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Farouk Ksentini à propos des droits de l'homme : Balayer devant sa porte d'abord

par Oualid Ammar

Maître Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) a réagi hier sur les ondes de la chaîne 3 de la radio nationale au discours à la Nation prononcé vendredi soir par le président Bouteflika. Les annonces qu'il a faites, a-t-il dit en substance, «présagent d'un avenir meilleur».

C'est un discours loin des gesticulations et de la démagogie, a d'emblée estimé le président de la CNCPPDH, Maître Farouk Ksentini. Les annonces faites par le président de la République concernant les réformes envisagées (Constitution et plusieurs textes législatifs liés à l'exercice de la démocratie) présagent d'un avenir meilleur, a-t-il noté. Pour lui, «le discours a été perçu d'une manière très positive par l'opinion publique nationale». Il juge «extrêmement important» le principe d'une nouvelle révision constitutionnelle parce que «d'abord c'est une demande de la société civile? ensuite, parce que plusieurs partis de l'opposition l'ont réclamé», et parce que «la Constitution telle qu'elle est rédigée actuellement nécessite d'être revue sur plusieurs points». «Ce qui m'intéresse le plus en tant que défenseur des droits de l'homme», a dit l'avocat Farouk Ksentini, «c'est que nous allions vers une constitution plus démocratique». C'est-à-dire, «il faut définir les pouvoirs, les préciser...», s'est-il contenté de dire en ajoutant que «c'est l'affaire d'une commission, moi, je ne peux pas m'aventurer dès aujourd'hui sur les textes qui seront adoptés. Je considère que la démarche en elle-même est une démarche positive, qui est la bienvenue».

La presse, un acteur essentiel

A propos de la révision de la loi électorale qui verra l'association de toutes les parties concernées, il pense que «c'est important d'associer tout le monde», car «c'est cela la démocratie». Cette loi électorale amendée va permettre d'agréer de nouveaux partis, a relevé l'animatrice de l'émission en notant que cela pouvait comporter quelques risques. A ce sujet, Me Ksentini a souligné que la nouvelle loi électorale devra veiller à ce que les partis n'instrumentalisent pas la religion. Il faudra y veiller, a-t-il insisté.

Concernant le projet de dépénalisation du délit de presse, l'avocat a estimé que «c'est extrêmement important». C'était un des grands reproches faits à l'Algérie, que de réprimer la presse, a-t-il rappelé. «Le délit de presse va être dépénalisé, je ne m'y attendais pas, a-t-il reconnu et estimant qu'on ne peut qu'applaudir. C'est en soi quelque chose dont il faut se féliciter, d'autant plus que je suis convaincu que la presse est un acteur essentiel de la démocratie, a déclaré le président de la CNCPPDH.

Concernant le processus démocratique en général, il a estimé qu'il y a toujours quelque chose à faire. Après l'intervention télévisée du président de la République, «j'ai eu l'impression que nous avions auparavant les pieds dans l'eau, et qu'avec ce discours, nous plongeons dans l'eau, dans la démocratie. Les choses vont avancer à une vitesse grand V», a estimé Me Ksentini. Concernant les droits de l'homme, on n'en n'a jamais fini, a-t-il dit en ajoutant qu'au fur et à mesure que la société se développe se posent des problèmes et que «les droits de l'homme c'est une culture qu'il faut répandre dans ce pays, c'est une lutte incessante».

La corruption, «un sport national» à combattre

Me Ksentini, en tant que président de la CNCPPDH, remettra, avant la fin du mois, le rapport annuel 2010 de la Commission. Au micro de la Chaîne 3, il a esquissé le contenu de ce document. Il traitera notamment des entraves aux droits des citoyens, de l'amélioration de la justice dans sa qualité, des droits sociaux à améliorer (santé, école publique, chômage). Au plan du logement, de l'accès aux soins, il faut reconnaître qu'il y a eu des réalisations, mais il faut reconnaitre aussi qu'il y a eu des retards accumulés, d'où la nécessité de faire encore des efforts, a indiqué Me Ksentini. Concernant la corruption, c'est «un sport national dont il faut se défaire», a-t-il dit en substance. Il faut lutter contre cela parce que c'est une entrave au développement du pays. Il faut s'en défaire ; il a redoublé de férocité, ce phénomène, ce fléau, a dit l'avocat en soulignant que la police, les magistrats, les institutions sont sur ce front de la lutte anticorruption, et que les citoyens aussi doivent s'impliquer.

Par rapport aux ONG étrangères, il a notamment évoqué le rapport du département d'Etat américain, «rapport d'une extrême sévérité que nous n'acceptons pas», a martelé le président de la Commission nationale. «Ce pays est mal venu de tenter de nous donner des droits de l'homme; je ne parlerai pas de l'Afghanistan, de la Palestine, de l'Irak, de la Libye?Pour pouvoir donner des leçons, il faut ne pas s'être mis en état d'en recevoir, a estimé en substance Me Ksentini.

Invité à donner une appréciation globale sur l'état des droits de l'homme en Algérie, Me Ksentini a dit : «Nous sommes dans la bonne direction», tout en estimant qu'il y a fort à faire. «Le plus grand prédateur des droits de l'homme c'est l'Etat, le plus grand protecteur des droits de l'homme, c'est l'Etat ; faisons en sorte ce prédateur ne devienne que le protecteur des droits de l'homme», a conclu l'avocat.