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Belgique: Des containers pour demandeurs d'asile

par M'hammedi Bouzina Med de Notre Bureau de Bruxelles

Comment une idée généreuse peut se muer en bourde politique ? Question de langage. Le vocabulaire des politiques confond souvent être humain et marchandise. Surtout lorsqu'il s'agit des autres.

Le gouvernement belge vient de prendre une curieuse décision : acheter des containers pour l'hébergement des demandeurs d'asile. Les journaux de vendredi matin ont annoncé que le Secrétaire d'Etat à l'intégration, Philippe Courard (PS), va lancer un appel d'offres européen pour l'acquisition de 700 containers pour l'année 2010 aux fins d'accueillir et d'héberger les quelque 1.000 demandeurs d'asile qui sont actuellement logés dans des centres pour sans-abri (SDF) et autres hôtels. L'initiative du Secrétaire d'Etat est certainement à saluer quand on voit comment d'autres pays européens traitent la question des fuyards des dictatures, de la faim et des guerres. Hier, la France par exemple a, après avoir raflé les Afghans de la «Jungle» de Calais, commencé leur renvoi par charters en collaboration avec les Anglais. La bonne initiative belge est quelque peu écornée par le choix du vocabulaire du lieu d'accueil pourrait-on dire : containers. Vocable usité par les milieux du commerce, du transit portuaire des marchandises et des affaires. Vocable, s'il évoque rarement l'idée de bungalow d'urgence ou à usage de bureau, évoque plus couramment l'idée d'emballage, de récipient, de... poubelle. On peut écrire container ou conteneur d'ailleurs.

 Mais ne présupposons pas de l'intention du rédacteur de l'appel d'offres dont le montant de 16 millions d'euros (pour les 700 containers) a peut-être brouillé l'esprit quant à la finalité de ce marché. Il faut reconnaitre que la Belgique est l'un des rares pays européens à respecter encore les damnés de la terre qui frappent à sa porte. Plus de 12.000 demandes d'asile pour la seule année 2008 dont près de 9.000 sont en traitement final. Au plus fort des crises politiques en Europe centrale et en Afrique dans les années 90, la Belgique, pays de 10 millions d'habitants, a accueilli 35.000 demandeurs d'asile en 1.999 et jusqu'à 42.000 en l'an 2.000. Une majorité a bénéficié de l'aide sociale et financière de l'Etat fédéral, des régions et communes. Dès le lendemain de sa formation en septembre dernier, le nouveau gouvernement a lancé une opération de régularisation des immigrés «clandestins» sur base de critères justes et légaux. Là encore, il faudrait lever des préjugés et autres clichés : les demandeurs d'asile ne sont pas en majorité africains ou asiatiques. Les chiffres officiels du ministère du Haut Commissariat aux réfugiés et apatrides (CGRA) placent, de tout temps, les Russes en tête du classement des demandeurs d'asile. Suivis, contexte oblige, des Irakiens, Afghan, Iraniens, Kurdes... Les pays du Maghreb en fin de liste. On compte par exemple 176 demandes d'Algériens en 2007 et 206 demandes en 2008. A bien y observer, on ne peut éviter de s'interroger sur la capacité déployée par les politiques belges à garder une politique d'accueil humaine, tant les contraintes de la politique sur l'immigration imposée par l'Union européenne sont lourdes, sélectives et égoïstes. Le pacte sur l'immigration adopté par l'UE, sous présidence française en décembre 2008, ne laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre pour les Etat membres de l'UE. Mais revenons à cet appel d'offres de 16 millions d'euros pour l'achat de 700 containers (ou conteneurs). Il a un précédent. L'année dernière, l'idée a été émise par le gouvernement belge de faire appel à leurs voisins néerlandais pour la construction de prisons sur base de... containers. Le procédé est répandu en Hollande : c'est rapide, facile et coûte moins cher que la construction en dur. Au final, la Belgique a, après mûre réflexion, décidé d'envoyer depuis la semaine dernière ses prisonniers « en trop» en Hollande pour être hébergés (gardés) dans les prisons en... containers. Quelle histoire !