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Malgré les discours rassurants: Les prix otages des spéculateurs

par Moncef Wafi

A quelques jours du début de Ramadhan, tous les yeux et les peurs sont rivés vers la mercuriale des marchés qui, comme chaque année, prend en otage un citoyen, désormais, impuissant face à l'absence de l'Etat et aux appétits insatiables de spéculateurs aux larges épaules. Cette année encore ne semble pas déroger à la règle qui veut que ce mois soit celui de tous les dépassements au nom du sacro-saint droit de l'offre et de la demande. Pourtant, les discours officiels se veulent rassurants et «protecteurs» face à un phénomène structuré et rodé se nourrissant de l'absence d'une démarche institutionnelle logique à même de mettre fin, une fois pour toutes, aux dépassements exagérés dans les prix des produits de première consommation.

 Abordant certains produits alimentaires, le ministère de l'Agriculture et du Développement rural a affirmé que le marché de la viande blanche sera approvisionné d'une manière régulière durant le mois de Ramadhan grâce à la disponibilité du produit. «Pour le mois de Ramadhan, des quantités importantes de viandes blanches ont été stockées. Le marché sera donc approvisionné d'une manière régulière , d'autant plus que la production est disponible», a rassuré le ministère, à l'issue d'une rencontre interprofessionnelle ayant regroupé les acteurs de la filière avicole. Pour plus de détails, «une convention a été signée, il y a quelques mois, entre le département de Benaïssa et les abattoirs privés et publics, dans laquelle ces derniers s'engagent à stocker la surproduction dans des chambres froides qu'ils ont à leur niveau afin de protéger les revenus des aviculteurs, mais aussi de mettre les quantités stockées sur le marché à des moments étudiés en vue de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs».

 Les prix de la viande blanche, dont la demande augmente durant le mois de Ramadhan, ont flambé depuis plus d'un mois dépassant les 300 DA le kilo sur le marché et atteignant la barre des 360 DA dans certaines communes périphériques d'Oran. Cette situation rappelle, cependant, le feuilleton amer de la pomme de terre qui avait défrayé la chronique nationale pour déborder sur un imbroglio judiciaire suite à l'importation de ce produit de large consommation du Canada. Pour faire face à un ras-le-bol populaire, l'Etat avait enclenché une opération nationale de stockage de la pomme de terre pour réguler le marché. Initialement fixé à 25 DA le kilo, le tubercule a grimpé en flèche atteignant les 90 à 100 DA en mars dernier au plus fort de la crise. Une réalité qui bat en brèche les affirmations officielles que, pour la seule wilaya d'Oran, environ 130.000 tonnes de pomme de terre sont stockées pour permettre la régulation du marché pour ce produit de première nécessité, notamment pendant le mois de Ramadhan.

 D'autres voix se sont élevées pour dénoncer ce commerce informel qui gangrène le pouvoir d'achat du citoyen. Ainsi, l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), par le truchement de son secrétaire de la wilaya d'Oran, a appelé à l'ouverture des marchés de proximité réceptionnés récemment dans certaines communes, avant le mois sacré de Ramadhan. Ces espaces commerciaux contribueront en partie, selon l'Union, à juguler le commerce informel et à lutter contre le phénomène de la spéculation. L'UGCAA a tenu à rassurer les citoyens de la disponibilité des différents produits de consommation ayant enregistré un record inégalé cette année, chose qui va influer positivement sur la mercuriale. La «folie» des prix, notamment ceux affichés sur les fruits et légumes, «est générée par la pratique du commerce parallèle, qui touche pratiquement 70 pour cent des produits commercialisés sur le marché», a indiqué le coordinateur local précisant que «30 pour cent seulement des fruits et légumes transitent par les marchés de gros de la wilaya d'Oran».

 Le ministre du Commerce a fait siennes ces explications dans une émission de la chaîne II de la radio nationale, en affirmant que seulement «35% de la production nationale des fruits et légumes passent par le marché légal». Selon lui, cela est dû à «un déficit en matière de marchés». Et d'ajouter que «la production nationale des fruits et légumes a doublé depuis l'année 2000, passant de 4,5 millions de tonnes à 9 millions de tonnes». Malgré toutes les garanties sur papiers de l'Etat, à travers ses différents ministères, la loi de la spéculation semble la plus forte puisque seule présente sur le terrain.