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Les Affaires religieuses et le HCI se prononcent: Tirs contre l'abolition de la peine de mort

par Z. Mehdaoui

Le ministère des Affaires religieuses et des Waqfs ainsi que le Haut Conseil islamique (HCI) sont contre l'abolition de la peine de mort en Algérie et ils l'ont clairement signifié, hier, à l'occasion d'une conférence régionale organisée à Alger par la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) et l'Organisation internationale de la réforme pénale.

Intervenant à la conférence, le représentant du ministère des Affaires religieuses et des Waqfs, M. Youcef Belmahdi, a expliqué cette position par le fait «qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'humanité d'abolir la peine capitale», en précisant, rapporte l'APS, que du point de vue religieux, «le système de la réforme législative doit oeuvrer dans l'intérêt de tous».

M. Belmahdi estime ainsi que les partisans de cette abolition prennent en considération uniquement l'intérêt de l'inculpé en négligeant, fait-il savoir, les droits de la famille de la victime, au moment où la conception religieuse sur cette peine vise à sanctionner l'inculpé pour le mal qu'il a commis et faire en sorte que la société ne s'engage pas dans des dérives.

Le représentant du ministère des Affaires religieuses, qui fera savoir que son institution donnera son avis sur la question au moment opportun, relève cependant que «l'absence de l'Etat comme partie exécutante des décisions juridiques sur la peine de mort poussera les parents eux-mêmes à chercher le moyen de se venger».

Pour le représentant du HCI, Mahfoud Smati, les lois relatives à la peine de mort en islam garantissent la stabilité de la société à travers la restauration des principes d'égalité et ferment la porte aux déviations.

«Dans la réforme d'une société, l'exécution de la peine capitale est nécessaire car elle préserve des dérives et stabilise la société», a-t-il indiqué en soulignant que la peine de mort a un «sens d'équité puisque même les puissants ne bénéficient d'aucune faveur et sont également sanctionnés».

Il faut noter que l'Algérie est le seul pays arabe à avoir voté les deux résolutions (62-149 de 2007 et 63-430 de décembre 2008) des Nations unies demandant à la communauté internationale d'imposer un moratoire sur la peine de mort.

Même si la peine capitale est toujours prévue dans le code pénal en Algérie, celle-ci n'est plus appliquée depuis l'année 1993.

«Le contexte est propice pour débattre de la question de la peine capitale en Algérie», a déclaré, hier, Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de protection et de promotion des droits de l'homme (CNCPPDH), en soulignant qu'il est temps d'ouvrir le débat autour de l'abolition de la peine de mort en Algérie et son remplacement par d'autres peines de substitution, d'autant plus, ajoute-t-il, que l'Algérie observe un moratoire sur cette peine depuis 1993.

Interrogé sur l'objectif d'une telle conférence qui s'étalera sur deux journées, le président de la CNCPPDH a expliqué que la rencontre sera l'occasion pour débattre de la peine de mort avec les différentes parties qui sont pour ou contre, en précisant que l'essentiel est «l'ouverture d'un débat autour de la question».

Intervenant à l'ouverture de la conférence à laquelle sont conviés magistrats et défenseurs des droits de l'homme, maître Ksentini a estimé que le débat auquel les participants sont invités doit respecter toutes les sensibilités et convictions en ajoutant que «l'objectif essentiel de ce débat est d'apporter l'éclairage théologique et philosophique nécessaire pour améliorer notre législation en la matière».

Le président de la CNCPPDH, qui rappellera l'appartenance de notre pays à la sphère de la religion musulmane qui véhicule une civilisation et une culture, fait savoir que «l'appartenance à ces valeurs spirituelles nous interpelle à moderniser notre législation et la mettre au diapason des normes internationales».

«Il est temps de trancher cette question ou bien maintenir le moratoire et laisser les juges prononcer encore des peines de mort, ou oser abolir cette peine en la substituant à d'autres peines», note Ksentini.

De son côté, le directeur régional de l'Organisation internationale de la réforme pénale a salué la position de l'Algérie quant à la question de la peine de mort. Il rappellera à cet effet que l'Algérie reste le seul pays arabe à avoir voté pour les deux résolutions des Nations unies, alors que, précisera-t-il, sept pays arabes se sont abstenus et tous les autres ont voté contre.

«L'Algérie doit être saluée pour son soutien à la résolution des Nations unies, portant moratoire sur la peine de mort», a déclaré le professeur Boumedra qui fera savoir, par ailleurs, que l'organisation de la conférence régionale à Alger vise à constituer et à créer une sorte de «lobby pour l'abolition de la peine de mort».

«Nous souhaitons que les pays arabes ne se prononcent pas négativement sur ce moratoire et qu'ils oeuvrent pour l'abolition pure et simple de cette peine et sa substitution par d'autres peines», a plaidé M. Boumedra qui espère que la conférence sera l'occasion pour sortir avec des recommandations à la mesure, dit-il, de la «position courageuse de l'Algérie sur cette question».

Il est utile de souligner que des juristes, des militants des droits de l'homme, des organisations nationales ainsi que des partis politiques se sont déjà avancés sur la question en appelant au retrait pur et simple de cette sentence du code pénal.

La dernière manifestation en date traitant de cette question remonte au mois de décembre dernier, lorsque le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) avait organisé un colloque où les participants ont appelé à l'abolition de cette peine extrême pour ce qu'elle constitue, estiment-ils, «d'atteinte à la vie humaine et en raison de son caractère irréversible en cas d'erreur judiciaire». Le groupe parlementaire du RCD a, faut-il le rappeler également, déposé officiellement au bureau de l'Assemblée nationale populaire (APN) au début du mois de décembre dernier, une proposition de loi sur l'abolition de cette peine. Une abolition qui entre, estime l'initiateur de cette proposition, le député du RCD Ali Brahimi, dans le cadre de «la promotion de la dignité humaine et la consécration progressive des droits de l'homme qui constituent un repère fondamental de l'évolution de l'humanité à l'époque moderne».

Le bureau de l'APN avait, récemment, approuvé la proposition du projet de loi portant abolition de la peine de mort.

En tous les cas, la conférence organisée hier a eu le mérite d'engager un débat sans tabous sur la peine de mort en Algérie. Un débat qui, désormais, oppose et continuera d'opposer deux parties qui se placent chacune d'un côté de la barrière de l'humanité et de la religion.