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La nationalité de l'ombre

par El Yazid Dib

«En nationalité, c'est tout comme en géologie, la chaleur est en bas; aux couches inférieures, elle brûle». Jules Michelet

Le temps d'un peu plus d'une semaine a consigné la juxtaposition d'un ministre manqué, bi-nationalisé français et le retour de France d'une mémoire de résistance enfouie dans des crânes entreposés dans l'oubli depuis 170 ans.

Avait-il eu un chagrin à voir ces probes symboles de dépouilles sans corps venir de si loin, de là où il avait élu statut et domicile ? Certainement, oui. Il doit avoir produit des pleurs intérieurs et silencieux. L'on ne peut d'un revers de signature anéantir ainsi les graines radicales qui ont fait du brin herbacé une tige qui croît joyeusement et croit que tout est permis. L'appel anonyme et incontrôlable vous happe et vous désarme par-devant tous les justificatifs, toutes les parodies et tous les nouveaux rôles. Le « moi », resurgit à chaque instant que l'on y pense.

Il n'y a pas d'affaire, il y a juste une longue histoire d'antécédents, de légitimité et aussi de casting. Le sieur qui d'ailleurs ne remplit pas l'œil en tous ses angles n'était pas un choix idoine. Il était en face d'un devoir légal. Renoncer à un statut juridique ne disqualifie pas l'attachement intime à la matrice de ce statut. Certes, le patriotisme ne s'exprime pas par un bout de papier. Il ne peut être mis en cause par une quelconque procédure en quête d'un hypothétique bien-être. Le sieur est libre de se positionner dans ce en quoi il est convaincu. S'il cherche l'ombre, il ne peut prévaloir une origine.

Être ministre c'est avoir une parcelle de souveraineté, c'est faire une partie de l'Etat national, être au parfum des hautes institutions, avoir parfois accès, selon leur classification à des dossiers sensibles. Presque frappés du sceau du secret, quoiqu'en ces temps qui courent tous les secrets finissent par s'éventer. A ce niveau là, on ne na pas à jouer un double jeu. Ou l'on est avec une équipe ou l'on est avec l'autre. Par contre, en dehors de ceci, toute autre attitude est plausible.

Et puis ce poste ne rime à rien. On la bien essayé avec un certain effacé Sahli. Il correspondait à une lucarne gouvernementale avec vue sur mer. Voire une minuscule succursale sous étreinte restreinte de l'envahissant département des affaires étrangères. Quelques doléances par-ci, quelques couacs consulaires par-là, beaucoup de voyages et de contacts et les grands problèmes de notre émigration sont toujours les mêmes. Ne faudrait-il pas, à ces fins encourager l'instinct associatif, l'esprit du lobbying et la positivité de la diaspora installée ailleurs ? Des associations fortes, comme l'était l'Amicale dans son temps pourrait suppléer à ce besoin de porte-voix d'une frange que l'on n'écoute que lors des rendez-vous électoraux.

Par principe cardinal l'on ne rentre pas dans la tête d'une république par clandestinité. Le filtre et le scanner se devaient d'agir à priori. La nomination de ce sieur dépasse la simple erreur du formalisme exigible en pareil cas. C'est une question d'enquêtes ou de passer outre. Et puis, y a aucun mal. Il est nommé puis dégommé. Pourvu que l'autre comparse bien introduit dans le règne précédent ne puisse pas donc briguer la lucarne. Pour une grosse « tête » belle ou pas ; c'est dangereux. Elle serait également prise aux filets d'autres trucs, d'autres machiavélismes.

La confusion que crée ce cas est à écarter de ceux nombreux où l'exclusivité de la nationalité algérienne est de .mise. Il s'agit en fait de certains postes et emplois précis par la loi consécutivement à la constitution. Certains transposent Belmadhi l'entraîneur des verts au cas du Sieur. Quand l'on saura faire la différence entre ce qui est apport technique et ce qui a rapport politique ; la compréhension se facilitera. On avait bien des coachs totalement étrangers, mais jamais de ministres.

L'anicroche parfois n'est pas dans la couleur d'un passeport ou dans celle de sa dualité le cas échéant, elle réside toutefois dans la symbiose qui doit subsister entre le profil et l'emploi à exercer. Plusieurs de nos compatriotes inscrits à la case de la fuite des cerveaux ont eu de prestigieuses renommées notamment scientifiques en plus des signes de reconnaissances mondiales. S'ils peuvent valablement accomplir une fonction conforme intrinsèquement à leur métier quel que soit leur passeport ce ne sera qu'une une chose salutaire. Leur confier un portefeuille ministériel où la décision n'est que politique et que l'on sait être aussi une administration dévoreuse de compétences, c'est un peu les brûler, voire les émasculer.

L'acquisition d'une nationalité suppose allégeance et loyauté aux principes fondateurs de l'Etat, de ses éphémérides, de ses référentiels constitutionnels. Il y a là, dans cette relation juridique un engagement solennel pour le respect et l'exécution des obligations civiles prévues par tous les textes en la matière. Une nationalité peut ne pas traduire expressément une identité morale ou ancestrale. Elle ne produit que des effets en termes de droits et devoirs.

La citoyenneté est ainsi une faculté de pouvoir jouir de tous les avantages qui, toutefois ne seraient pas disponibles dans l'arsenal de la nationalité d'origine. Etre algérien et résider ailleurs sous une autre nationalité c'est éviter les formalités d'un visa d'entrée en Algérie. C'est dire qu'à l'obtention de la nationalité étrangère, l'on ne devient pas étranger dans ses gènes, ses réflexions, ses profondeurs. Y a cette croyance virtuelle, que l'on est dans le club. On a juste un passe-partout. Un masque local. On se moule dans le canevas sociétal, on s'y adapte. Le malheur ce sont ces têtes faites ici, qui d'un tour de spleen vomissent une empreinte matricielle jusqu'aux souvenirs de leur natalité. En dehors d'une religion, d'une idéologie ou d'une politique ; ils tentent de mettre en cause l'existence et la présence sur le globe du sol où ils ont lancé leur premier cri. Ils tirent sur tout ce qui se fait ici. Rien n'arrive à les satisfaire, pourtant s'ils n'ont plus l'Algérie dans le cœur, ils la gardent coincée à l'éternité dans leur tête. Du moins en guise de faire-valoir ; car ils n'ont pas renonce à leur nationalité initiale. Ils en parlent, suivent tout détail, scannent tout mouvement. En fait ils se mettent en permanence en position d'étrangers là où ils se tanguent et algériens aux frontières. Et dire, malgré l'application au point au nouveau prototype citoyen ; ils ne seront jamais dans les pures souches françaises qu'ils désiraient. Les plis acquis, le fond culturel inné, le pesant héritage mémoriel ne peuvent disparaitre, juste en ayant entre ses mains un passeport bleu. Tu peux changer de noms, de lieux et même de peau ; ca ne sera pas pour autant possible de changer de filiation, d'appartenance et de sperma-manufacturiel.

Il y a l'assimilation à la communauté française comme support axial dans cette immersion. L'accueil dans la citoyenneté française engendre plusieurs protocoles, voire déclaration expresse et officielle et disposition morale et totale adhésion aux conditions du nouveau Club. Il est dit et transcrit quelque part : « L'acquisition de la nationalité française constitue une étape majeure dans le parcours d'intégration d'un étranger à la communauté nationale. Il serait exigé que cet événement soit accentué par une manifestation solennelle et symbolique d'accueil dans la citoyenneté française. Cette manifestation est organisée au niveau de chaque département par le préfet en présence des élus dans les 6 mois qui suivent l'acquisition de la nationalité française. La charte des droits et devoirs du citoyen français est remise à cette occasion à tous les nouveaux Français » n'y aurait-il pas un quiproquo à vouloir entonner kassamen sous le rythme de la marseillaise ? ou de hisser un tricolore dont le bleu ne puisse s'étoiler ? Sauf si tout ceci n'a rien à voir avec tout jurement, contrat, dévouement, patriotisme dans le fond et que ce n'est qu'une comédie humaine de régularisation administrative d'un séjour métropolitain allongé.

Ainsi cette situation est à clarifier textuellement dans la prochaine constitution. Ne laisser aucune marge pour une éventuelle interprétation. Inclure des dispositions qui sérient, par sensibilité les postes supérieurs conditionnés de la sorte. Oui, je crois de mon avis personnel qu'en fait de hautes fonctions, l'exclusivité de la nationalité unique algérienne est exigible. Il y aussi des avis qui veulent étendre cette « unicité » à la résidence du récipiendaire. La résidence pourrait s'élever en un cas d'empêchement. Il y avait un ministre qui durant tout son âge plus que quinquagénaire, n'a séjourné en Algérie que deux ans de service national et quelques années, période de son office ministériel. Il était déconnecté de la réalité, de la culture du fonctionnement de la société profonde algérienne. Il était partant ; un assidu contribuable du trésor français. Et on ne lui a jamais mis en porte-à-faux son amour pour son pays d'origine. Peu importe le lieu où l'on naisse, l'importance est dans les fibres qui tissent nos souffles. Ceci n'empêche pas que l'apport des binationaux nés ici ou ailleurs est d'une primordialité accrue. Personne ne détient le droit de leur renier l'amour de la patrie à la façon qu'ils conçoivent.

Pour ce qui est de ce député manquant de peu la peau d'un ministre , je ne pense pas qu'en s'abstenant à renoncer à sa bi nationalité , l'on comprendra un retrait aux âmes de Massinissa ou Benboulaid et qu'il puisse subir un attrait affectif envers Vercingétorix ou Clovis beaucoup plus qu'il le ressente pour le loisir des parcs, les grands boulevards, les terrasses de cafés et l'abri assuré en cas de « on ne sait jamais ». Pas plus. Sauf si les sirènes phocéennes ou les cors franciliens claironnent un son autre que celui de sa source génétique. La constitution est sommée de régler cette dualité au seul profit du pays et de faire éviter à certains de se mettre à l'ombre d'une autre nationalité quand le front les appelle à un devoir hautement sacré.