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Face aux velléités contestatairesde sa jeunesse: Graves accusations marocaines

par Oualid Ammar

Face à d'éventuelles contestations qui pourraient venir de la jeunesse marocaine, la cour du Palais royal ressort son refrain préféré : c'est un complot venu d'Alger ! Cette parade ne fait plus rire ni même sourire. Elle laisserait totalement indifférent si elle ne véhiculait pas un mensonge que le peuple marocain, à force d'être matraqué par une propagande effrénée - pour ne pas dire infernale - pourrait être tenté d'y croire. Aujourd'hui cette propagande véhicule l'idée que le grand méchant loup veut dévorer le pauvre agneau d'où ce type de titre de presse : «Rabat redoute qu'Alger attise des troubles». On ne sait pas trop ce qui va se passer le 20 février prochain si l'appel à y manifester est suivi. Le gouvernement marocain craint la rue et sa population. Il essaie d'anticiper une révolte populaire en mettant en avant le vieux refrain du complot de l'étranger, en pointant, sans faire le moindre effort, le doigt sur l'Algérie qui comme chacun sait, a ses propres problèmes. «He'mna yekfina», dit l'adage, autrement dit «nos problèmes nous suffisent». Selon le ministre des Affaires étrangères, Taieb Fassi Fihri, à la télévision publique marocaine, «le Polisario et l'Algérie cherchent à créer des troubles dans cette région». L'amalgame Algérie / Front Polisario est également devenu tellement simpliste qu'il ne peut être pris au sérieux en tant que réponse à la jeunesse marocaine qui entend porter ses revendications de démocratie et de liberté à ses gouvernants.

Des problèmes au sein du régime marocain Côté marocain, il y a visiblement de très sérieux problèmes de pouvoir au sein du régime puisque «l'on s'amuse», par télévision interposée, à revendiquer Béchar et sa région, alors que la communauté internationale, principalement les organismes habilités de l'ONU, sait que la question des frontières, conformément au droit international, a été réglée du vivant du roi Hassan II. Que recherche Mohamed VI ? Ou bien que recherche son entourage, ses conseillers ou son état-major ? Il est alors impossible de prendre au sérieux Fassi Fihri qui «exhorte l'Algérie à tourner la page des querelles du passé et à se concentrer sur un renforcement de la coopération économique dans la région». On est peut-être passé un peu trop vite sur la révolte d'El Ayoune. Voilà une ville sahraouie, sous occupation coloniale marocaine, dont la population se révolte. Elle exprime sa révolte de façon originale et pacifique. Elle échappe au contrôle présumé de l'administration royale marocaine et pour contester ses conditions de vie, elle installe le camp de toile immense de Gdeim Izik, au vu et su des militaires marocains et des représentants de Sa Majesté, durant plusieurs semaines. Que dit Rabat, avant et après avoir enclenché une répression féroce et sanglante contre ces campeurs pacifistes ? C'est un complot algérien! L'inénarrable ministre des Affaires étrangères Taieb Fassi Fihri se fend d'une tirade à bon marché : «c'est l'Algérie qui a planifié la déstabilisation du royaume alaouite».

Suivre la météo politique mondiale

Aurait-on laissé faire à Gdeim Izik les Sahraouis pour ensuite essayer d'imputer aux Algériens la contestation ? L'hypothèse ne tient pas la route car pour de nombreux observateurs, elle est trop simpliste et qu'ensuite se serait attribuer aux Algériens une extraordinaire capacité de nuisance ! Par contre, on évoque plutôt des divergences au sein du pouvoir marocain, notamment au sein de l'armée et entre des dirigeants de l'armée et l'entourage immédiat du roi Mohamed VI. Une tendance du régime a voulu montrer sa force en laissant «le désordre» s'installer. Ensuite, il a bien fallu «remettre de l'ordre». «Désordre» et «ordre» ont-ils eu un même commanditaire ? Toujours est-il que le grand mouvement de gouverneurs et autres responsables marocains, après la répression d'El Ayoune, accrédite la thèse qu'il a fallu l'arbitrage du Palais royal et beaucoup de têtes sont tombées. Mais, il semble bien que cela n'a pas vraiment remis de l'ordre au sein du makhzen et de la hiérarchie militaire puisque l'on agite encore l'épouvantail «Algérie». Il faudrait plutôt suivre le cours de la météo politique mondiale. Les senteurs de la révolution du jasmin tourbillonnent sur tout le monde arabe, de l'Atlantique à l'Euphrate. Elles ne se sont pas arrêtées aux frontières de l'Algérie, ni du Maroc comme l'aurait prétendument fait, un jour, un nuage celui là était radioactif, il venait de Tchernobyl. Les gouvernants français avaient raconté à leur peuple qu'il n'avait pas franchi la frontière de la France.