
Nos quartiers jadis sillonnés d'épiceries, boucheries, primeurs,
boulangeries se transforment, au fil des jours et du génie de nous autres, en
artères tristes, parsemées de kebab et autres malbouffes rapides. Des boutiques
de cordonniers où sentait bon le cuir, dégagent des odeurs de pneu, c'est dire
toute la qualité des semelles et de qui s'y mêle. Les rez-de-chaussée des
immeubles sont transformés en magasins. Les murs porteurs ont laissé place aux
créneaux porteurs. Les caves abritent des ateliers clandestins avec la
bénédiction des copropriétaires. «Au moins, disent-ils, cela permet de déloger
les rats et de gérer les eaux usées». Ils ont raison! Les caves ont, de tout
temps, été un problème qu'à cela ne tienne ! Que dire alors des terrasses? Ceux
qui habitent au dernier étage de l'immeuble nous diront «el khiyane, les
voleurs passaient de terrasse en terrasse. On n'était jamais en sécurité avant
que ne construise le pauvre diable du haut quelque quatre pièces en parpaings».
Très intelligents les coco-propriétaires. L'intelligence n'est-elle pas cette
capacité de concevoir des solutions, de s'adapter aux changements? Mais voilà,
les coco-propriétaires ne sont pas partout. L'intelligence ne court donc pas
les rues. La nature ayant horreur du vide, les gardiens de véhicules, sont là
pour nous le rappeler. « Zid, zid braqui? gleb koulchi ». A dix mètres d'un
agent de l'ordre, ils peuvent bloquer une file de voitures, sifflet à l'appui,
pour faire garer le chauffeur, chauffé à blanc par les embouteillages.
Les voies de
stationnement sont devenues des propriétés, voies actées à couteaux tirés,
matrag visible et badge à l'appui. Ils se relaient, c'est leur gagne-pain,
c'est leur partie de cette Algérie ? propriété de coco-propriétaires qui pèsent
de tout leur poids sur les sièges « dar el baylek » et qui transféreront leur
pouvoir d'une fesse à l'autre quand ils sont mal assis.