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Une visite aussi embarrassante que provocatrice

par Kharroubi Habib

La visite que va effectuer en Algérie le sulfureux prince héritier et homme fort de la monarchie Mohamed Ben Salmane embarrasse sans aucun doute les autorités du pays. Non pas parce qu'elles répugnent à accueillir un homme dont l'implication quasi avérée dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi l'a rendu infréquentable, mais en raison que sa venue provoque dans l'opinion nationale une déferlante d'indignation qui pourrait donner lieu à des démonstrations d'opposition populaire à sa visite tout autant qu'au pouvoir en place qui l'a acceptée.

Il est vrai qu'à moins de provoquer une grave crise diplomatique entre l'Algérie et la pétromonarchie saoudienne, les autorités du pays ne pouvaient qu'accepter de recevoir l'encombrant personnage qui jusqu'à preuve du contraire est toujours aux commandes à Ryad. Les considérations diplomatiques qu'elles ont prises en compte pour donner leur accord à son inconvenante visite ne rendent pas pour autant celle-ci admissible pour la majorité des Algériens. Bien avant même que n'éclate l'affaire Khashoggi et n'éclabousse de manière indélébile la famille régnante saoudienne, les Algériens n'ont jamais fait mystère de leur aversion à l'endroit de cette dernière et la manifestent sans se préoccuper de ses incidences sur les relations étatiques algéro-saoudiennes.

A beaucoup d'Algériens, il apparaît que les autorités de leur pays font montre d'une coupable faiblesse à l'endroit d'une monarchie dont l'attitude à l'égard de l'Algérie est celle de l'hostilité assumée allant jusqu'à avoir tenté de provoquer sa désintégration en tant que nation en soutenant et voire même en suscitant les extrémismes qui visent au même but. Ce n'est pas ce que cette monarchie fait contre la Syrie et le Yémen, ni le soutien constant qu'elle accorde au Maroc voisin dans ses différends avec l'Algérie qui peuvent rendre compréhensible pour le citoyen lambda le fait que les autorités de son pays persistent à entretenir avec elle la fiction de relations « fraternelles » et à dérouler le tapis rouge à ses émirs dont l'algérophobie se manifeste ouvertement et a parfois donné lieu à des prises de position de leur part qui reflètent leur détermination à nuire à l'Algérie, coupable selon eux de refuser de plier devant le leadership du monde arabo-musulman dont leur monarchie s'arroge l'inacceptable droit.

Dans le contexte politique algérien bouillonnant en raison de problèmes endogènes qui valent au pouvoir d'être la cible d'une contestation grandissante, la venue de l'encombrant et révulsant prince héritier saoudien risque d'avoir l'effet d'une étincelle qui allumerait le feu dans un terreau dont les autorités semblent sous-estimer qu'il soit propice à l'embrasement.