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Crédit véhicule: Odeur de crise sur le marché de l'automobile

par Mohamed Mehdi

«Le marché national de l'automobile a fini par être rattrapé par la crise du marché international de l'automobile lequel affronte actuellement des problèmes structurels», selon plusieurs concessionnaires de voitures cités par l'APS.

La même dépêche attribue la baisse des chiffres des ventes, à un «tour de vis» chez les banques dans l'octroi des crédits consommateurs destinés aux achats de véhicules, à la «hausse des taux d'intérêts de ces prêts», et à la «taxe sur la vente des véhicules». Pour le directeur général de Toyota Algérie, Noureddine Hassaim, «la majorité des crédits automobiles accordés proviennent des banques étrangères» qui, selon lui, «se montrent, depuis ces derniers mois, de plus en plus 'prudentes' dans l'octroi de ces prêts du fait de la crise financière qui secoue leur maison-mère». «En plus de la taxe sur la vente des véhicules neufs instaurée en août dernier», il attribue ce recul au «facteur psychologique» car, ajoute-t-il, «beaucoup de personnes hésitent à acheter un véhicule en raison des mauvaises nouvelles économiques provenant de par le monde et préfèrent, donc, attendre des temps plus cléments».

Même constat chez Nissan Algérie, qui n'arrive pas à faire décoller ses ventes malgré «les remises allant jusqu'à 100.000 DA» et autres «cadeaux offerts», et pour Peugeot Algérie qui «fait de plus en plus attention à ses dépenses pour prévenir les effets de la crise financière mondiale qui affecte la majorité des grands constructeurs européens, asiatiques et américains».

Invités à commenter le texte, en cours de préparation, dont l'objectif est d'encadrer l'activité de l'industrie automobile, «plusieurs concessionnaires considèrent que ce créneau nécessiterait le développement d'un tissu industriel compétitif autour de cette filière ainsi qu'une main-d'oeuvre qualifiée». Ils expliquent qu'»il n'est pas rentable pour un constructeur d'importer de l'étranger tous les composants (sièges, pneus, poignées...) d'un véhicule. Il est donc impératif de développer de petites manufactures qui se chargeront de la fabrication de ces composants pour le compte de l'usine qui doit être située à proximité d'un port, de voies ferrées et de routes». Même son de cloche chez l'Association des concessionnaires algériens (AC2A), dont le responsable exécutif, Zekri Boualem, estime que pour se lancer dans la fabrication d'automobiles, il faut être «attractif aux yeux des constructeurs dont le premier objectif reste le gain». Interrogé lui aussi, le représentant d'Elsecom, Slimane Naït Djoudi, juge que le montage de véhicules «n'est pas rentable pour le moment car un véhicule monté en Algérie aurait le même coût qu'un véhicule importé». La dépêche rappelle que la décision du ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements, Hamid Temmar, d'aller vers «la production et non pas le montage et la sous-traitance».

Nous avons de notre côté interrogé un banquier pour nous expliquer s'il y a vraiment réticence à vouloir donner des crédits automobiles. Mme Aït Abdelmalek, de Société Générale Algérie (SGA), affirme que son établissement «n'est pas concerné par la crise financière internationale». «Nous sommes une banque de droit algérien», rappelle-t-elle, tout en précisant que SGA «n'applique aucune restriction» pour les crédits véhicules, «si un client satisfait aux exigences, la banque accorde le crédit», ajoute-t-elle. S'il y a réticence chez les banques, ce serait plus à cause des craintes quant aux capacités de remboursement des Algériens dont le pouvoir d'achat ne cesse de baisser, qu'en raison de la crise financière internationale. Les raisons du rétrécissement des ventes des véhicules doivent être cherchées ailleurs que dans la réticence des banques ou dans la crise financière mondiale. Ce qui est certain, c'est que la taxe sur les véhicules neufs, imposée il y a plus de six mois, n'y est certainement pas étrangère. Payer 50.000 à 150.000 DA en plus, selon la puissance et le type de carburant du véhicule, il y a de quoi refouler plus d'un. C'est que la hausse ne touche pas les véhicules uniquement. Elle est à généraliser sur l'ensemble des biens de consommation importés et produits localement. Lorsque le prix de l'oeuf atteint 15 DA, il y a de quoi s'inquiéter pour le pouvoir d'achat du citoyen.

Et pour revenir à la démarche de Temmar, faut-il peut-être rappeler que nous ne sommes pas à notre première mauvaise expérience. Pour un pays qui a raté près de trois décennies pour finalement décider d'abandonner un projet de construction automobile (Fatia), il est malvenu de vouloir exiger le must. A cette époque aussi, l'on disait que l'automobile italienne n'est pas très performante, et qu'il fallait attendre la technologie... française. Finalement, nous n'avons rien eu. Ni la technologie italienne ni la française. Cette dernière qu'il ne faut surtout pas attendre maintenant que la crise s'est installée dans l'Hexagone. Même un pays aussi attractif pour le secteur de l'automobile, comme le Maroc, rencontre des problèmes en raison de cette crise. Le retrait de Nissan du projet de l'usine commune avec Renault à Tanger en est la parfaite illustration.Exiger le «meilleur» en matière d'automobiles, suppose que l'Algérie dispose d'un réseau de sous-traitance tellement dense, que les constructeurs vont devoir se bousculer. Ce n'est pas le cas et c'est loin d'être le cas. Faut-il donc s'entêter à refuser les offres (chinoises et iraniennes) qui nous sont faites, sous prétexte de vouloir mieux, alors que nous ne sommes pas capables d'offrir les meilleures conditions pour ce «mieux» espéré. D'ailleurs, nous ne sommes même pas sûrs que ceux qu'on attend vont vouloir investir chez nous. A moins de tirer un trait définitif sur ce rêve.