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AUSSI LIBRES QU'EVO MORALES OU LULA DA SILVA

par K. Selim

Saeb Aerakat, le chef des «négociateurs» de l'Autorité palestinienne, a, semble-t-il, fait une étrange découverte : les Palestiniens négocient depuis près de vingt ans et sont aujourd'hui «pris au piège d'un processus qui, pour l'instant, n'a rien changé à l'occupation». Cette découverte est intervenue après une résolution de la Chambre des représentants américains condamnant «toute tentative pour établir ou chercher la reconnaissance d'un Etat palestinien en dehors d'un accord négocié».

 Saeb Aerekat a-t-il été surpris du vote de la Chambre des représentants américains ? Il ferait encore une fois preuve d'une naïveté incompatible avec son rôle de négociateur. Il devrait plutôt constater qu'il a suffi que quelques Etats latino-américains décident de reconnaître sans attendre un Etat israélien pour que les politiciens américains lancent leurs tirs de barrage.

 Avant la Chambre des représentants, l'administration de Barack Obama - lequel s'est déchargé définitivement du dossier sur la très Aipac Hillary Clinton - a critiqué la décision du Brésil et de l'Argentine de reconnaître un Etat palestinien à l'intérieur des frontières de 1967. La Bolivie de Morales vient de les rejoindre. Ces reconnaissances ne vont pas changer la donne mais elles montrent que même dans les pays lointains, on est exaspéré par l'expansionnisme des Israéliens et la couverture que toutes les administrations américaines lui apportent. Pour masquer sa reddition définitive, Barack Obama, soutenu par l'Europe, a multiplié les déclarations soporifiques sur sa volonté d'aboutir à une solution à deux Etats.

 Au vu de ce qui se passe, M. Aerekat va devoir encore courir derrière des chimères pendant vingt autres années. Le temps apparemment pour Israël de décréter, avec l'aval des Américains, qu'il n'y a plus de place pour un Etat palestinien. Les Palestiniens, qu'ils soient du Fatah ou non, le savent très bien. Ils doivent sortir de ce que Saeb Aerekat a fini par reconnaître comme étant un «piège».

 Ont-ils le courage, eux qui sont «installés» dans la négociation, de se remettre en cause? Israël et les Américains parient que les responsables de l'Autorité palestinienne et ceux qui en profitent plus ou moins n'auront pas le courage de le faire. Et qu'il n'y aura ni dissolution de l'Autorité palestinienne, ni arrêt de la coopération sécuritaire avec Israël contre les résistants. C'est bien cela l'enjeu.

 L'Autorité palestinienne, si méprisée à Washington et à Tel-Aviv, est un outil utile pour créer de la fiction. Sa disparition y mettrait fin. On peut parier que les Américains et les Européens utiliseront tous les moyens de persuasion et de chantage pour que cette Autorité continue dans cette comédie.

 Il ne fait guère de doute que les responsables de l'Autorité palestinienne n'auront pas la capacité de s'extirper de ce piège sans un sursaut des Etats arabes. Les pays latino-américains viennent ? d'où la colère des responsables américains ? de fixer la ligne minimale : l'Etat palestinien dans les frontières de 1967. C'est, officiellement du moins, la ligne des Etats de la Ligue arabe.

 Mais il ne suffit pas de lancer un «plan de paix» et de dormir sur ses lauriers. Ces Etats doivent s'émanciper des agendas américains. Ils peuvent simplement signifier qu'ils ne participeront jamais à assiéger l'Iran et encore moins à lui faire la guerre. L'Iran peut devenir un atout pour les Palestiniens. Ils doivent très clairement signifier à l'administration américaine et au monde qu'ils n'encourageront pas le maintien d'une Autorité palestinienne fictive pour faire accroire au mensonge de la négociation. Ce sera un début. Les responsables palestiniens, qui se sentent «pris au piège», pourront trouver une issue dans ce début de fermeté.

 Mais pour y parvenir, les responsables des Etats de la Ligue arabe doivent devenir aussi libres qu'Evo Morales ou Lula da Silva.