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France : Manuel Valls nommé 1er ministre, lundi prochain ?

par Pierre Morville

François Hollande aurait donc, après l'échec du Parti socialiste aux récentes élections municipales, décidé d'effectuer un remaniement du gouvernement en confiant Matignon à l'actuel ministre de l'Intérieur.

D'après nos informations, François Hollande a décidé de précipiter le remaniement ministériel dés le lendemain du second tour des élections municipales. Le 1er tour fut nettement un échec pour le Parti socialiste : l'ensemble des forces de gauche (Parti socialiste, les écologistes, les divers gauche) représentaient 43% de l'électorat ; l'extrême gauche ; la droite traditionnelle (UMP et les centristes de l'UDI ont rassemblé, 48% de l'électorat, le Front national fait une percée en recueillant 7% en n'ayant présenté des candidats que de 600 communes, les villes plus importants des 36 000 communes existant en France. La formation de Marine Le Pen remportait même dès le 1er tour la ville de Hénin-Beaumont dans le Nord, ville ouvrière et depuis décennies aux mains de la gauche.

Le PS espérait masquer sa défaite prévisible en conservant Paris et Lyon et en remportant la mairie de Marseille. Si Lyon et Paris devraient être tenues sauf surprise, les forces de gauche n'arrivent qu'en 3ème position à Marseille derrière l'UMP et le vieux maire Gaudin, et derrière le Front national !

Après cette poussée de la droite et l'extrême-droite, l'inquiétude du gouvernement s'est encore accrue lorsque fut connu le chiffre de l'abstention avec un record pour les élections municipales (où traditionnellement la participation est forte), s'élevant à 38,7%, et ce, sans compter les nombreux citoyens qui ne sont pas inscrits sur les listes municipales.

Vote-sanction des électeurs français

Le pourcentage d'abstention est encore plus important dans les couches populaires et chez les jeunes. Par tous ces éclairages, le 1er tour des élections municipales est clairement un vote-sanction sur au moins deux dossiers qui constituent les principales préoccupations des Français : le chômage et le revenu.

Manque de chance pour les candidats socialistes, l'annonce des chiffres du chômage pour le mois de février devraient être connus ce matin. Gageons qu'ils ne réduiront pas le score actuel qui est 3,3 millions de demandeurs d'emplois, en croissance constante depuis 36 mois, tout comme le nombre des bénéficiaires du RSA (+7% en un an), revenu minimum versé à ceux qui n'en n'ont aucun : ils sont aujourd'hui 2,2 millions d'allocataires pour un versement de 500 euros par mois. Une somme qui au moins en Ile-de-France permet de vous loger ou de vous nourrir mais difficilement les deux à la fois.

L'électorat populaire mais également aujourd'hui de vastes secteurs des classes moyennes vivent dans une inquiétude grandissante. Les Français surtout ne croient plus aux promesses du candidat ou du Président Hollande : l'inversion de la courbe du chômage, la lutte contre les excès du capitalisme financier, la limitation des «licenciements boursiers», le sauvetage de secteurs et entreprises industrielles menacées.

Les électeurs constatent que leurs impôts ont beaucoup augmenté depuis un an (+ 10% en moyenne), au nom de la rigueur budgétaire et de la réduction des déficits publics, mais ils remarquent également que l'Etat va verser 30 milliards d'euros de subventions aux entreprises sans que les contreparties en matière de création d'emplois soient clairement définies.

Ce vaste plan triennal, ou Pacte de Responsabilité, de relance par l'offre, défendu en fin d'année par François Hollande peut peut-être fonctionner. Avec un inconvénient majeur et un très grand risque. L'inconvénient, c'est que ces effets éventuellement positifs seront très progressifs : une relance de la croissance encore à prouver, n'aurait que des effets à moyen terme sur une amélioration de l'emploi et passe de toute manière par une rigueur salariale maintenue voire amplifiée.

Le risque ? Le Pacte ne peut rigoureusement pas fonctionner si la France et l'Union européenne se trouvent en situation de déflation (croissance et inflation nulle ou négative). Pourtant nombre d'économistes de toutes écoles ou courants estiment que c'est la situation que nous affrontons depuis quelques mois. Situation où la rigueur budgétaire entraîne la décroissance qui elle-même accroit les déficits budgétaires?

Dans le vote-sanction avec la montée des abstentions ou la croissance de votes protestataires ou extrémistes, il existe un second facteur d'explication qui est en réalité plus inquiétant que les exaspérations devant les effets de la dégradation de la conjoncture économique. A cette élection, les citoyens français ont manifesté également une méfiance et au-delà d'une réprobation de l'actuelle politique gouvernementale, défiance vis-à-vis des partis politique, de leurs élus, tous bords confondus, de l'organisation de la vie politique et du débat citoyen lui-même. Le sentiment d'être gouvernés par des élites lointaines qui ne comprennent pas les conditions de vie réelles des Français de base prévaut un peu partout, les innombrables «affaires» dont celles qui touchent particulièrement l'ancien président Sarkozy dégradent la climat politique en général «C'est un cocktail de colère, d'exaspération, de désillusion et de très fort sentiment d'abandon» note le politologue Dominique Reynié (cité par le Parisien»).

Valls, nouvel «homme fort» ?

Hier, dans le huis clos du Conseil des ministres, sans doute le dernier avant le remaniement, le chef de l'Etat a jugé, avant le second tour dimanche prochain, que le gouvernement devait «entendre les Français». Pour lui, la «leçon» à tirer du scrutin est de «travailler au redressement du pays avec plus de force, plus de cohérence et plus de justice sociale». Quelques «mesures sociales» seraient à l'étude d'autant que le pacte de responsabilité, une baisse annoncée du coût du travail présentée comme un tournant du quinquennat, sera ainsi présenté dans les toutes prochaines semaines au Parlement et à l'opinion, tout comme le contenu des 50 milliards d'euros d'économies dans la dépense publique d'ici 2017.

François Hollande avait initialement plutôt programmé ce changement d'équipe après les élections européennes en 2015. Les Français majoritairement dans les sondages, ne croient plus ni aux effets bénéfiques de l'Union européenne, ni aux avantages de l'Euro : la future élection des parlementaires européens risque donc bien de cumuler une abstention massive aux votes protestataires de tout poil.

Mais l'ampleur de la claque électorale du 1er tour des municipales a obligé le président de la République française à hâter le pas. Quatre ou cinq candidats pouvaient se présenter à lui comme d'éventuels successeurs de Jean-Marc Ayrault : Laurent Fabius, actuellement ministre des Affaires étrangères et ancien Premier ministre avait pour lui l'expérience, Michel Sapin, un proche de François Hollande, est un tacticien qui a le sens du compromis. Martine Aubry, certainement réélue à Lille et Ségolène Royal, ancienne candidate PS à la présidentielle, sont toutes deux des candidates naturelles au poste de Premier ministre mais leur relation avec le Président seraient «conflictuelles».

Reste Manuel Valls, l'actuel ministre de l'Intérieur. Il est « jeune », actif, volontaire. Manuel Carlos Valls, né le 13 août 1962 à Barcelone (Espagne), est titulaire d'une licence d'histoire et ministre de l'Intérieur depuis le 16 mai 2012. Auparavant maire d'Évry de 2001 à2012 et député de la première circonscription de l'Essonne de 2002 à 2012, il fut candidat à la primaire socialiste d'octobre 2011, puis directeur de la communication du candidat socialiste François Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012.

Comme ministre de l'Intérieur, il s'est signalé par de fortes déclarations contre la délinquance mais qui n'ont pas eu d'effets statistiques probants ou sur l'immigration clandestine, notamment très excessives sur la population Rom (tzigane) qui ont d'ailleurs choqué la gauche du Parti socialiste.

Il est d'ailleurs classé à l'«aile droite» du Parti socialiste et il s'inscrit volontairement dans la culture et la démarche de la social-démocratie allemande et scandinave. Lui-même s'est, par le passé, défini comme «blairiste» ou «clintonien. Tony Blair et Bill Clinton n'incarnent pas vraiment le discours socialiste voir même le discours social-démocrate.

Il prône une ligne politique «économiquement réaliste» et dénué de «démagogie». Il se distingue notamment de nombre de ses camarades du PS sur la responsabilité individuelle («Le nouvel espoir que doit porter la gauche, c'est celui de l'autoréalisation individuelle : permettre à chacun de devenir ce qu'il est») ou le «refus de l'assistanat». S'estimant «réformiste plutôt que révolutionnaire», il souhaite «concilier la gauche avec la pensée libérale». (Wikipedia).

Une bonne réponse aux attentes populaires ?

Voire. Certes le ministre de l'Intérieur peut rassurer des inquiétudes et contrecarrer des discours de droite et d'extrême droite sur certains dossiers sécuritaires. Mais il s'est avéré lors des primaires socialistes, encore plus libéral que le fut le candidat Hollande. Et même le Président Hollande. Or, la situation économique internationale et encore plus la situation européenne interpelle vivement tous les discours du libéralisme financier, de la rigueur budgétaire à tous prix, et même interroge éventuellement sur le poids excessif du discours de Mme Merckel quant aux décisions européennes, trop libérales, trop contradictoires avec une recherche nécessaire d'une relance européenne, critiquables sur le plan de la gestion de notre monnaie commune, l'Euro.

Les marges de manœuvre économiques, sociales et politiques due l'éventuel premier ministre Valls seront aussi faibles que celles de son prédécesseur et la perspective des élections européennes peu réjouissantes pour lui.

Dans tous les cas de figure, le calendrier imposé à Matignon sera difficile mais il faut reconnaitre que l'homme est habile, très politique et très déterminé.

D'après nos informations, sa nomination comme Premier ministre interviendra lundi. Indice éventuellement complémentaire de cette annonce rapprochée : Mehdi Jornaa, le chef du gouvernement tunisien devait se rendre le même jour à Paris pour une visite officielle. Celle-ci a été annulée mardi dernier.