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mesure que la situation se tend dans les rues de Téhéran, et surtout dans les
allées du pouvoir, l'accusation de manipulations étrangères se fait entendre de
plus en plus distinctement. Des dignitaires du régime, du président élu Mahmoud
Ahmadinejad au leader du Parlement Ali Laridjani, ont relayé les propos de
l'ayatollah Khamenei qui avait évoqué, vendredi dernier, la volonté de certains
pays de promouvoir une révolution «de velours» en Iran sur le modèle géorgien.
La théorie de la «main de l'étranger» peut agacer ou faire sourire, mais dans un pays comme l'Iran, elle évoque des souvenirs douloureux. De l'intronisation du premier Shah Pahlavi en avril 1926, soutenu par les Britanniques, à la déposition de Mossadegh en 1953 lors de l'opération Ajax menée par la CIA, les interférences et interventions de puissances étrangères font partie de l'histoire de ce grand pays. Dans son discours du Caire, le président Obama avait d'ailleurs reconnu le rôle de son pays lors de l'éviction du Premier ministre nationaliste. Pour autant, expliquer les troubles qui ont suivi la réélection du président Ahmadinejad par les «ingérences étrangères» ne convainc guère. En effet, une partie non négligeable, à tous égards, de la population iranienne ne se reconnaît pas dans le régime incarné par le vainqueur du scrutin. La République Islamique impose un carcan de plus en plus difficile à supporter par des élites cultivées, lassées des pratiques inquisitoriales d'une théocratie recroquevillée sur ses dogmes et ses archaïsmes. Les jeunes manifestants qui protestent avec véhémence dans les rues iraniennes ne sont pas des agents stipendiés de l'impérialisme britannique ou américain. Il s'agit, pour leur écrasante majorité, d'hommes et de femmes sincères, amoureux de leur pays et jaloux de sa souveraineté. Mais ces manifestants, et les contre-manifestants de fait qui participaient à la grande prière du vendredi, sont loin d'être les seuls acteurs d'une pièce qui se joue essentiellement au sommet des appareils. La hiérarchie des ayatollahs est divisée en factions luttant avec férocité pour le pouvoir. Les opposants au Guide de la révolution, menés par l'ayatollah Hachemi Rafsandjani, sont passés à l'offensive car ils estiment que la toute-puissance du duo Khamenei-Ahmadinejad serait fatale à leurs intérêts politiques et économiques. Il va de soi que dans un tel contexte d'affrontement, les limites inhérentes à la nature de l'Etat favorisent naturellement les ingérences étrangères. Cette ingérence est encouragée par l'incapacité d'un régime à dépasser sa propre base et à intégrer politiquement les franges principales de l'élite politique. En d'autres termes, l'efficacité de la «main étrangère» est directement liée à l'inefficacité des structures politiques dirigeantes. La facilité avec laquelle les révolutions «de velours», financées et organisées par des services spécialisés de puissances étrangères, ont pu triompher en Ukraine ou en Géorgie, en dit plus long sur la déliquescence des régimes renversés que sur la maestria supposée des déstabilisateurs de l'ombre. Il faudrait être bien naïf pour rejeter d'un revers de main les jeux de puissances en Iran et ailleurs. Il faudrait être encore plus naïf pour prendre pour argent comptant la théorie de «la main de l'étranger» en tant qu'explication principale de la situation iranienne. |
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