Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le ciel, rêvons-le cet été Des images dans le ciel, les constellations

par Sid Lakhdar Boumédiene*

Qui dans sa jeunesse n'a pas eu la même réaction que ces trois enfants regardant les nuages ? Le premier, s'exclamant « On dirait un troupeau de chevaux ». Le second, affirmant « Je vois un dragon » et le troisième, malicieusement, « Le visage de mon grand-père avec ses grosses moustaches ». C'est exactement la même réaction qu'ont eu les anciens peuples pour les constellations dans le ciel.

Une constellation représente une image apparente en traçant des lignes imaginaires reliant des étoiles regroupées dans le ciel. L'illusion d'optique fait apparaître alors des représentations comme celles que nos trois enfants ont cru percevoir.

S'agissant d'un effet d'optique et d'une interprétation, il y eut tout à fait naturellement autant de représentations que d'observations par les différents peuples antiques.

Le ciel, captivant tout autant que terrifiant, est le lieu le plus indiqué pour y projeter les mythes et les croyances collectives. Alors chacune des civilisations qui a observé le ciel a projeté en ces images la représentation d'un objet, d'un animal ou d'un dieu faisant partie de sa mythologie.

Il faut rappeler aux jeunes observateurs algériens que les constellations ne sont pas le tracé d'une image d'étoiles sur le même plan comme le pensaient les peuples de l'Antiquité pour la voûte céleste avant que les Grecs ne lui donnent une profondeur. Ainsi, lorsque les différents peuples ont tracé des lignes imaginaires, c'était souvent entre des étoiles qui n'étaient absolument pas sur le même plan, parfois éloignées par des distances gigantesques que seul le cosmos connaît.

Lever la tête, un réflexe de l'humanité

Les constellations avaient été imaginées par bien des peuples anciens mais ce sont les Mésopotamiens qui nous ont laissé les premières traces documentaires faisant état du nom de certaines constellations.

Puis ce sont les Grecs qui ont, comme toujours en cosmologie, développé la connaissance du ciel et nommé beaucoup d'autres astres ainsi que des constellations. L'étymologie du nom de ces regroupements que sont les constellations viendra cependant de la langue latine.

Deux racines, « Cum » qui veut dire ensemble, avec, et « stella » qui signifie étoile. Ainsi le mot constellation désigne un groupe d'étoiles « qui sont ensemble ».

Comme nous le savons déjà pour les étoiles, les bergers, les navigateurs et les voyageurs se dirigeaient à l'aide du positionnent des constellations. Les étoiles et les constellations étaient le GPS de l'époque.

Une troisième fonction du ciel pour ces peuples qui levaient la tête au ciel était de lire l'avenir, nous le verrons dans un paragraphe ultérieur.

Astérismes et constellations

Comme les êtres humains peuvent relier tous les points d'un amas d'étoiles selon leurs projections mythologiques, les constellations peuvent donc être imaginées à l'infini et les noms se modifier selon la civilisation.

Si le lecteur entame une recherche sur les constellations, il rencontrera le mot astérisme qui est également un amas d'étoiles qu'on peut relier par des lignes imaginaires. Alors quelle est la différence entre les astérismes et les constellations ?

Les constellations sont les figures qui ont été recensées et homologuées par l'Union Astronomique Internationale en 1930, il en existe 88. Ce nombre n'est pas figé et tous les autres astérismes peuvent être imaginés en images par les sociétés humaines à venir. 48 portent un nom tiré d'une mythologie grecque. On les appelle les « constellations de Ptolémée », astronome grecque qui avait compilé toutes les connaissances scientifiques de l'antiquité dans son célèbre ouvrage, Almageste.

Pourquoi une liste reconnue par une autorité internationale puisque les imaginations des peuples est changeante et multiple ? Tout simplement parce qu'en toute science, il faut observer, identifier, classer et nommer les objets d'études. Les constellations portent un nom latin, comme c'est généralement le cas dans beaucoup de sciences, suivi d'une abréviation. Ainsi la Petite Ourse est nommée Ursa Minor suivi de son abréviation UMI.

Boréales, Australes et Zodiacales, chacune son territoire

Les constellations vues depuis l'hémisphère nord terrestre, ou ciel boréal, sont plus anciennement connues que celles du ciel austral (du Sud). Les Grecs avaient nommé cette partie haute des latitudes, Arktos dont on reconnait facilement la racine du mot Arctique.Les plus connues sont La Grande et la Petite Ourse, Hercule, la Lyre, le Cygne, Cassiopée, Andromède et Pégase. Nous l'avons dit, elles se référent en quasi-majorité à la mythologie.Les constellations australes, c'est-à-dire celles vues de l'hémisphère Sud, n'ont été répertoriées qu'à partir du XVème siècle. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce fut l'époque des premières explorations au-delà du monde connu, celui de l'hémisphère Nord.Parmi les plus importantes, La Baleine, Orion, le Grand Chien, le Poisson austral, la Vierge, l'Eridon, la Carène et la Croix du Sud. Les noms des constellations se sont éloignés des mythes et légendes pour prendre, pour la plupart, des noms plus techniques et réalistes.Entre les deux, au niveau de l'horizon, les constellations zodiacales (du Zodiac). Au nombre de 12, observées et nommées par les Babyloniens, ce sont Les Signes. Les noms sont évocateurs des signes zodiacaux (astrologiques) sur les douze mois de l'année que l'époque moderne reprend selon la date d'anniversaire des êtres humains : La balance, le Poisson, le lion, etc? Je suis moi-même Vierge !Ces constellations du Zodiac ont été à l'origine d'une autre science que celle de l'Astronomie, c'est l'Astrologie. Il ne faut pas se méprendre, l'Astrologie fut pendant des siècles considérée comme une science.Les rois et leur cour consultaient les astrologues comme les Romains consultaient les augures pour prédire l'avenir par l'observation des phénomènes naturels. Aux jeunes lecteurs, attention, ne pas confondre les augures romains avec les oracles grecs qui étaient des dieux auxquels on posait des questions sur l'avenir.

La famille Ourse, professeure et guide de l'espace

Deux constellations sont les meilleures approches de la pédagogie du ciel pour les débutants (que je suis encore pour le repérage visuel). C'est avec la Grande et la Petite Ourse qu'on commence l'apprentissage car il suffit de repérer l'étoile du Nord (Polaris) avec une boussole, aujourd'hui intégrée dans les smartphones. Ce sont des constellations circumpolaires, c'est-à-dire qu'elles sont présentes dans le ciel en tout moment de la journée et de l'année.

Cette particularité vient de leur proximité avec l'étoile polaire et sont donc très proches de l'axe de rotation de la terre.

Ne soyez pas déçus car vous ne verrez pas Winnie l'ourson. En fait, les tracés des lignes imaginaires par les peuples antiques n'étaient qu'une ébauche ou une partie seulement de la représentation symbolisée des objets, animaux ou dieux. Pour visualiser Zeus, un aigle ou un ours, il faut y rajouter une très forte dose d'imagination, ce que le ciel est tout à fait indiqué à produire avec son art du mystérieux et du symbolique.

De ce fait, ce fragment de l'image, un peu comme un squelette incomplet, est appelé « la petite casserole » pour la Petite Ourse et la « grande casserole » pour la plus grande de la famille Ourse. On voit effectivement l'image d'une casserole avec son manche.

Les Babyloniens regroupaient sept étoiles dans la constellation de la Grande Ourse qu'ils nommèrent le Grand chariot. Puis les Romains, de la même manière, la nommeront plus tard, les Sept bœufs, Septem Triones. Ce nom donnera le terme de septentrional puisque la constellation est au Nord. Facile à repérer, prendre la direction du Nord, juste à côté, essayez de repérer des étoiles regroupées sous une forme de casseroles inversées. Partez de celle qui est la plus basse, la Grande Ourse, puis remontez vers Polaris (l'étoile polaire) pour visualiser la Petite Ourse.

Ces deux constellations nous permettent de retrouver bien d'autres, comme Cassiopée. Ce sont ainsi les références du ciel, comme des guides auxquels vous vous adressez pour suivre le chemin.

Hélas, je n'ai pu les voir distinctement à l'œil nu que deux fois dans ma vie. Pour ceux qui ont lu le premier volet de la série, ce fut avec notre professeur, un soir dans la cour de l'internat de Bouisseville. Il faut dire, qu'à cette époque, il se situait dans une zone totalement dénuée d'habitations et de lumière, à flanc de colline. Mais les jumelles et autres lunettes astronomiques (devenues moins chères) sont des outils modernes fabuleux qui devraient permettre une observation plus facile.

Comme la famille Ourse est le point de départ de toute approche du ciel par le débutant, elle nous servira d'exemple pour comprendre comment se passe un processus de projection mythologique par les peuples antiques. Ici, comme souvent, c'est la mythologie grecque qui en est l'origine.

La mythologie racontée par le ciel

Zeus rencontre Callisto (dont le nom signifie « la plus belle »). Le plus puissant des dieux était descendu de l'Olympe pour visiter la forêt d'Arcadie où se trouvait la belle.

Pour la séduire, Zeus employa une ruse en se transformant en la déesse de la chasse, Artémis. De cette liaison que les Grecs antiques ne désapprouvaient pas d'un voile d'immoralité, Callisto tomba enceinte. La déesse de la chasse, déesse vierge, fut furieuse lorsqu'elle s'en aperçut. Par sa colère Callisto fut transformée en bête, une ourse.

Mais comme les légendes sont toujours multiples, une autre raconte que c'est Héra, épouse de Zeus, qui fut en colère par jalousie. La vengeance d'Héra s'accomplit lorsque le fils de Callisto, Arcas, un vaillant chasseur, poursuivit une ourse, par la volonté de la femme de Zeus, qu'il ignorait être sa mère. Il tira de son arc une flèche qui n'atteignit pas le corps de la mère qui s'enfuit. Pour les protéger, Zeus intervint et les envoya dans la voûte céleste. Cependant la colère d'Héra ne baissa pas et elle demanda à Océan et Thétis que les deux ours ne se reposent jamais (ainsi les constellations seront circumpolaires) ni qu'ils se baignent dans les eaux (ils ne seront donc pas l'image d'une constellation du zodiaque, couvrant l'horizon). Elle leur demanda également que soit placé entre les deux animaux, un dragon (devenu une constellation), soit le fameux serpent qui gardait les pommes d'or de la déesse dans le jardin des Hespérides et qui fut écrasé par le pied d'Héraclès.

En conclusion, ces belles images tracées dans le ciel par l'imagination des humains, gorgées de mythes et de légendes, sont au fond de la poésie pour celui qui dispose aujourd'hui d'une culture et d'une instruction pour les remettre à la place qu'elles occupent dans l'histoire.

Hélas, certains se replient dans leur inculture pour ne voir que blasphème et exprimer un reniement des évidences cosmologiques.

*Enseignant