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L'irresponsabilité des uns, la négligence des autres

par El Yazid Dib

Ce n'est plus une question de moyens c'est une question de prise de mesures. Chacun de son poste, de sa position doit assumer ses responsabilités. Tout un chacun sait qui doit et peut faire quoi. Une compétence territoriale, une responsabilité personnelle.

Le rythme s'accélère à une vitesse où chaque jour, depuis peu l'on enregistre une hausse inquiétante. Ce regain de pandémie serait dû selon les spécialistes au relâchement des mesures de prévention suite aux différents déconfinement décidé tout récemment. Argument paraissant tenable. N'était-il pas prévu ce regain ?

A-t-on attiré à temps et opportunément avec la persistance qui se doit l'attention de la population qui, bloquée longtemps n'attendait que ce feu vert à la fatale fiesta ?

Dresser une carte géo-épidémiologique

Toutes les villes ne se valent pas. Chacune d'elles a ses propres caractéristiques. Il est donc inefficace d'imposer un unique protocole sanitaire et d'une façon identique à elles toutes. Le meilleur, pour la comite scientifique en charge du contre-virus est de dresser des critères de contagiosité ou de disposition à l'avoir en fonction de statistiques fiables et assurées. Mettre une carte géo-épidémiologique, un zonage de probabilités de contamination facilitera aux décideurs la prise de mesures qui se recommandent. Des horaires du couvre-feu, aux conditions de confinement.

Que faire par devant ces obstacles de manque de moyens, de difficultés à faire appliquer les règles de sécurité, d'impossibilité de dépister tout le monde, de mener sérieusement des enquêtes épidémiologiques ? Le reconfinement. Jusqu'à présent l'on n'a pas pu établir une délimitation géographique en termes de taux ou de propension de contamination. Quelles sont les régions, voire les villes à forte expansion ? Avec des critères statistiques nous aurons au moins, à titre illustratif à savoir les zones rouges, oranges ou vertes. A partir de là le confinement saura trouver ses motivations, ses conditions et ses modalités et les populations concernées sauront non seulement à quoi s'en tenir dorénavant, mais apporteront leur totale adhésion des frustrations économiques et d'autres soucis resurgiront sans doute. A prendre en considération que cette « zonification » n'a pas pour objectif de créer des « clubs des pins » pour les uns et accentuer les « zones d'ombre » pour les autres. Mais en assurer à chacune d'elles des traitements adéquats et en fonction des situations révélées, constatées et vécues.

Soigner la santé, rebâtir l'hôpital

Tout le monde, chez nous crie le défaut de prise en charge sanitaire. Quand les uns dénoncent l'absence totale d'infrastructures, les autres revendiquent plus de lits, plus d'équipements et plus de soins. La pandémie à démontré les limites, voire l'aveu de l'échec de la réforme sanitaire, vociférée sans honte par des ministres, que nous étions les meilleurs du monde. Que nous avions un système que n'ont pas les pays les plus développé. Pauvre Boudiaf, ministre du bla-bla sanitaire. Il y avait dans tous les programmes de gouvernements successifs du mensonge à ce propos. Ils n'ont jamais tenu parole. Les infrastructures en dur, en bâti existent mais en âme, en souffle, en passion professionnelle, en expertise, en humanisme, tout laisse à colmater, sinon à reconstruire. Pas de volonté vraiment budgétaire et administrative à vouloir améliorer tel qu'il se doit les choses. Il fallait investir dans la prévention, puis dans la santé. Le citoyen ne cherche que le facile accès aux soins, à savoir se faire prémunir de tout incident sanitaire fâcheux. La santé dans ce sens n'est pas celle d'augmenter l'addition des jours, mais de les agrémenter et les rendre plus heureux, plus doux, à moindre souffrance. Le bien-être, voire mourir en bonne santé.

L'hôpital ne doit pas se suffire à être l'antichambre de la mort. Sa vocation est de ragaillardir les santés fragiles, produire de la vie. C'est là où s'exercent les plus nobles métiers, où l'humanité exprime les dimensions de la même humanité avec sacrifice et des mains d'or. Il est nécessaire de revoir l'architecture de son âme et redonner à ses piliers, ses membres, ses soubassements les vertus d'être au service de ceux qui endurent le mal et la douleur. Un hôpital civique et social

A défaut de pouvoir confiner les personnes, confinez les voitures !

Face à l'inconscience collective des citoyens envers qui tous les soupçons de la contamination ne sont pas indemnes de les leur coller ; il est évident de chercher ailleurs la source, entre autres de cette hérésie, cette abstention négative. La mobilité est un facteur qui favorise le déplacement. Tous les marchés et lieux commerciaux à grand public reçoivent des centaines de personnes à grande majorité venues de si loin, d'ailleurs que de la proximité des dit-lieux. Sachant que toutes les cités abritent en leur sein des magasins à commerce multiples. Les superettes y foisonnent. Ce confinement qui se résume en l'interdiction aux voitures et motocycles de circuler durant une période à mettre à l'essai est de nature à empêcher les regroupements et les agglutinations dans les principaux points sensés être les plus attractifs. On le voit dans les chaines par-devant les entrées des agences postales où les gens, portant mal une bavette, croient se prémunir du virus sans pour autant avoir en main le respect d'un espacement, d'une distanciation.

On se lassera pas de répéter et de radoter que le confinement édicté spécialement pour les deux journées de l'aïd avait stimulé quand bien même une certaine quiétude, en provoquant une adhésion presque totale et sans faille. Ni voiture, ni moto. Seuls les corps peuvent rôder, faisant du sur-place. On avait constaté moins de monde et plus de sécurité sanitaire. Car chacun se trouvait auprès de chez lui. Dans sa géographie résidentielle. Cela avait démontré que c'était le moyen de transport qui faisait réunir les gens autour des souks et des marchés, dans les villes et les bourgades. A défaut de véhicules, toutes ces masses d'individus se verront drastiquement rétrécir. La ville était livrée à elle-même, ses périphéries, ses douars, ses agglomérations secondaires également. Pas de flux massif, ni de transbordement d'une contrée à une autre. Chacun avait évolué dans le périmètre que lui permettait sa force motrice naturelle. L'on ne peut venir à pied d'une commune à une autre ou d'une cité vers une autre sans locomotion. L'on aura à se contenter à faire ses emplettes chez soi, aux alentours de sa demeure. Maintenant que toutes les cités sont pourvues de magasins et de locaux commerciaux multi-activités ; essayons alors d'étendre cette interdiction au moins durant les journées du jeudi, vendredi et samedi et analysons ensuite le résultat. Sans conteste, cette disposition si elle venait à être prise aurait à fixer les citoyens sur leurs territoires et ne manquerait pas à l'évidence de provoquer encore des entorses au sens d'hypothétiques urgences et autres impératifs.

Sétif ; le confinement total s'impose, malgré ses gros inconvénients

Il y a un difficile choix à faire. Fermer tout ne va pas arranger tout le monde. Des gens vivent justement de p'tits commerces, de travaux d'œuvres minimes, occasionnels, de tâches journalières. Laisser la situation telle quelle ; la mort se pointe à l'horizon.

Eh bien, il y a bien une autorité locale qui a bien pignon sur gouvernement, une commission médicale de haut niveau dit-on est dépêchée d'Alger, alors qu'ils prennent la juste décision. Et c'est cela la responsabilité.

La propagation s'entrecroise allégrement avec une proximité, de surcroit lorsqu'elle se trouve dans une densité humaine. Elle est ainsi dans son idéal environnement. Elle brasse large et sans distinction. Sétif seconde agglomération populaire après Alger, carrefour cardinal, épicentre commercial, pôle industriel attractif , compte ses morts et la longue chaine qui ne s'arrête pas de ses contaminés. Toutes les familles ont été touchées. Sétif n'est pas uniquement le chef-lieu, ce sont les 60 communes qui la constituent qui sont en peine à ce maudit virus. A parcourir les posts des internautes, les chiffres effrayants ; la wilaya a tendance à souffrir le martyr. Tous les commentaires demandent instamment aux autorités d'imposer le confinement. Paradoxe des temps et des sorts , ce confinement est devenu un produit de luxe que l'on emballe dans un besoin pressant de sauvetage. Voyez-vous, la démocratie aussi à ses propres contradictions, ses propres priorités.

Une population qui exige son « emprisonnement » pour le salut de tous, malgré les contrariétés et les sérieux ennuis économiques que cela tend à provoquer. Confiner les véhicules entre autres ou classer des villes en zone rouge paraîtra à première vue, une impossibilité que l'on saura radoter tout aisément. Les besoins, les urgences, le commerce, le travail et bien d'autres motifs bien debout. Mais, encore mais, tentons le test, dans une ville, une commune et l'on verra. Encore mais, si l'on reste juste au bout des injonctions et de la sensibilisation , l'on sait que celles-ci n'ont rien donné.

La presse locale rapporte chaque jour des cris émanant de professeurs, de médecins, qui tous à l'unisson tirent la sonnette d'alarme. Leurs voix vont être certainement portées à la commission spéciale dépêchée sur les lieux.

En attendant ce que cela ne se fasse pas pour des considérations politiciennes « d'équilibre régional » , il est clair que Sétif, dépassera Blida et Alger dans le lugubre palmarès journalier de la comptabilité macabre. Que faire alors ? La réponse doit être chez le wali, plus au fait de la situation, des nombres, des projections et du moral populaire.

Et de dire...qu'on est tous responsables

En fait de responsabilité, l'on n'a que celle du simple citoyen. Conscient et consciencieux, qui respecte le port du masque, la distanciation si ce n'était l'irrespect des autres, lave ses mains, sensibilise ses proches, s'inquiète de l'évolution dramatique de la santé publique, essaye d'apporter ses propositions, tente de dissuader les décideurs qui le lisent, s'attriste à chaque mauvaise nouvelle - elles sont permanentes- nous ne lisons que la nécrologie, les disparitions et nous nous affligeons aux contaminations, hospitalisations, condoléances et enterrements.

L'on n'est ni spécialiste ni expert en virologie. On se force à comprendre cependant les causes, pour les éviter de ce mal dangereux qui nous fait peur, angoisse et nous déplore. Personne n'est responsable de la survenance de ce virus. Beaucoup le sont cependant pour sa propagation. Cette responsabilité est en évidence bien partagée. Une grosse partie revient à la charge de ceux qui sont aux affaires publiques, l'autre partie plus importante pèse sur une société négligente.

Il n'y a qu'à voir les agences postales où des chaines se forment à la première heure. La Sonelgaz, la Caisse d'assurances sociales, la Société des eaux, la vignette fiscale et autres guichets où le service public ne s'est pas interrompu sont prises d'attaque par des foules denses et rapprochées. Le virus prospère là où la bureaucratie excelle dans ses délais de paiements, ses dates unanimes de virement, ses factures échues. Réfléchir un peu, en dehors de la pandémie à rendre plus flexible toutes les administrations et décharger les administrés de quelques déplacements inutiles.

Le virtuel n'est pas uniquement valable pour la frime lors de réunions ou de séminaires en visioconférence. Il peut aussi servir au paiement à distance, à la régularisation à partir de son micro. Soit une administration à domicile, tout en investissant dans ce fameux « restez chez-vous » C'est le sens de la responsabilité qui doit prévaloir chez les insouciants, et l'insouciance qui doit se délester chez les responsables. Ainsi la vie continuera à bouger et l'espoir renaitra.

Je sais que certains lecteurs ne lisent plus ces « coronalités », trop rébarbatives, épuisantes. Elles donnent, je le consens de la déprime et à moi aussi. Je le fais, cœur serré, boule au ventre dans l'espoir d'être lu par ceux qui ont un quelconque pouvoir dans la gestion de cette crise. J'aurais bien voulu enfin, écrire sur d'autres crises, d'autres problèmes, le tout frais remaniement ministériel, les différentes façons d'aimer l'Algérie , le hasard politique, écrire sur un printemps raté et un été pourri. Enfin sur toutes les désillusions cumulées.