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Les maux du président? les mauvais flatteurs

par El Yazid Dib

«Nos prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense. C'est notre crédulité qui fait toute leur science»Voltaire

La campagne n'a pas débuté en ce 23 mars. Elle s'est allongée depuis l'origine des élections. Contre les bilans l'on oppose les discours. En face des réalisations l'on invente les défiances et l'on tente de rendre les lacunes en promesses. Les gens ne voient plus rien venir à l'exception de cette angoisse sociale qui fore les destinées diversifiées du pays. L'on n'ose pas se dire toutes les vérités. L'allusion dans les propos officiels est devenue une charade obligeant chacun a y résoudre l'énigme contenue. Rien n'est plus clair. Tant la mélancolie ait pu faire beaucoup de chemin dans le désert des cœurs souffrants, qu'il n'existe plus d'ambitions à vivre mieux. Le bonheur aussi aurait été rendu otage du système. Cette campagne qui à son commencement ne semble pas avoir emballé des gens hors circuit ; s'est intégralement focalisée uniquement sur le président sortant et candidat à sa propre succession. Son malheur n'est pas sa maladie. Sa maladie est le clan de ses mauvais laudateurs. A lui seul, avec son punch résolu, ses tirades capiteuses il aurait gagné cette ultime manche qui ne se répétera plus. Trahi en fin de parcours par une biologie vis-à-vis de laquelle le système n'en possède nulle potion miraculeuse, il aurait au summum de sa verve parfaitement escamoter les couacs commis par les cercles secondaires pivotant à son alentour. Ce sont ceux qui l'enclosent notamment à des entourages plus éloignés du noyau dur qui lui causent les pires dégâts. L'on imagine mal un véreux, un prétentieux, un passe-partout agir en son nom. Rien qu'à voir dans les staffs dédiés à la promotion de sa candidature, des visages honnis, grincheux et malveillants ; le malaise ne va qu'en rongeant son icône. Ces mauvaises langues, ces recalés de la profonde société ne fonctionnent qu'au tube digestif. Ils ont prouvé ce besoin goulu et insatisfait d'être toujours partants sans coup férir. J'ai vu dans l'une de ces permanences des gens sans genre, des députés, des élus mal-en-point y venir juste par présence au crépuscule d'une journée chômée et payée. Ils étaient là, sans oser placarder de leurs mains le moindre portrait du candidat, laissant cette tache à des jeunes chômeurs payés à l'affiche. Juste, un émargement par présence de corps. Que font-ils ainsi de leur militantisme ? Se prévaloir, costumes métallisés et cravates bigarrées d'être des appuis, ils ne se laissent que s'affaler sur les fauteuils d'une permanence pleine à craquer. Sont-ils des partisans par cartes ou par conviction de programme ? Ces gens là n'ajoutent pas de valeur au président, meuvent la haine et se lubrifient les mains en les frottant dans l'attente d'un retour d'ascenseur pensent-ils. Dans l'une des wilayate, important bassin électoral ; la guerre sur le leadership de la direction de campagne battait son plein dans les remous du choix de chef local. Les eternels candidats à toutes les élections, les habitués sans vergogne des bureaux de vote et les quémandeurs de postes étaient à l'affut d'une nomination qui allait leur ouvrir une autre fois les portes, croient-ils des arcanes du pouvoir, ne serait-ce qu'au niveau local. Il ne leur a pas suffit déjà les postes électifs qu'ils occupent insidieusement pour qu'ils se lancent tous azimuts vers les directions de campagne.

Si dans certaines wilayate, consensus y est autour du récipiendaire, ailleurs aussi la grogne est de mise et de taille. Que vient faire un architecte mal-agencé, un docteur déjeté de surcroit sans ancrage populaire dans une escouade censée drainer une mase populaire ? Alors qu'il existe dans ces permanences des gens manifestes par leur engagement sans prix ni nul compte de ristourne. Convaincus ou semblant l'être, ils se dépensent avec abnégation à vouloir faire triompher l'idéal qu'ils tracent dans le profil de leur élu candidat.

 Une campagne n'est pas l'exclusivité de magnats ou de débiteurs bancaires. Comme une élection n'est pas le fait d'un discours opportunément cousu plus qu'elle n'est une croyance à un léger mieux. L'argent distribué aux cinq autres candidats est vite mis sous le tapis. L'on n'en parle pas en public. Celui destiné au sixième devient un trophée public auquel il ne manquerait qu'un reçu en guise de militance à exhiber après le 18, prévoyant des remerciements gracieux et tout ce qui en découle. A quelques jours de son entame et c'est l'un qui rentre dans l'autre. Pensez-vous qu'il devait s'agir d'un débat inter-programme où le chiffre ou le ratio aurait à l'emporter sur le jurement et le vœu ? Le meilleur programme électoral serait celui qui allait tracer des actions à même de faire revenir dans le comportement quotidien la civilité d'antan. Le passage piéton n'est plus un droit pour le marcheur, ni une priorité d'accès même par-devant un feu vert. La conduite est une inconduite et incivilité. La chaussée est devenue un trottoir et celui-ci un étal permanent. Le sol que l'on doit embrasser pour le chérir davantage, on y crache dessus. Le vieux ; le retraité, le sénile, l'impotent que l'on doit respecter, on le chipe. Fini ce temps où l'on partait en famille au cinéma, au théâtre et au stade. Les vendredis ne sont plus ces journées endimanchées et les fêtes de familles sont sorties des maisons et se déroulent dans un raï, loin de soi et dans les salles closes.

La famille n'est plus un lien sanguin ou consanguin qu'une extension de réseau amical et d'un répertoire téléphonique précaire et intéressant. Ainsi un ami est plus proche qu'un frère. Une épouse qu'une mère. Quel est donc ce candidat apte à extirper pour la faire renaitre ; une culture naturelle, une politesse disparue et dont le peu qui en reste est grièvement débridé ? Ce n'est pas par la perfusion d'une économie éternellement alitée ou par la motivation pseudo moderniste que l'on devait restituer l'espoir. On peut avoir à portée de main un engin informatique sans oublier les rudimentaires de la louha coranique ou les taches d'encre d'un porte-plume. Le pays est manque d'amabilité et de ressourcement citoyens. Quel ce candidat capable de régénérer l'essence vitale d'une nation ayant perdu l'ensemble de ses repères ? La ville a bouffé le village et le village a envahi la société. Plus rien ne différencie la générosité rurale de l'indifférence urbaine. Tout se confond et s'entremêle. Un immeuble poisseux dans une cité gluante et figée, s'il n'est pas un dortoir il est au moins un mouroir. La conciergerie et ses services passent pour être un reliquat colonial et l'ascenseur un faste auquel la populace n'a pas encore droit d'y goûter. Nos enfants ne sont pas nos identiques. Le livre, la bande dessinée, le bouquinage et la boulimie lectorale sont férocement supplantés par la tablette en jeux de tuerie et de méchante rivalité. Nos jeux à nous étaient didactiques, les leurs sont médiatiques. Une progéniture wifi d'une génération wafa. La sincérité quant à elle, s'est abstenue de faire résurgence. Car elle ne se reconnait plus dans le talent ni dans la distinction. Elle est cette denrée rare, qui hagarde, se mesure à la petitesse des gens qui encore la gardent vaillamment à leurs dépens. Le mensonge s'est érigé en une norme de gestion même dans les décisions des gestionnaires. Et c'est à l'hypocrisie d'édifier à son honneur des stèles où la volte-face rapide, le retournement de veste, la négation de son être sont loués comme des positions stratégiques. Des gens pourvus uniquement d'une audace seront les premiers à servir et se servir de la rente et se feront obligeamment élire parmi le cénacle présumé guider le devenir. Ne pas mentir, ne pas rater ses rendez-vous, tenir sa parole, avoir de « l'hommerie », avoir le sens du partage et plusieurs autres qualités décédées se doivent de s'extraire de cet anonymat étouffant laissant place à une société d'insensibilité et de d'individualités. Dans quel programme allons-nous donc trouver cette renaissance de la bonne manière et de l'éducation nationale?

Toutes les valeurs liées à l'effort et au mérite ont été anéanties par la compromission et l'esbroufe. Alors que l'argent s'accumule par la force de travail, chez certains il se ramasse par subventions. Les partis politiques et leur personnel ingèrent aussi la charité de la soupe populaire. Ils piochent juste pour une figuration ou un jeu de rôle précaire et révocable dans la cagnotte collective en veillant bien à assumer la mission dévolue. Duper, faire semblant et surtout apparaitre. Alors qu'à chaque occurrence jugée vitale pour le maintien voire la survie d'une approche systémique, le système floue l'image des gouverneurs et amadoue l'entièreté de la société. Parler de reformes, d'avenir et de constitution n'est-ce pas là encore une feinte savamment exécutée depuis le recouvrement de l'indépendance ? Si l'on en riposte par enthousiasme et foi c'est que l'on est pris au piège. Cette constitution que va-t-elle apporter de nouveau, si elle ne consacre pas définitivement la présence d'un contre-pouvoir fort et puissant à même de garantir l'équilibre des pouvoirs ? L'espoir est cependant à garder pour la génération postérieure dont l'éveil conscientiel devra un jour sonner le glas et qui saura lutter encore pour une meilleure visibilité des choses.

Parmi les maux du président subsiste également cet aréopage qui profitant de la promiscuité présidentielle s'essaye à démolir les derniers remparts d'une certaine bienveillance. Ici, sur cette terre, dans ces années de cafouillage et de perpétuelle suspicion, lorsque l'on ne peut toucher la cible, on tâtonne dans son environnement. C'est comme pour abattre un bâtiment, l'on commence par excaver d'abord son périmètre, étendre par la suite la sape et espérer impatiemment l'effondrement instinctif de l'édifice visé. Une destruction silencieuse opérée à distance par des démolisseurs professionnels. Le but étant de conduire une bataille par personnes et soutiens interposés et au nom d'une société?civile. Alors, que vient-elle faire là, dans cette confiture pensionnaire, intime, égocentrique, calculatrice et licencieuse cette société civilement nationale ? Le mérite de ces messieurs implantés un peu partout dans le décor du président et agissant à son ombre serait de bien vouloir d'abord de crédibiliser leurs êtres et ensuite s'atteler à restituer la confiance perdue. Rassurer le citoyen de leurs bonnes intentions est impossible, sauf s'ils regagnent leurs tanières respectives, laissant le soin aux bons soins citoyens. Car sur terrain l'on voit des gens peu ou prou aimer Bouteflika mais détester à mourir ceux qui prétendent le défendre. L'effet de boule de neige risque d'emporter dans ses sillons la magnanimité pour laquelle les impénitents engoués travaillent assidûment. Cet énième mandat a mis à nu le sentiment national envers ces dirigeants et leurs périphériques flibustiers.

 Le phénomène du Bouteflikisme a réussi la prouesse indéniable, par ses auteurs de pouvoir ménager pouvoir et opposition. Dans le pouvoir il fait cohabiter des pédagogies contradictoires. Un Ouyahia « impopulaire » n'est pas une copie conforme à un Belkhadem populiste ou à un Sellal indéfini.

 Il réussit également dans le centre de l'opposition à faire asseoir côte à côte, deux extrêmes dans un front utilitaire de boycott : Belhadj et Said Sadi. Rien ne les prédestinait à être ainsi homogènes si ce n'est cette alliance? déraisonnable dans l'union pour le bonheur du tout sauf « lui ». Arranger un destin entre deux contradictions n'est pas de pure coïncidence. C'est de la manie quasi prophétique. Dans l'autre aspect des choses, au sein même de l'équipe dirigeante de la campagne, il y a beaucoup de contredits. Saidani, malhabile et souffleur hardi est-il pour autant une authentique réplique idéologique d'un Ghoul à la matrice bien fondamentaliste et à l'opposé de l'origine rebelle d'un Benyounes apprivoisé ? Qu'auraient-ils à apporter de plus à un Bouteflika, certes affaibli et sans nulle obligation d'assistance de tels personnage versatiles ? Il est, avec ses 15 années d'exercice un bilan de l'histoire contemporaine du pays. Ses tares et ses vertus sont seules à infirmer ou certifier son travail. Il n'a pas besoin d'étourdis et de captieux pour lui hisser sa notoriété ou l'enjoliver en cas de flétrissure.

Ce sont ceux qui sont aux alentours de son chevet qui récusent de croire à un peuple qui aimerait encore ou du moins a aimé son président. Ils veulent forcer un amour parfois dénié du fait d'autrui ou remis en cause suite à un forçage rétrocessionnel mal convenu. L'amour est inaliénable et inconvertible, il ne se rétrocède pas.