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Le Panama, c'est où déjà ?

par Moncef Wafi

L'enquête sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux menée par le International consortium of investigative journalists (ICIJ) a encore débusqué un compatriote, condamné déjà par la justice algérienne dans une autre affaire. Si depuis avril 2016, date des premières révélations de la presse internationale, le monde a pris conscience de l'étendue de l'évasion fiscale, des pays ont adopté de nouvelles dispositions relatives à ce phénomène, à l'image de Taïwan, alors que la Nouvelle-Zélande a annoncé une nouvelle législation.

En Mongolie, et suite aux révélations des «Panama papers» indiquant que d'anciens et actuels représentants de l'Etat détenaient des sociétés extraterritoriales, le Parlement avait discuté un projet de loi permettant d'éventuelles poursuites pénales des responsables politiques et fonctionnaires qui ne déclarent pas leurs intérêts financiers à l'étranger. Son homologue panaméen a adopté, quant à lui, des lois pour durcir les obligations comptables des sociétés extraterritoriales et autoriser le pays à partager des informations fiscales avec d'autres Etats. Même chose pour le Liban afin d'éviter son inscription sur une liste noire internationale dans le monde post-«Panama papers».

Le ministre des Finances irlandais a cité l'enquête en proposant un nouveau projet de loi pénale pour lutter contre l'évasion fiscale. Son homologue allemand a présenté, lui, un projet de loi qui durcirait les sanctions contre l'évasion fiscale et imposerait la déclaration des relations d'affaires de citoyens allemands avec des sociétés-écrans. De par le monde, des milliers de contribuables ont été visés par des enquêtes et l'ICIJ de citer plus de 6.500 particuliers et entreprises concernés. Entre démissions et désintérêt a été la réaction des hauts responsables mis en cause dans ces révélations. Si Poutine les a qualifiées d'«attaque aux fausses informations» contre la Russie, le Premier ministre islandais, Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, a été forcé à démissionner, en moins de 48 heures, par les foules en colère et la pression politique.

José Manuel Soria, le ministre espagnol de l'Industrie, de l'Energie et du Tourisme, a tenu cinq jours avant de quitter son poste à son tour. Mihran Poghosyan, haut responsable arménien chargé de la justice et de l'application des lois, a démissionné après avoir rejeté dans un premier temps les révélations selon lesquelles il détenait des parts de trois sociétés créées par Mossack Fonseca. D'autres dirigeants de société ont fait de même.

En Algérie, aucune réaction ni début d'enquête encore moins d'auto-saisine de la justice. Rien, si ce n'est la plainte du président de la République contre Le Monde qui avait illustré son papier sur notre ministre de l'Industrie, cité dans le scandale, par la photo de Bouteflika. Un silence incompréhensible du département de la Justice devant la publication d'autres noms et des détails sur leurs comptes offshore ont poussé les Algériens à se désintéresser de l'histoire. Le pays a fait comme s'il n'était pas concerné par ces affaires alors que la lutte contre la fraude fiscale figure parmi les priorités nationales. A ne rien comprendre !