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L'INDICE DIESEL

par M. Saadoune

Les chiffres de ce qu'un confrère a appelé la «pathologie de l'automobile» en Algérie sont effrayants. On importe aujourd'hui en automobiles - et en pièces détachées et carburants - presque autant que toutes les importations en 2002. L'explosion de l'automobile marque davantage cette décennie que l'entrée du mobile durant la même période. L'estimation de 10 milliards pour l'automobile en 2013 ne tient pas compte des coûts indirects en raison de l'impact sur l'environnement.

En Algérie, la décision de l'Organisation mondiale de la santé de classer les gaz d'échappement des moteurs diesel parmi les cancérogènes probables pour l'homme a été peu médiatisée. Les Algériens qui achètent de plus en plus en diesel devraient pourtant être informés que, selon l'OMS, il y a suffisamment de preuves pour dire que l'exposition au gaz d'échappement des moteurs diesel crée un risque accru d'un cancer du poumon. Dans un pays qui peine à prendre en charge les cancéreux, on aurait pu s'attendre à ce que le ministère de la Santé fasse son travail d'alerte. En direction des Algériens, bien entendu, mais également en direction du gouvernement qui paraît peu soucieux d'as»sumer son rôle de régulateur. La suppression du crédit à la consommation a été un exemple éclatant des «mesures» sans effet.

Les Algériens qui ont des économies, inutilisables dans l'immobilier, ou qui ont eu des «rappels» d'augmentation de salaires, se sont dispensés du crédit bancaire pour acheter des voitures. Et les concessionnaires se sont adaptés au faux blocage. Pourtant, la mesure de bon sens aurait consisté à augmenter le prix du gasoil pour le rendre moins attractif pour les automobilistes. Quitte à apporter une aide directe à certaines professions. Mais ne rien faire est une mauvaise option et c'est elle qui semble être de mise depuis des années. La domination des constructeurs français sur le marché algérien a automatiquement créé une orientation vers le diesel, le «tropisme» fonctionnant aussi dans ce domaine.

Mais en France la perspective d'une fiscalisation plus forte du diesel en 2015 a déjà pour effet de réorienter le marché. On enregistre déjà en 2013 - et alors que le changement de fiscalité n'est pas encore intervenu - un recul de la part du diesel de l'ordre de 20%. A l'inverse, les immatriculations de voitures essence croissent. Le débat ouvert sur la nocivité du diesel a déjà porté ses fruits. Ce débat n'existe pas en Algérie. Les autorités ont renoncé depuis le début des années 2000 à essayer d'augmenter le prix du gasoil en raison des oppositions répétées des députés. Le gaspillage est énorme. Et on importe du gasoil pour faire marcher des voitures importées et les pathologies qui vont avec. Pourtant, réorienter le marché est une des fonctions élémentaires des pouvoirs publics.

Au lieu de prendre des mesures sans effet, comme l'arrêt du crédit à la consommation, l'augmentation du prix du gasoil pourrait s'inscrire dans une démarche rationnelle et globale. S'il n'est pas question d'interdire l'importation de voitures - on imagine la levée de boucliers -, rien n'empêche les pouvoirs publics algériens d'imposer que toutes les voitures neuves qui rentrent en Algérie soient, préalablement, équipées d'un kit GPL. Histoire de favoriser un carburant produit localement et peu polluant. Mais, bien entendu, il faudra que l'intendance suive et que les automobilistes puissent trouver ce carburant à toutes les stations-service. Et que le prix du gasoil cesse d'être bas. La pathologie de l'automobile est, elle aussi, un signe d'un grave défaut de gouvernance.