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Un coup pour rien

par Kharroubi Habib

Hier à Alger ou ailleurs dans le pays, il n'y a pas eu de «remake» de l'évènement qui, le 25 janvier place Ettahrir, a donné le coup d'envoi à la révolution ayant provoqué le départ de Hosni Moubarak et la chute de son régime dictatorial et corrompu. Dans la capitale, le millier de manifestants de la place de la Concorde (ex-1er Mai) ayant répondu à l'appel de l'opposition fédérée dans la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), a été littéralement submergé et empêché de marcher par un dispositif sécuritaire nettement supérieur en nombre et déterminé à faire avorter leur démonstration.

 Encore moins nombreux, les manifestants à Oran se sont contentés de faire dans le symbolique, étouffés qu'ils ont été par le «bleu» des policiers et le renfort de contre-manifestants rameutés par les structures locales des partis de l'Alliance présidentielle

 Au vu de ce qui s'est passé hier, faut-il conclure à l'échec du mouvement de contestation organisé sous l'égide de la CNCD? Assurément oui, au constat de l'inconsistance de l'écho populaire qu'a eu l'appel de cette coordination, composée par plusieurs partis d'opposition et d'organisations sociales.

 L'on ne peut en effet cacher le fait que malgré l'adhésion qu'ils expriment aux revendications que la CNCD a voulu faire entendre au pouvoir, les citoyens n'ont pas été nombreux à répondre à son appel à manifester. Il faut chercher d'autres explications à leur comportement que la seule peur de se confronter à l'appareil répressif du pouvoir.

 S'il est vrai, ainsi que l'a analysé Saïd Sadi, l'une des figures de proue de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie, que «les conditions nationales, régionales et internationales sont réunies en même temps pour envisager le changement et la démocratie», il reste que les Algériens font peu confiance à certaines personnalités et sigles partisans qui surfent présentement sur leur colère et leur mécontentement pour tenter de susciter la révolte populaire contre le pouvoir.

 Il est clair que la majorité des Algériens veut le changement du système actuel. Pour autant, ils sont aussi nombreux à se défier de l'opposition politique telle qu'elle se décline actuellement sur l'échiquier. Ce qui ne veut pas dire pour autant que les citoyens vont rester encore longtemps à la marge et dans l'expectative du débat sur ce changement que cette opposition a tout de même le mérite d'avoir ouvert par ses initiatives.

 Le pouvoir a tort de considérer leur retenue actuelle à l'égard de ces initiatives comme exprimant le soutien dont il bénéficierait au sein de la population. Pour peu que l'opposition ait le courage de se remettre en cause, d'en finir avec les querelles de chapelles et de descendre au contact des citoyens, pas uniquement par voie de déclarations et d'analyses, alors oui effectivement elle pourra capitaliser dans son combat politique le rejet du système et du pouvoir auquel est acquise la majorité des citoyens. A défaut, le peuple choisira de lui-même le moment et la méthode pour se faire entendre. Ce qui a été le cas en Tunisie puis en Egypte.

 En attendant, le pouvoir dispose d'une fenêtre qu'il peut mettre à profit pour engager et mener à son rythme le changement que veut le peuple et que l'opposition revendique avec de plus en plus d'audience. A-t-il cette intelligence politique que lui dénient ses détracteurs ? Là est toutes la question.