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Google dans la ligne de mire

par Akram Belkaïd, Paris

Un jour, il y aura peut-être un film qui racontera cette histoire. Celle des démêlés récurrents de Google avec les administrations, notamment étatiques, et la justice. En septembre dernier, la firme de Mountain View a ainsi accepté de régler près d’un milliard d’euros (965 millions d’euros) pour mettre fin à un contentieux qui l’opposait à l’administration fiscale française. En décembre, toujours en France, Google s’est vu infliger une amende de 150 millions d’euros par l’Autorité de la concurrence pour abus de position dominante dans les services publicitaires. Plus impressionnant encore, la firme technologique a, jusqu’à présent, écopé de 8,25 milliards d’euros d’amendes cumulées en moins de deux ans que lui a infligées la Commission européenne en raison de position monopolistique et de pratiques jugées abusives.

Moteur de recherche et publicité

Toute cette volonté européenne de mettre au pas la multinationale a fini par attirer l’attention aux Etats-Unis. Jusque-là, Google a réussi à échapper aux sanctions. En 2013, les autorités avaient jugé que la firme n’était pas coupable de profiter de sa position dominante. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Selon des informations rapportées par le Wall Street Journal - quotidien américain des affaires qui suit de près cette affaire, Google risque fort de faire face à un méga-procès à l’automne prochain. Lancée en juin 2019 par le gouvernement américain mais aussi par une cinquantaine de procureurs généraux - l’équivalent d’un ministre de la Justice à l’échelle d’un État de la fédération, une enquête pour abus de position dominante est en passe d’aboutir.
Que reproche-t-on exactement à Google ? Deux choses principales. La première n’étonnera aucun internaute. Il s’agit d’un abus de position dominante en matière de recherche en ligne. Le moteur de recherche de Google a « tué » toute concurrence même s’il existe encore des solutions alternatives défendues par celles et ceux qui souhaitent que la Toile demeure un espace ouvert. Selon les statistiques, 90% des recherches en ligne passent par Google. Cette emprise explique le second grief fait à l’entreprise. En effet, Google capte 70% à 75% des recettes publicitaires générées par les recherches en ligne. En somme, un double monopole qui alimente régulièrement la critique.

Démantèlement ?

L’affaire n’est pas anodine. Ken Paxton, procureur général vedette de l’État du Texas, estime que « toutes les sanctions sont sur la table » au cas où Google viendrait à être reconnu coupable. Au-delà des amendes habituelles, c’est la possibilité d’un démantèlement qui se dessine. On repense alors à l’exemple historique de la Standard Oil de Rockefeller, éclatée en plusieurs entités parce qu’elle monopolisait le secteur pétrolier américain. Cela se passait au tournant du dix-neuvième et vingtième siècles. Cette fois, ce n’est plus le pétrole, mais l’économie de l’Internet qui est concernée. Libéraux, capitalistes, adeptes du marché et de ses « vertus », nombre de décideurs américains sont convaincus que les monopoles sont à combattre. Depuis juin 2019, le Congrès américain se penche sur la libre concurrence dans le monde du numérique. Pour Google, il sera impossible d’échapper à une sanction. Amende (ou transaction négociée) ou démantèlement ? Premiers éléments de réponse à l’automne prochain.