent d'un point de pourcentage de leur PIB, soit plus de 40 milliards chaque année. Pour les Etats-Unis, ce prêt de la Chine se résume aussi à un énorme programme de relance fiscale. Il a permet de maintenir les intérêts à bas niveau, ce qui a encouragé les propriétaires immobilier de refinancer leur empreint, les gestionnaires de fond spéculatifs à relever leur nivaux d'effet de levier et les banques d'affaires à gonfler leur bilan. Les capitaux prêtés par les chinois rendaient l'argent bon marché, explique Martin Wolf, le chroniquer du Financial Times, et «l'argent bon marché à encouragé une orgie d'innovation financière, d'empreint et de dépense».

« On pourra plus faire des affaires comme avant», prévient-il encore. Mais à court terme, l'Amérique paraît vouée à la reconduction du statuquo. Peu avant de prendre ses fonctions, le président Barak Obama mettait en garde contre la perspective «de plusieurs trillions de dollars de déficits dans les années à venir, car son accumulation est contrainte de renforcer les dépenses sur tous les postes budgétaires, depuis les technologies vertes jusqu'à la couverture santé, afin de relancer une économie chancelante. L'essentiel de cet argent devra être emprunté à la Chine. Les Chinois ont aussi leurs propres problèmes économiques à régler, et ils dépensent 600 milliards -soit 15% de leur PIB-, un chiffre considérable pour les résoudre. Dans les faits, l'Amérique demande à la Chine de financer simultanément les deux plus importantes expansions fiscales de l'histoire humaine : celle de Washington et celle de Pékin. Une Chine qui reçoit toutes les incitations à poursuivre ses emplettes de «T-bills». Sans elles, les exportations chinoises souffriront, et ses taux de croissance si élevé mordront la poussière. Toutefois, les chinois disposent d'une certaine palette de choix. Joseph Stiglitz, le prix Nobel d'économie, assure qu' «ils vont certainement continuer de soutenir la consommation américaine, mais s'il apparaissait clairement que cela ne marche pas, ils ont un ?'plan B''. Ce plan B consisterait à se focaliser sur le soutien à la consommation chinoise, à travers les dépenses gouvernementales et un accroissement du crédit qui s'ouvrirait alors à la population. Comme l'écrit l'historien anglais Nial Ferguson, « la grande question du moment serait de savoir si la «Chimirique» (la chine plus l'Amérique) restera soudée ou si elle se scindera en deux, sous le coup de la crise. Si elle reste soudée, nous entreverrons la sortie du tunnel. Si elle éclate, vous pouvez dire au revoir à la mondialisation». La Chine en bénéficierait en disposant de plus d'argent pour réinvestir dans son économie intérieure. Les Etats-Unis en tireraient profit en étant contrains de prendre des décisions épineuses qui, in fine, amélioreraient leur situation. Depuis les années quatre-vingt au moins, l'Amérique a reconnu qu'elle était capable de se livrer à des dépenses effrénées, en repoussant sans cesse l'échéance du remboursement de sa dette. Cela n'a été bon ni pour sa politique étrangère ni pour sa politique intérieure. Cela a rendu Washington arrogant, paresseux et insouciant. Mais le tour de piste gratuit touche à sa fin.

Même si, de mémoire récente, la crise financière a attient des proportions inédites, elle n'est pas sans précédente. L'histoire du capitalisme est remplie de bulles, de paniques, d'effondrement financier et de récessions. Les hollandais ont perdu le leadership mondiale avec leur tulipes en 1600 ; la folie du chemin de fer a gagné les britanniques dans les années 1840*. Au cours de ces dernières décennies, des catastrophes financières ont frappé le Mexique, l'Argentine, le Brésil et presque tous les autres pays d'Amérique latine. Dans les années quatre vingt dix, la Russie et ses anciens satellites ont connu la faillite et, à la fin de la décennie, en 1997 et 1998, la contagion a frappé l'Asie. L'effondrement du fonds d'investissement LTCM, (Long Term Capital Management) l'un des plus importants fonds spéculatifs du monde, fut jugé si inquiétant par la Réserve fédérale que cette dernière a organisé son renflouement pour éviter un écroulement de la planète financière entière. La crise de 2008 est différente, précisément parce qu'elle ne trouve pas son origine dans une région reculée du monde en voie de développement. Elle est née au cœur du capitalisme mondial, les Etats-Unis, et s'est propagée dans les artères de la finance internationale. Malgré les avis de certains oracles, elle ne signale pas la fin du capitalisme, mais elle pourrait bien marquer la fin d'une certaine sorte de dominations mondiale des Etats-Unis. La convulsion économique actuelle ne fera que précipiter le mouvement vers un monde post-américain. Si la guerre irakienne et la politique étrangère de Georges.W. Bush ont eu pour effet de délégitimer la puissance politico-militaire de l'Amérique aux yeux du monde, la crise financière a eu pour conséquence de délégitimer sa puissance économique.

Quelle qu'ait été l'opinion des peuples sur la politique étrangère américaine, ils s'accordaient tous pour considérer que les Etats-Unis demeuraient l'économie la plus moderne, la plus sophistiqué et la plus productive du monde -avec les marchés des capitaux les plus avancés de la planète. En conséquence, ils ne détenaient pas seulement l'hégémonie en matière de puissance militaire et de diplomatie, mais aussi dans le domaine des idées. Les directeurs des banques centrales et les ministres des Finances et du Budget du monde entier étudiaient les fondements de leur profession dans des écoles américaines. Des politiques développaient leurs économies en suivant les conseils de la majorité des experts de Washington. Les innovations de la Silion Valley suscitaient l'envie du monde entier. Les marchés lucratifs de capitaux de Wall Street atteignaient une envergure telle qu'ils étaient imités sur tous les continents. Comme le soulignait Brad Setser, membre du conseil des relations extérieures, après la Seconde Guerre mondiale, la mondialisation était presque synonyme d'américanisation. « Les emprunteurs étrangers en quête de fond avaient tendance à émettre des bons libellés en dollars, à appliquer le droit en vigueur à New York et à se conformer aux normes de la Securities and Echange Commission pour leur communication financière», écrit-il. La réussite des pays rendait les idées et les institutions américaines d'autant plus séduisantes. L'effondrement de Wall Sreet érodera très nettement l'héritage de cette réussite. En 2009, l'économie américaine aura connu le rétrécissement et la stagnation, et sa croissance, alourdie par la dette, risque fort de rester lente plusieurs années de suite. Presque toute l'Europe sera dans le même bateau. Naturellement, partout, l'activité économique propre (grâce à la demande extérieure) qui ne repose pas sur les exportations vers l'Ouest. En fait, beaucoup de pays émergents amassent un d'énormes excédents, à telle enseigne qu'ils détiennent actuellement 75% des réserves de change mondiales. Cette expansion a été aiguillonnée par les mouvements de capitaux occidentaux vers l'Asie. Résultat, entre 1990 et 2007, l'économie mondiale est passée de 28,8 trillions à 53,3 trillions de dollars, et le commerce planétaire a augmenté de 133%. Ceux que l'on appelle pays émergent ont compté pour plus de la moitié dans cette croissance ; et ils représentent aujourd'hui 40% de l'économie mondiale. Enfin, la croissance des nouveaux venus est plus en plus alimentée par leurs propres marchés intérieurs et pas seulement par l'exportation à l'Occident. En conséquence, le Fond monétaire international estime qu'en 2009, 100% de la croissance mondiale proviendra des marchés émergents.

Alors que les marchés financiers de ces pays sont couplés à ceux des Etats-Unis, pour la première fois de leur histoire, leurs économies réelles commencent à gagner une certaine indépendance vis-à-vis des places américaines. La puissance mondiale est avant tout une domination des idées, des calendriers et des modèles. La révélation que la plus grosse part de la dernière décennie ne créait guère plus qu'un château de cartes est venue sérieusement éroder la puissance américaine. Dés lors, vendre des idées américaines au reste du monde requerra plus d'efforts. Les pays en voie de développement choisiront avec soin les politiques économiques qui leur convient le mieux avec une confiance et un aplomb grandissant. «le système financier des Etats-Unis était considéré comme un modèle, et nous avons fait de notre mieux pour copier tout ce que nous pouvions copier, expliquait Yu Yondgdigng, ancien conseiller de la Banque centrale chinoise, fin septembre 2008. Subitement, nous nous apercevons que notre professeur n'était pas si excellent que cela, donc la prochaine fois, nous ferons davantage de travailler notre cervelle.»

Les pays émergents sont au cœur d'un véritable phénomène économique, mais la transition à la quelle nous assistons n'est pas qu'une affaire de dollars. Elle a des conséquences politiques, militaires et culturelles. À mesure que ces pays gagnent en force et en richesse, et que les Etats-Unis luttent pour reconquérir la confiance du monde, nous verrons sans doute les nations émergentes relever d'autres défis et s'affirmer encore davantage. A l'été 2008, l'Inde manifestait sa volonté de défier directement les Etats-Unis dans le cadre du cycle de Doha des négociations commerciales de l'OMC, la Russie attaquait et occupait une partie de la Géorgie, et la Chine accueillait les jeux olympiques les plus spectaculaires et les plus coûteux de l'histoire (pour une enveloppe supérieure à 40 milliards). Il y a dix ans pas un de ces trois pays n'aurait possédé assez de puissance et de confiance en soi pour agir de la sorte. Même si leur taux de croissance connaît un déclin, ce qui sera surement le cas, ils ne renonceront pas benoîtement à leur nouveau rôle dans le système planétaire. Attardons-nous seulement sur quelques exemples. Au cours de la dernière décennie, les Etats-Unis ont étendu leur influence sur ce qu'était resté durant des siècles la sphère d'influence de la Russie. Dans cette ère de domination américaine de l'après guerre froide, Moscou ne pouvait qu'acquiescer. Les russes avaient besoin des liquidités et du soutien de Washington. Mais en 2008, la Russie était une puissance renaissante. À la mi-février 2009, la République de Kirghizie confirmait sa décision de fermer la base aérienne de Manas. Cette base américaine, qui fournissait un appui aérien essentiel aux opérations d'Afghanistan, s'avérait d'une importance particulière après la fermeture, en 2005, d'une autre base en Ouzbékistan. En l'espèce, la motivation était financière. Pour avoir l'usage de ces installations, les Etats-Unis versaient 55 million de dollars à titre de baril et ils avaient signifié leur accord pour augmenter ce montant à 100 million de dollars. Hostile à l'idée d'une présence militaire américaine semi permanente dans son pré carré, le gouvernement russe préposa une aide de 2,5 milliard de dollars. Cette enveloppe suffisait à éclipser le soutien financier américain. Elle incluant une remise de dette à hauteur de 180 millions de dollars, 150 autres millions d'aide et un prêt de 2 milliards de dollars permettant d'achever la construction d'une centrale hydroélectrique. On constate aussi qu'un nouvel allié de l'Amérique comme l'Inde maintient son indépendance vis-à-vis des Etats-Unis. New Delhi sait gré à Washington de son soutien dans la légitimation de l'Inde au rang des puissances nucléaire mais, sur les questions de sécurité les plus vitales, elle reste encore sur le recul. Malgré de fortes pressions américaines, l'Inde refuse tout simplement de voir l'Iran la menace que veulent y voir les Etats-Unis. Elle a accepté de voter une fois avec ces derniers au sein de l'Agence internationale de l'énergie, mai new Delhi et Téhéran continuent d'entretenir des contacts approfondit, allant jusqu'à conduire des manœuvres navales conjointes. L'inde perçoit l'Iran comme un partenaire commercial et refuse de l'isoler de la scène internationale. En avril 2008, les pilotes de l'appareil du président Mahmoud Ahmadinajad demandait l'autorisation d'effecteur une escale de ravitaillement en carburant à New Delhi- le dirigeant iranien rentrait dans son pays après une visite au Sri Lanka. Le gouvernement indien lui a immédiatement délivré son invitation officielle, transformant cette escale de six heurs en visite d'Etat.

 L'Etat actuel de la banque mondiale et Fonds monétaire international constitue aussi une leçon fort utile. Ces institutions, dominées par les idées et l'argent américains, sont perçus depuis longtemps comme des véhicules de l'influence américaine. Et, aujourd'hui, écrit Setser, «des économies émergentes comme la Chine, la Russie, l'Inde, l'Arabie Saoudite, la Corée et même le brésil n'ont aucun besoin du FMI, et sont de plus en plus en position de lui faire concurrence. L'Arabie Saoudite se porte garant du Liban. Le Venezuela a aidé l'Argentine à remboursé le FMI. Le financement chinois, qui est en plein développement, fourni une solution de rechange aux prêts de la Banque mondiale». Si l'on veut avoir un exemple encore plus parlant de la profondeur des changements qui iront de pair avec l'émergence de nouveau pays, il suffit de relire les articles de presse couvrant le sommet du G20 qui s'est tenu à Washington en Novembre 2008. Toutes les crises financières précédentes avaient été gérées par le FMI, la Banque mondiale ou le G7, et plus tard, le G8. Lors de ces crises intérieures, l'occident jouait le rôle de l'instituteur sévère réprimandant une classe d'élèves turbulents. Les leçons qu'il leur administrait semblent avoir désormais perdu tout crédit. Rappelons que, durant la crise financière asiatique, les Etats-Unis et d'autres pays européen, ont exigé que les Asiatiques entreprennent trois démarches- laisser les banques insolvables faire faillite, maitriser la dépense et maintenir le taux d'intérêts élevés. Confronté à son tour à sa propre crise financière, et sur ces trois fronts, l'Occident a fait exactement l'inverse. Bref, cette crise est telle que l'occident ne peut la conter seul, tous les principaux acteurs planétaire-notamment les économies émergentes au premier plan- se devaient de prendre part aux initiatives déployées. Pour fournir les liquidités le pays comme l'Arabie Saoudite et la Chine ont pesé de manière cruciale. Au plan de la légitimité, le vieux club occidental était archaïque, composé d'un reliquat d'un monde d'autrefois, et ne pouvait plus vendre une solution mondiale à lui tout seul. Naturellement, tout n'a pas changé. Le FMI, la Banque mondiale, le conclave du G20 s'est encore tenu à Washington, et la fixation de l'ordre du jour restait encore l'un des prérogatives américaines. Nous somme dans un monde nouveau, mais il ne s'agit pas nécessairement d'un monde d'où l'on aurait expulsé l'Amérique. En fait, cette dernière demeure le pays le plus important du globe, capable d'exercer dans tous les domaines et sur tous les continents une influence qui est à la portée d'aucune autre puissance majeure. Pour reprendre la formule de Josef Joffe, rédacteur de Die Zeit, elle reste «la superpuissance par défaut». Mais nous vivons maintenant dans un monde où l'action collective n'est seulement souhaitable, mais viable.