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Crise du gaz Europe - Russie : rien ne va plus

par Notre Bureau De Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Le gaz russe n'arrive plus en Autriche, Roumanie, Turquie, Slovaquie, Bulgarie, Pologne, Tchéquie... cette nouvelle crise arrive avec une vague de froid exceptionnel qui met à rude épreuve les relations Russie - UE.

S'il y avait une crise que l'Union européenne redoutait au seuil de cette nouvelle année 2009, c'est bien celle touchant au domaine de l'énergie. Coup sur coup, après avoir exprimé sa méfiance et son inquiétude au lendemain de la réunion en décembre des pays exportateurs de gaz à Moscou et la promulgation d'une « Charte des pays exportateurs de gaz », l'UE mesure en ce mois de janvier combien ses craintes sont fondées : la Russie n'est pas qu'un simple partenaire commercial ; elle est dans toutes les acceptations du terme, une puissance économique, politique et militaire (crise géorgienne) avec laquelle il faudra compter dans l'équilibre mondial. La Russie a sorti son arme stratégique : le gaz. Face à la « résistance » de l'Ukraine qui ne reçoit plus de gaz russe depuis le 1er janvier, la Russie soupçonnant ce pays de siphonner ses besoins sur les gazoducs destinés au reste de l'Europe, a carrément coupé mardi dernier une très grande partie des livraisons à destination de l'UE passant par l'Ukraine.

«Inacceptable! », a déclaré la Commission européenne mardi soir, en précisant que «ces réductions considérables qui touchent déjà certains Etats membres ont été décidées sans avertissement préalable et en totale contradiction avec les assurances données par les plus hautes autorités russes et ukrainiennes à l'UE». L'UE estime que c'est un problème bilatéral qui concerne la Russie et l'Ukraine et ne doit pas concerner l'Europe. Dans le même temps, une mission de la Commission européenne s'est rendue mardi, à Kiev, avant de se réunir hier, en Allemagne, pour tenter une sortie de cette nouvelle crise. Mais les choses ne sont pas simples. A vrai dire, l'UE veut circonscrire la crise à un strict domaine commercial qui concerne l'Ukraine et la Russie. La réalité est qu'il s'agit de la survie de tout le Partenariat stratégique UE - Russie, fondé sur l'avenir de la sécurité énergétique de l'UE. Faut-il rappeler que le dernier Sommet UE-Russie tenu à Nice, le 14 novembre dernier, devait renouveler « l'Accord de coopération énergétique UE-Russie » arrivé à échéance en décembre 2007 ? Autrement dit que sur le plan légal, le précédent Accord n'a plus cours. C'était cela l'échec du 22ème Sommet UE-Russie tenu à Nice.

Il est vrai que le président russe Medvedev et celui de l'UE, Nicolas Sarkozy, ont proposé lors de ce Sommet une réunion dès le mois de février 2009 avec le futur président américain Barack Obama, ainsi qu'une rencontre UE-Russie sur la sécurité européenne. C'est qu'en cette fin d'année la crise financière internationale frappait fort aux portes de l'Europe; et Russie autant que l'UE devaient se rendre, le lendemain 15 novembre, à Washington pour le Sommet du «G20» consacré à la crise financière. A Nice, la Commission européenne a rendu public son plan stratégique sur l'énergie courant jusqu'à 2030. On y lit que la dépendance énergétique de l'UE de l'extérieur atteindra les 85 % en 2030, dont 60 % de la Russie. On apprend que l'Europe vise à diversifier ses sources d'approvisionnement, notamment en développant ses réseaux avec le sud Méditerranée (gaz et électricité) ; en multipliant les couloirs de livraison à partir de la mer caspienne et le Proche-Orient et en terminant ses connexions vers l'Europe centrale et Orientale. Ces quelques éléments de rappel permettent de comprendre toute la complexité de la « bataille énergétique » qui se joue maintenant, et dire pourquoi le différend gazier entre Moscou et Kiev n'est pas un simple problème commercial lié aux prix et aux paiements des factures. Le gaz est devenu une arme redoutable au service de stratégies politiques des uns et des autres. Moscou sait très bien qu'à l'heure actuelle l'UE n'a pas de réelle politique énergétique commune. Les négociations internationales sur l'énergie relèvent encore de la souveraineté nationale des Etats membres. Elles ont un caractère bilatéral plutôt que communautaire. Aussi, la Russie ne se prive pas d'en user pour répondre aux manoeuvres de certains Etats, autrefois sous son influence, qui appuient les incursions américaines à ses frontières. C'est le cas de la Pologne et de la Tchéquie qui ont ouvert leurs territoires à l'installation du bouclier antimissiles américain en Europe. Dans ce jeu de rééquilibrage géostratégique, chacun tente de défendre son avenir avec le plus de garanties. Si l'UE met tous ses efforts à construire une solidarité entre ses membres sur tous les plans, y compris celui de la sécurité énergétique, pourquoi s'étonne-t-elle que la Russie ne fasse pas de même pour son propre avenir ?