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BENI SNOUS: Le village aux 1.000 martyrs

par K. B.

A l'entrée de Khémis, dans la commune de Beni Snous (40 kilomètres de Tlemcen), se dresse une majestueuse falaise dolomitique de l'Azrou Oufernane qui domine le village, et des oliviers sur lesquels flottent des fumées légères qui indiquent la présence du village, au pied d'arides et sauvages montagnes. Au fond de cette vallée calme et moins stressante, la belle nature vaut beaucoup plus cher qu'une vie dans un centre-ville pollué et bruyant, qui grouille de monde, de véhicules et scooters. Sur la route qui monte au village, le visiteur peut admirer un élégant minaret tout blanc et des rochers quadrangulaires alignés comme les escaliers d'un amphithéâtre, où des figuiers de Barbarie font figure de spectateurs le long des collines. C'est au printemps que le visiteur peut contempler les arbres en fleurs qui éclatent de blancheur dans la verdure tendre des figuiers et dans le jeune feuillage encore doré des grenadiers.

Comme à Beni Hammou, Ouled Moussa, Beni Achir, Ouled Arbi et Mazzer, cette agglomération a été construite sur le bord des précipices ou sur des pentes très fortes de rochers. En préambule, il faut savoir que Khémis est un village berbère, avec ses toits en terrasse, ses ruelles tortueuses qu'il faut visiter, comme il faut à travers les jardins descendre à l'oued où les femmes, non voilées, vont puiser leur provision d'eau qu'elles remontent dans une jarre posée sur leurs reins. Les Beni Snous forment un petit îlot berbérophone de l'Ouest algérien, où la fête de l'Yennayer (nouvel an berbère) est toujours célébrée le 12 janvier par la population Beni Snous. Les Beni Snoussi sont les derniers Amazighen à fêter le carnaval Ayred consistant à se déguiser et passer de porte en porte pour réclamer des friandises et autres délicieux gâteaux confectionnés pour l'occasion. Le pain aux œufs ou tadjaout est aussi cuit ce jour. Cette contrée a fourni de nombreux savants et rois berbères à Tlemcen sous la dynastie des Zianides. Le plus connu est l'un des plus grands savants théologiens, à savoir Essanoussi. Khémis abrite les ruines de nombreux sites archéologiques d'anciennes civilisations berbères, romaines et musulmanes.

Pour ceux qui connaissent Khémis, l'on ne peut pas visiter ce village agréable sans déguster une tasse de café ou du thé au café historique dénommé aujourd'hui « Café de la Paix ». Selon le propriétaire de ce café : « C'est l'un des plus anciens cafés traditionnels de la région. Il a été ouvert en 1941 par mon père. C'était le Merkez par excellence des moudjahidine dans la région de Beni Snous où étaient stationnées les troupes françaises depuis plus d'un siècle. L'activité des djounoud dans ce café était très importante. Elle allait de la collecte de l'argent jusqu'aux exécutions des traites et des usurpateurs français. Ce lieu historique a vu défiler plusieurs personnalités historiques de la révolution algérienne : Si El Houcine Gadiri, qui nouait des relations avec Larbi Ben M'hidi et Abdelhafid Boussof et Abdelaziz Bouteflika. Il participait aux derniers préparatifs du 1er Novembre 1954. Juste après son élection en 1999, le président de la République l'a honoré du « Wissam El Athir », une décoration posthume pour un compagnon d'armes. Le chahid Métaiche Abdelkader dit commandant Djaber qui activait dès son jeune âge dans la région de Tlemcen avec Affane, Kaou Mohamed et Si El Houcine Gadiri.

Né en 1928 à Ouled Moussa dans la commune de Beni Snous, ce secrétaire particulier du colonel Lotfi est décédé le 13 février 1958 lors d'un accrochage à Oum Laalou dans la région d'Aïn Fezza. Le cmdt Guezzane Affane Djilali, Mekami Mohamed, Kaou Mohamed et les martyrs Dennouni, Gadiri, Datou Saïd, Baouche, Settaouti, Chouari, Koudjati, Bachaoui, Djaziri, Diss, Mekkaoui?, transitaient également par ce café. Beni Snous a beaucoup donné à la révolution. On parle de plus de 1.000 chahids qui ont offert leur vie pour la liberté, laissant mères, épouses et enfants dans le désarroi. Parmi les plus importantes batailles menées par la population contre l'armée coloniale, l'on peut citer celles de «Diar Louh», « Bouabdousse», «Bouhmama» et «Taga». Après 1962, ce café historique a accueilli Houari Boumediene, Ahmed Ben Bella, Abdelhak Benhamouda, Abdelaziz Belkhadem, Khalida Toumi et tant d'autres responsables et personnalités, qui préféraient tous siroter une tasse de café ou de thé lors de leur passage par ce glorieux village.