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L'armée en charge de la transition: L'avenir de l'Egypte entre ses mains

par Salem Ferdi

L'Egypte s'est réveillée, hier, pour un nouveau départ après avoir contraint Hosni Moubarak à jeter l'éponge. Dix-huit longs jours de manifestations pour balayer trente ans de pouvoir après avoir poussé le régime à se décomposer. Les Egyptiens en révolte n'ont pas laissé à Moubarak la possibilité de sauver la face en terminant son mandat. Un long bras de fer où l'endurance des Egyptiens et leur volonté de balayer le symbole du régime a fini par l'emporter sur l'entêtement de Moubarak qui a pu compter, jusqu'au bout, sur la loyauté de l'armée. Celle-ci a néanmoins évité de recourir à la répression, ce qui lui a permis d'être aujourd'hui un recours accepté par les Egyptiens. Après une nuit d'allégresse, les Egyptiens qui ont conquis la liberté doivent maintenant songer à organiser l'avenir. Le conseil militaire qui dirige désormais le pays et qui est dirigé par le ministre de la Défense, Mohamed Hussein Tantaoui, s'est engagé dans la transition. Il a annoncé qu'il allait détailler les mesures à prendre pour la phase de transition politique et a rendu un hommage appuyé à Hosni Moubarak pour les services rendus au pays et pour avoir pris cette décision dans l'intérêt de la nation. Sans doute, un signal que l'armée ne permettra pas que des poursuites soient engagées contre lui. L'armée a promis une transition pacifique vers un «pouvoir civil élu» et a indiqué qu'elle respecterait les traités régionaux et internationaux. Le message était attendu de l'étranger. Il est d'ailleurs normal qu'un pouvoir de transition ne se mêle pas de chambouler les engagements internationaux de l'Egypte. Même le mouvement de contestation s'est abstenu, intelligemment, de mettre sur le tapis ces questions sensibles mais cela viendra immanquablement à mesure que la démocratie s'enracine. Pour l'heure, l'urgence est de rassurer. C'est ce qu'a fait le Conseil suprême militaire en soulignant que l'Egypte est toujours liée aux traités régionaux et internationaux signés par le passé.» La République arabe d'Egypte restera engagée envers tous ses traités régionaux et internationaux», selon le quatrième communiqué de l'armée en 48 heures. Les Etats-Unis avaient appelé les autorités égyptiennes à confirmer leur engagement à respecter les accords de paix avec Israël conclus en 1979, après la démission de M. Moubarak. «Il est important que le prochain gouvernement en Egypte reconnaisse les accords qui ont été signés avec Israël», déclarait le porte-parole de la présidence américaine, Robert Gibbs. L'armée a maintenu le gouvernement en place pour expédier les affaires courantes.

Une constituante

Le mouvement du 25 Janvier a des exigences connues: levée immédiate de l'état d'urgence, libération des détenus politiques, abrogation de la constitution, dissolution des assemblées élues, création d'un conseil présidentiel transitoire comprenant un militaire et 4 personnalités civiles qui ne peuvent être candidats à la présidentielle. Parmi les exigences figure la constitution d'un gouvernement à partir de compétences nationales indépendantes qui serait chargé de préparer des élections dans un délai maximal de 9 mois. Et surtout l'élection d'une constituante pour élaborer une constitution démocratique. Dans les rangs de dirigeants de l'opposition, les choses se clarifient un peu. Après les Frères musulmans qui ont déjà indiqué qu'ils n'auront pas de candidat à la présidentielle, c'est au tour de Mohamed ElBaradei d'en faire de même. L'ancien patron de l'AIEA a déclaré, après l'annonce du départ de Moubarak, «c'est le plus beau jour de ma vie. Le pays a été libéré. La vie recommence pour nous». Les Frères musulmans ont salué «l'armée qui a tenu ses promesses» et le «combat» des Egyptiens. L'informaticien Waël Ghonim, devenu une icône du soulèvement en Égypte, écrit sur son compte Twitter: «Félicitations à l'Égypte, le criminel a quitté le palais». Au niveau international, le départ de Moubarak est salué par ses amis. Obama a estimé que «l'Égypte ne (serait) plus jamais la même» et a demandé à l'armée d'assurer «une transition démocratique crédible aux yeux du peuple égyptien». Les Egyptiens sont libres. Il leur reste à organiser cette liberté et à se doter des institutions qui éviteront tout retour à l'autoritarisme et à l'autocratie.