Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Obama ou l'éloquence du velléitaire

par Akram Belkaid: Paris

C'était il y a un an à peine. S'adressant à la tribune des Nations unies, Barack Obama avait déclaré que le monde était «prêt à un accord qui conduira à la création d'un nouvel Etat palestinien, l'année prochaine». Comme tant d'autres de ses interventions, ce discours avait été marqué par la puissance du verbe. Douze mois plus tard, le même homme s'est de nouveau exprimé sur le sujet, avec éloquence mais pour exprimer son refus de la reconnaissance officielle d'un Etat palestinien par l'Onu, qualifiant cette démarche de «raccourci illusoire ». Dans la foulée, le locataire de la Maison Blanche a fait porter aux seuls Palestiniens la responsabilité de l'échec d'un pseudo-processus de paix qui, en réalité, ne sert qu'à permettre à Israël de gagner du temps et à engranger les faits accomplis ou, selon une autre expression, à multiplier les «facteurs d'irrévocabilité » en ce qui concerne notamment le maintien et l'expansion des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

En novembre 2008, nous avons été des millions à travers le monde à nous réjouir de l'élection du premier président afro-américain de l'histoire des Etats-Unis. «Le changement est arrivé », avions-nous répété en reprenant le slogan de sa campagne lequel faisait allusion à un vieux chant des descendants d'esclaves. Bien sûr, nous n'étions pas naïfs quant à sa marge de manœuvre. Le président de l'Amérique n'est pas un magicien et ses pouvoirs sont limités à dessein, les Pères fondateurs du pays ayant eu en tête de ne jamais le soumettre à une nouvelle tyrannie après celles des rois anglais. Il n'empêche, après huit années de présidence bushienne, il était temps qu'un peu d'air frais nous parvienne de Washington.

Aujourd'hui, l'échec d'Obama est patent. Rien n'a vraiment changé dans la situation des Etats-Unis ni même dans leur manière d'appréhender le monde. Bien sûr, nous avons eu de beaux discours comme celui du Caire au printemps 2009. Citons aussi celui du 14 février 2011 à Washington, le jour même de la chute de Hosni Moubarak. Là aussi, ce furent des propos à la fois aériens et inspirés, profonds et émouvants. Mais il s'agissait de mots et rien d'autre. Et soudain, reviennent en mémoire les mises en garde de l'écrivain Cornel West (lequel a tout de même fini par se rallier à sa candidature). Obama ? Trop bavard, pas assez courageux, trop velléitaire, trop soucieux de plaire aux puissants, avait ainsi jugé cet activiste et critique impitoyable des inégalités raciales aux Etats-Unis.

Obama parle, fait des discours, emprunte des accents messianiques quand il s'agit de revigorer ses troupes mais, finalement, il n'agit guère. Et cela ne concerne pas que les pauvres Palestiniens. Ainsi, le camp de Guantanamo, «une honte pour l'Amérique » de l'aveu même de Colin Powell, l'ancien chef de la diplomatie américaine sous Bush, fonctionne-t-il encore et sa fermeture ne semble plus être à l'ordre du jour. A la Maison Blanche et au Capitole, les lobbyistes de tous poils ont leurs entrées alors que le candidat Obama avait promis de les chasser ou, du moins, de limiter leur pouvoir. De même, les gens de Wall Street font-ils encore la loi, empêchant les Etats-Unis de remettre au goût du jour des législations imaginées par l'administration Roosevelt, dans sa lutte contre la Grande Dépression. Même l'assurance-maladie s'avère être finalement un fiasco pour le président américain, son texte initial ayant été détricoté au fur et à mesure de ses compromis passés avec le camp républicain.

Et c'est là qu'apparaît ce qui est peut-être la grande faiblesse d'Obama. D'aucuns disent qu'il est faible, incapable de prendre la moindre initiative risquée et, qu'en somme, il manquerait de courage à la différence d'un Clinton toujours partant pour croiser le fer avec ses ennemis. Il y a sûrement de cela mais on peut aussi penser qu'il y a une autre raison. Obama, de par ses origines et le complexe identitaire qui l'a longtemps tourmenté (comme lorsqu'il se faisait appeler Barry), est dévoré par l'obsession de plaire. A force de vouloir être apprécié, y compris par ses adversaires politiques, il en oublie ce pour quoi il a été élu. C'est d'ailleurs un comportement très fréquent chez les représentants de ce que l'on appelle les minorités visibles. C'est le cas en France à l'image des fameux «beurgeois » qui, pour reprendre une expression bien algérienne, n'en finissent plus de «s'excuser de demander pardon » et qui n'ont qu'une seule envie : prouver qu'ils sont sages, raisonnables et donc dignes de confiance.

Le discours prononcé en fin de semaine dernière par Obama devant les Nations unies est, en cela, un bel exemple. Ce n'est pas aux chefs d'Etats et de gouvernements présents qu'il s'adressait ni même à Benyamin Netanyahu flanqué de son raciste de ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman. En réalité, Obama devançait les exigences d'un Congrès américain dominé par les républicains et nettement en faveur d'Israël. En faisant cela, le président étasunien a feint au passage d'oublier que le gouvernement israélien lui a infligé moult humiliations comme lorsqu'il a annoncé le lancement de nouveaux chantiers de colonisation alors même que le vice-président Joe Biden était en visite officielle en Israël.

S'aligner sur la position de ses adversaires pour se les concilier et surtout, pour éviter l'humiliation d'une défaite électorale au Congrès : mais quelle stratégie de gagne-petit ! Quelle preuve d'impuissance aussi. On peut penser qu'Obama est désormais entièrement tourné vers l'échéance électorale de novembre 2012. Le problème pour lui, c'est que toutes ses concessions et tous ses reniements ne risquent guère de lui servir. En effet, il y a de fortes chances pour qu'il ne soit pas réélu comme l'a si bien compris la pléthore de candidats aux primaires républicaines. Battu après avoir tant parlé mais si peu osé : la belle légende d'Obama, risque fort de se terminer en triste déroute.