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Mise à l'index par l'Onu pour sa politique contre les étrangers: La France n'aime plus les «ingérences» humanitaires

par Salem Ferdi

Face aux critiques dont elle fait l'objet de par le monde et notamment à l'Onu en raison de sa politique à l'égard des étrangers, la France officielle où Bernard Kouchner est ministre des Affaires étrangères, en arrive pratiquement à rejeter les observations extérieures et à renier le fameux «devoir d'ingérence» au nom de l'affirmation de la souveraineté.

 L'embarras est en effet extrême. Le coup électoraliste estival anti-étranger de M. Nicolas Sarkozy accompagné de sondages accréditant l'idée d'un soutien majoritaire des Français a quelque peu déstabilisé l'opposition en France, mais à l'extérieur les jugements sont peu amènes. Il faudra peut-être remonter aux années de la guerre de libération algérienne pour retrouver une image aussi critiquée de la France à l'étranger. Le rejet d'une politique de stigmatisation à outrance des étrangers dans laquelle des Français ont retrouvé les mauvais relents des années 30 ne se limite pas aux experts du Comité de l'Onu pour l'élimination de la discrimination raciale (Cerd). Il suffit de lire la presse européenne ou américaine pour constater que la politique «anti-étrangers» électoralement motivée suscite une forte réprobation. Le pouvoir français, en proie à une chute de popularité due aux «affaires», avait-il cru que la manœuvre électoraliste allait rester sans écho à l'étranger ?

 A court d'argument, les représentants du parti de Sarkozy croient avoir trouvé la parade en mettant en avant la situation des droits de l'homme dans les pays dont sont originaires certains des experts du Cerd. On focalise ainsi sur la nationalité de certains des 18 experts du Cerd dont l'Algérien Noureddine Amir, le Russe Alexei S. Avtonomov, le Pakistanais M. Kemal Anwar (président), le Roumain Ion Diaconu ou le Turc Gün Kut. C'est le cas du député UMP, Christian Vanneste, qui fustige le Cerd en affirmant que «tous les pays qui en font partie ne sont pas des exemples de démocratie vivante ni des exemples du respect des minorités. L'Algérie, la Russie, la Roumanie - qui traite très mal les Roms chez elle -, le Pakistan, la Turquie».

Mauvaise parade

La parade est très mauvaise même si effectivement la situation des droits de l'homme dans les pays cités est critiquable. Sauf qu'a priori, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale est composé de 18 experts indépendants élus pour un mandat de quatre ans par les Etats signataires de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Même en supposant que les experts cités par les représentants de la droite française en cours de lepénisation ne seraient pas de bonne foi, il faudra aussi souligner que dans ce comité figurent, outre un Français, nombre de pays «amis» dont un Indien (Dilip Lahiri), un Brésilien (Alves José Augusto Lindgren), un Britannique (Patrick Thornberry), une Irlandaise (Anastasia Crickley) et un Américain Pierre-Richard Prosper. Il est bien difficile de considérer, au vu même des critères avancés par l'UMP, que le Cerd est composé de représentants de dictature, hostiles à la France. S'attaquer, comme le fait Bernard Carrayon, député UMP du Tarn, aux «experts togolais et turc» - pour rester dans l'air du temps sarkozien ? - en occultant que le Cerd comprend aussi des experts euro-américains relève du ridicule. Les critiques qui émanent du Cerd sont d'ailleurs très faibles par rapport à certaines voix en France, telle la députée européenne écologiste Eva Joly qui a dénoncé une entreprise d'instauration d'un «racisme d'Etat» en France. Le président d'honneur de la Ligue française des droits de l'homme, Michel Tubiana, a estimé que le tableau peint par le Cerd illustre le «fossé entre le discours et les actes» du gouvernement. «Il y a en France un vrai problème d'alimentation de la xénophobie par des autorités publiques», a-t-il déclaré. Ces critiques externes qui traduisent, au moins, une image singulièrement brouillée de la France à la suite des manœuvres électoralistes du président Nicolas Sarkozy viennent contrebalancer des «sondages» de soutien dont beaucoup doutent de la fiabilité.

Une «bande sans scrupules»

Le Parti socialiste français a ainsi réagi avec une vigueur nouvelle en dénonçant les «manigances estivales d'une bande sans scrupule prête à instrumentaliser toutes les haines pour de basses raisons électoralistes». «L'examen du cas de la France (à l'Onu) s'est terminé aujourd'hui avec, il faut le dire, une image exécrable de notre pays», a déploré Najat Vallaud-Belkacem, secrétaire nationale en charge des questions de société, dans un communiqué. Elle estime qu'il faut «désormais considérer que le premier responsable de ce climat d'insécurité et de xénophobie, c'est le gouvernement». Les députés de l'UMP vont-ils lui reprocher de s'appeler Najat Belkacem et de ne pas être tout à fait complètement française ?