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Lors de son dernier passage à Alger, Nabil el-Arabi, le secrétaire
général de la Ligue arabe, a indiqué que sa visite s'inscrivait dans le cadre
de la préparation du sommet arabe à Charm el-Cheikh. Il a également souligné
l'importance de ce sommet au regard de la nature des menaces auxquelles est
confronté le monde arabe, ajoutant que tous les Etats arabes y prendront part.
Cette information n'a pourtant pas fait les manchettes de nos journaux et pour cause, le citoyen lambda ne croit plus en l'utilité de la Ligue arabe ! Il en est de même de certains pays qui la composent qui pensent vraiment que cette dernière ne sert à rien. On le savait depuis quelques temps, mais le fait a pris encore plus d'évidence ; il est devenu flagrant après la énième agression israélienne contre Ghaza. Des sommets organisés, par exemple, entre 1946 et 2011, 12 ont été consacrés «exclusivement» à la Palestine mais n'ont apporté aucun impact significatif à la cause. Un diplomate israélien avait, d'ailleurs, pris l'habitude de dire : «les Arabes ne ratent jamais l'occasion de manquer une occasion !». Les Palestiniens, eux, l'ont bien compris et n'ont compté que sur leur action propre et le soutien de nombreux amis, comme l'Algérie, pour faire des pas de géant dans leur lutte. La reconnaissance de l'OLP fait partie, justement, des acquis obtenus grâce au soutien de notre pays ; elle a été arrachée à Alger lors d'un sommet riche en émotions. En participant toutefois à cette 26ème session du sommet de la Ligue arabe, la direction palestinienne savait que sa cause ne représentait plus la première priorité pour le monde arabe. Les problèmes au Yémen, la guerre civile en Syrie et en Lybie, l'ont banalisée voire même éclipsée ! Malgré cela, le président palestinien s'est rangé aux côtés de l'Arabie saoudite? pour pouvoir bénéficier de son soutien financier. Sale temps pour les révolutionnaires ! Aujourd'hui la Ligue arabe, dominée pendant plusieurs décennies par l'Egypte, entame à présent le cycle du règne saoudien, alors que d'autres pays comme le nôtre avaient largement l'opportunité de peser dans les rapports de force internes à l'organisation. Les pays du Golfe qui dominent cette institution, ne cachent plus leur volonté de la transformer en instrument des pays occidentaux ; pour preuve, les 500 millions $, promis par les monarchies du Golfe lors du dernier sommet ne sont jamais rentrés dans les caisses du Trésor palestinien, véto d'Israël oblige. Pour sauver leur trône et leur dynastie, les pétromonarchies sont capables de nouer les plus improbables alliances, y compris avec l'Etat sioniste, qui profiterait de l'occasion, en volant à leur secours pour être reconnu au final, par elles, en tant qu'Etat et puissance régionale prépondérante, face à l'ennemi « chiite ». Au Yémen justement, l'Arabie saoudite et les 10 coalisés arabes mènent une sale guerre. Déjà, hier, leur porte-parole reprenait à son compte les arguments israéliens sur les bavures contre les civils : pour lui, les « houtis » se cachent parmi les populations et les armées arabes sont obligées de répondre aux tirs ennemis, a-t-il affirmé. Sunnites contre chiites, une guerre religieuse à l'intérieur d'une même religion ! Une guerre par procuration, en fait, entre la République islamique d'Iran et la monarchie saoudienne, sur terrain neutre yéménite. Les Américains, bien entendu, laissent faire dès lors que cela sert leur projet de recomposition du grand Moyen-Orient. Où se situe l'Algérie dans ce nouveau suicide géostratégique qui a cours au Yémen ? Alger, déjà, n'a pas engagé ses soldats dans la « Tempête de fermeté », primo en vertu du principe que « l'ANP ne combat pas à l'extérieur de ses frontières » et deuzio, « notre pays privilégie la voie de la solution pacifique pour le règlement de tout conflit ». Ramtane Lamamra, notre ministre des Affaires étrangères l'a rappelé à Charm el-Cheikh en ajoutant : « notre pays pourrait toutefois apporter un soutien logistique au-delà de ses frontières, sans pour autant impliquer ses troupes armées ». Un « bémol » qui a laissé perplexe plus d'un ! Dans ce conflit, faut-il le dire, il n'y a pas de bon ou mauvais axe. Soutenir l'un, c'est être l'ennemi de l'autre. Et vice versa ! Les salafistes, par exemple, se rangent derrière leur maître à penser et appuient l'offensive militaire arabe considérant les chiites comme leur principal ennemi dans la région avant même Israël ; en revanche, les Frères musulmans sont assis entre deux chaises : soutenant l'offensive arabe et, partant, soutiennent également le président Al Sissi ! Chez nous, les salafistes brillent par leur silence, mais au « MSP », le secrétaire national des Affaires politiques et économiques, Farouk Tifour, prétend que sa formation« soutient l'offensive qui contribuera selon lui à restaurer la légalité au Yémen ». La position de l'Algérie gêne plus d'un, et son activisme, grâce à sa diplomatie retrouvée, est à l'œuvre au sein de la Ligue arabe. En peine perdue disent les uns, car aujourd'hui de nombreuses voix s'élèvent pour dire, haut et fort, qu'il faut quitter la Ligue arabe incapable d'intervenir en Lybie où elle entretient le chaos ou en Syrie où elle soutient, franchement, la rébellion ! Le ministre Ahmed-Taleb Ibrahimi, ancien chef de la diplomatie algérienne était de cet avis ; il estimait dans des propos repris par un journal en ligne, « que la Ligue arabe ne sert absolument à rien et qu'il est temps de tirer un trait ; les Arabes, a-t-il dit, sont tombés dans le piège du sectarisme ; on parle maintenant de sunnite, chiïte et autres ». L'ancien ministre a souhaité, par ailleurs, que « les dirigeants égyptiens dont le pays abrite la Ligue, fassent preuve de hauteur et dépassent leurs crispations politiques et idéologiques et ouvrent les points de passage pour les Ghazaouis ». L'Egypte, faut-il le dire, a « phagocyté » cette instance régionale qui est à la solde des pays du Golfe et de leurs « alliés » occidentaux. Si l'on excepte l'intermède du Tunisien Chadli Klibi qui avait assuré le secrétariat général de la Ligue arabe pendant la durée où le siège avait été transféré à Tunis suite à ce qui a été considéré comme « trahison » de l'Egypte (Accords de Camp David ), cette organisation a toujours été entre ses mains. Il faut aussi rappeler la levée de boucliers de la part des Egyptiens et des autres membres influents, lors du sommet de la Ligue arabe d'Alger, quand il a été question de réformer l'instance en mars 2005, ou plus encore de proposer au perchoir une candidature algérienne ! Et les charges contre la Ligue arabe n'ont pas cessées pour autant ! Le quotidien gouvernemental libyen Al-Chams, par exemple, a rigoureusement dénoncé à la veille de l'ouverture du sommet de la Ligue arabe au Qatar, « la division entre l'Orient et le Maghreb arabe ». L'article observe que « les pays de l'Orient arabe sont des membres essentiels alors que les pays du Maghreb arabe sont des membres invités, uniquement, pour atteindre le quorum et remplir les formalités de la réunion et de la charte de l'Organisation ». Al-Chams a appelé « les Arabes de l'Afrique du Nord à couper ce lien imaginaire et cette illusion avec l'Orient arabe et à s'attacher au groupe des 5+5 (regroupant les cinq pays riverains de la méditerranée d'Europe et d'Afrique) ; les intérêts au sein de ce groupe, écrit le journal de Tripoli, sont plus clairs, plus concrets, plus transparents et plus solides que les promesses falsifiées de l'Orient arabe et ses engagements qui ne se réalisent pas ». Après Taleb Ibrahimi, c'est Louisa Hanoune qui a donné de la voix lors d'un meeting tenu à Oran pour dire que « l'Algérie ne tirerait aucun honneur à rester dans la Ligue arabe qui a autorisé la livraison d'armes à l'opposition armée syrienne ». La question mérite d'être posée, selon certains observateurs de la vie politique qui estiment qu'il est temps pour notre diplomatie de changer de braquet pour travailler d'une part à l'émergence d'un Maghreb « uni » beaucoup plus profitable, tant culturellement qu'économiquement, et d'autre part relever le niveau de coopération avec tous les pays frontaliers dont notre pays participe à la stabilisation et au développement comment l'attestent les nombreux chefs d'Etat en visite à Alger. Il est certes vrai que ce qui unit les Etats arabes est bien plus important que ce qui les divise. Ils sont, en effet, unis par la force de l'histoire et de la civilisation, géographiquement, et se complètent, naturellement, grâce aux ressources humaines et naturelles considérables qu'ils recèlent ; leur unité est également scellée par la communauté de foi, de langage et de culture, et aussi par les liens de sang, de fraternité et de destin partagé. La complémentarité est, certes, là. Mais peut-on parler d'union tant il est vrai que chaque pays arabe est bien plus dépendant et tributaire de sa sous-région géographique que son appartenance à une communauté religieuse et culturelle ? Et puis, culturellement, et en dehors de la langue arabe classique, quel lien pourrait-il exister entre des arabo-amazighs maghrébins et des arabes-bédouins de la Péninsule ? Peut-on dire, réellement, que l'arabe est un ciment, sachant que pas un seul Arabe ne parle l'arabe classique dans la vie quotidienne, chacun ayant développé son dialecte, différent d'un pays à l'autre et d'une région d'un même pays à une autre ? L'unité arabe, depuis le temps qu'on en parle est, très certainement, une nécessité stratégique, mais toutes les nécessités stratégiques ne sont pas, nécessairement, réalisables, a fortiori quand elles sont « dictées » par les Occidentaux qui, en sous mains, tirent les ficelles de la Ligue arabe, en imposant, par exemple, leurs vues concernant la Syrie, allant jusqu'à « octroyer » son siège « aux opposants », ou plus encore, en fermant les yeux sur l'occupation par le Maroc de la République arabe sahraouie et de l'exploitation de ses richesses indûment. Ce qui se passe au Yémen n'est pas officiellement une guerre, disent les Saoudiens ; il s'agit de rétablir l'ordre dans la seule « république » de la péninsule arabique. Officiellement aussi, ce n'est pas une agression étrangère puisque « l'aide » saoudienne a été sollicitée par le président yéménite en fuite. Seulement, il faut avoir à l'esprit qu'entre la maison « Saoud » et le Yémen, le contentieux est lourd et compliqué. Sur son lit de mort, Abdelaziz Ibn Saoud, le défunt roi a livré son testament : « le bonheur du royaume réside dans le malheur du Yémen ! ». A Charm el-Cheikh, les pays arabes se mordent la queue : ils se font la guerre, sans pitié et, en même temps, ils se concertent comme s'ils n'en faisaient qu'un ! Les coalisés arabes n'ont reçu aucun mandat de la Ligue arabe et le 26ème sommet de la Ligue arabe convoqué dans la station balnéaire égyptienne ne sert, en définitive, qu'à entretenir l'illusion d'une unité arabe... qui ne trompe personne ! |
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