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L'« attaque baissière du baril de pétrole 2014-2015 » : Une stratégie de haute voltige des États-Unis dans une volonté de revanche sur l'Histoire ?

par Medjdoub Hamed *

Dans un média algérien (1), on lit : «La crise se rapproche à mesure que la conjoncture se gâte encore davantage. Une situation qui rappelle celle de 1986, lorsqu'il y a eu le précédent choc pétrolier qui a conduit l'Algérie, quelques années plus tard, à se mettre sous les ordres du Fonds monétaire international (FMI). Alors que le pays subit une perte de 15 milliards de dollars sur ses réserves de changes en une année seulement, voire moins, (194 milliards à fin 2013 à 179 milliards à fin décembre), quand bien même le choc pétrolier ne s'est déclaré qu'à la mi-juin de l'exercice écoulé, l'Algérie risque une seconde perte sèche de la même ampleur en 2015, de l'avis même des experts du FMI qui ont séjourné fin décembre à Alger [?] Fortement influencée par la baisse des cours du pétrole et la hausse des importations, la balance commerciale retrouve le déficit. Du jamais vu depuis 1998.»

Toujours dans ce même quotidien (2) : «La baisse des prix du pétrole fait craindre le pire aux économies dont les ressources dépendent fortement des revenus de la ressource fossile.

Elle génère aussi des polémiques symptomatiques des « guerres » de positions qui séparent aujourd'hui les pays producteurs, qu'ils soient membres de l'OPEP ou à l'extérieur du cartel.

Il y a quelques semaines, c'était l'Arabie saoudite et les monarchies pétrolières du Golfe qui étaient désignées du doigt et rendues responsables de la déprime des cours en raison de leur refus de baisser leur niveau de production. Aujourd'hui, c'est Riyad qui contre-attaque et juge à mots voilés que les responsables de la déprime actuelle des cours énergétiques ce sont les pays non membres de l'OPEP. Selon le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïmi, dont les propos ont été rapportés hier lundi par l'agence officielle SPA, c'est aux pays producteurs non membres de l'OPEP de coopérer pour relancer les prix du brut. Les pays membres du cartel, avertit-il, refusent d'assumer seuls la responsabilité de la baisse des cours. « Nous refusons d'assumer seuls la responsabilité, car l'OPEP n'assure que 30% de l'offre sur le marché, les 70% (restants) étant hors-OPEP ». [?] « Aujourd'hui, la situation est difficile. Nous avons essayé, nous les avons rencontrés, mais nous n'avons pas réussi, car ils ont insisté pour que l'OPEP prenne la responsabilité toute seule», reproche-t-il aux pays non-OPEP. «Tout le monde doit contribuer si nous voulons améliorer les prix, car c'est dans l'intérêt de tous», lance-t-il dans un appel qu'il s'empresse d'accompagner aussitôt de la précision selon laquelle Riyad, comme les autres pays producteurs du Golfe, n'est pas disposé à serrer les vannes et que l'Arabie saoudite «est même en mesure d'approvisionner n'importe quel nouveau client en brut.»

1. POURQUOI L'ARABIE SAOUDITE N'A PAS D'ALTERNATIVE QUE D'AUGMENTER SA PRODUCTION PETROLIERE ? QU'IL N'Y A PAS D'ACCORD AVEC LES AMERICAINS

Ceci est révélateur qu'il y a quelque chose d'incompréhensible dans ce retournement pétrolier qui n'était pas attendu. Le choc pétrolier surprend à plus d'un titre. Le monde ne comprend pas cette chute rapide des cours du pétrole. Depuis son haut à 116 dollars en juin 2014, le prix du Brent crude oil (pétrole brut de la mer du Nord) a fortement reculé.

Le 16 mars 2015, le baril WTI est tombé à son plus bas niveau depuis six ans, à 42,85 dollars, tandis que celui du Brent ne valait que 53,38 dollars. En huit mois, les prix du pétrole ont baissé de plus de 50%, depuis leur sommet en juin 2014.

Pourquoi cette cacophonie entre les pays de l'OPEP et non-OPEP ? Il est évident que c'est dans leur intérêt de s'entendre pour baisser la production pétrolière afin d'«améliorer les prix», comme le demande le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïmi. Mais le ministre peut-il être écouté quand les pays occidentaux producteurs, ne considérant que les plus grands tels les États-Unis, le Canada, le Mexique, la Norvège, le Royaume-Unis et l'Australie comptent pour environ 20% de la production mondiale du pétrole. Et ces pays ne font rien pour que les prix remontent.

Faut-il attendre que la Russie qui dépend du pétrole, ou la Chine qui, au contraire, profite de la baisse des cours qui se traduit par un mieux pour sa balance commerciale, ou les 25 pays producteurs restants sur les 50 que compte le monde et qui produisent chacun moins de 1% de la production mondiale, s'entendent pour qu'un accord entre pays OPEP et non-OPEP voie le jour pour relever les cours ? Il est évident que la situation des pays producteurs est hétérogène, beaucoup sont consommateurs et leurs productions ne leur suffisent pas. Le ministre saoudien a beau haranguer, c'est peine perdue. Il n'y a pas de solution dès lors que les grands pays producteurs sont en désaccord sur cette donne.

Les quatre principaux producteurs Arabie saoudite, Russie, États-Unis et Chine qui pèsent pour 40% de la production mondiale ne pourront jamais s'entendre de par leurs positions antagonistes. Ni les États-Unis ni la Chine ne sont intéressés par une hausse des prix du brut. Les États-Unis « aux motifs géostratégiques dans le monde », la Chine au « motif d'un prix bas et en tant que pays importateur de pétrole net dans le monde ». La Russie, « au motif de sa situation économique et financière difficile eu égard aux sanctions occidentales depuis l'annexion de la Crimée et le soutien militaire aux séparatistes dans la guerre du Dombass (Ukraine) ».

L'Arabie saoudite comme d'ailleurs les pétro-monarchies du Golfe n'ont pas de solution alternative que de procéder comme les autres puissances pétrolières. Pour ces pays, les demandes des pays de l'OPEP de diminuer la production ne sont pas recevables. D'autant plus que « l'Arabie saoudite est aussi confrontée à une situation politique difficile tant sur le plan intérieur qu'extérieur ». Les conflits armés au Moyen-Orient enserrent l'Arabie saoudite et rendent la situation moyen-orientale particulièrement instable.

Ce qui est dangereux elle. Au nord de l'Arabie, le Daesh islamique s'est implanté en Irak et s'est étendu à la Syrie. Au sud, les houthis chiites ont pris Sanaa, la capitale du Yémen, et menacent Aden. A l'est, elle est menacée par l'Iran. A l'ouest, une autre menace, l'Egypte est aux prises avec les islamistes.

Une situation politique extérieure difficile qui exige une stabilité sociale sur le plan intérieur et qui ne peut être permise que par une aisance financière. Ce qui rend donc nécessaire un besoin de royalties pétrolières conséquentes, surtout « à un moment où l'excédent commercial saoudien se contracte de plus en plus et tend à être négatif, obligeant l'Arabie saoudite à puiser dans son stock de réserves de change ».

La seule option qui reste à l'Arabie saoudite est d'augmenter autant que possible sa production puisque, même dans ce cycle baissier du prix du pétrole, les autres pays exportateurs de pétrole se disputent pour attirer des clients potentiels. Ce qui ne fera que baisser encore plus les prix. Sans oublier le pétrole de schiste américain qui a permis aux États-Unis de diminuer fortement leurs importations pétrolières et gazières du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord.

D'autre part, on fait état de plus en plus de l'autosuffisance pétrolière des États-Unis, même qu'ils arriveront à exporter vers l'Asie. Ces allégations sont-elles vraies ? Surtout lorsque l'on sait que la production du pétrole non conventionnel n'est pas rentable à moins de 70 dollars.

Cette surenchère force donc les prix pétroliers à la baisse. Aussi se posent les deux questions essentielles: « Jusqu'à quel prix plancher le pétrole peut-il baisser ? Et combien de temps les cours peuvent-ils demeurer aussi bas ? » Enfin, contrairement à certaines affirmations des médias, l'Arabie saoudite ne pousse pas les prix de pétrole à la baisse sur injonction des Américains pour étouffer l'Iran ou la Russie qui soutient l'Iran. Une baisse des prix de pétrole la rendrait vulnérable surtout en période de troubles et d'instabilité dans une région où les soubresauts risquent de s'étendre aux autres pays épargnés jusqu'à présent.

Une pression américaine ne serait certainement pas acceptée par l'Arabie saoudite. On peut même penser que l'Arabie saoudite ignore probablement les plans américains sur cette donne.

2. LES PAYS DU TIERS-MONDE TRANSFORMES EN «LOCOMOTIVE» POUR L'ECONOMIE MONDIALE A L'INSTAR DE LA PUISSANCE AMERICAINE

L'auteur algérien (1) qui écrit : «La crise se rapproche à mesure que la conjoncture se gâte encore davantage. Une situation qui rappelle celle de 1986, lorsqu'il y a eu le précédent choc pétrolier qui a conduit l'Algérie, quelques années plus tard, à se mettre sous les ordres du Fonds monétaire international (FMI) », a entièrement raison de rappeler le fameux contre-choc pétrolier de 1986. Il y a étrangement une forte similitude entre la situation pétrolière des années 1980 et celle de 2014-2015...

En effet, ce retournement pétrolier soudain depuis l'été 2015 qui a fait baisser en quelques mois le prix du baril de Brent de plus de 110 dollars à environ 50 dollars n'est pas normal et ne relève ni du pétrole de schiste ni d'une quelconque cause matérielle mais plutôt d'une stratégie concoctée par des officines de think tanks et de financiers américains qui décident de l'avenir du monde.

Il faut seulement se rappeler l'analyse précédente (3) où nous avions montré que « les crises monétaires entre les États-Unis et l'Europe de l'Ouest ont constitué une crise à l'échelle planétaire, et que c'est l'implication de l'ancien monde colonisé qui a eu à départager l'Occident, en sauvant la mise de l'économie mondiale ». En effet, l'irruption de ces pays, en augmentant les prix sur le pétrole et, dans le sillage, les autres pays, les matières premières, a eu un effet salvateur sur l'économie mondiale. Les pays du Tiers-monde devenaient une « locomotive, à l'instar de la puissance américaine », puisqu'ils auront influé positivement sur l'« offre mondiale par leur capacité d'absorption ».

Aussi peut-on dire, combien même il y a eu un accord tacite entre les États-Unis et l'Arabie saoudite, en tant que chef de file du cartel pétrolier, l'OPEP, de libeller le pétrole en dollar, il reste que la hausse des prix pétroliers et des matières premières, a permis de corriger les prix de leurs exportations à leur juste valeur. Il y a donc eu avant les krachs pétroliers une spoliation de fait par les prix sur les richesses de ces pays, depuis leur accession à l'indépendance.

De là, on peut déduire que les crises monétaires et pétrolières des années 1970 ont réalisé un double objectif : mettre fin aux spoliations sur les richesses exportées des nouveaux États « en réajustant les prix à leur vraie valeur », et « prolonger globalement la croissance économique mondiale ». Ce changement de donnes a permis de préserver les pays avancés d'une destruction certaine et massive d'emplois, et donc le maintien de dizaines de millions d'Européens et d'Américains dans leurs emplois, comme d'ailleurs pour les pays du Tiers-monde de consolider leurs économies et leurs États

Si toutes les parties ont trouvé leur compte, il reste que cette situation ne pouvait être pérenne. En effet, l'augmentation des prix du pétrole qui s'est accompagnée d'un accroissement considérable de la masse monétaire dans le monde a provoqué une inflation mondiale. Grâce au dollar, monnaie de facturation du pétrole, les États-Unis, en monétisant leurs déficits, ont continué à répercuter leurs déficits sur le reste du monde malgré le refus des pays européens d'absorber les dollars sans contrepartie-or. Précisément, ce sont ces contreparties physiques issues du libellé monétaire du pétrole et de la forte hausse des cours qui ont obligé les Etats européens d'acheter des dollars pour régler leurs importations pétrolières des pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord.

Cependant cette monétisation des déficits américains adossée au pétrole et matières premières ne s'est pas faite sans entraves puisqu'elle s'est accompagnée d'une duplication des bases de crédit par l'Europe et le Japon. Un gonflement des avoirs en devises entraînait une augmentation de la monnaie centrale sans qu'il n'y ait symétriquement, aux États-Unis, de contraction compensatrice de la base monétaire. La seule pondération de la monétisation des déficits provenait des pays étrangers qui mettaient leurs dollars (placements en bons de Trésor) à la disposition de l'économie américaine.

Cette inflation monétaire, qui a eu pour cause une profusion de liquidités dans le monde, a conduit les banques occidentales à recycler les excédents pétroliers -les «pétrodollars»- à grande échelle. Les emprunts à faible taux d'intérêt mais «variable» ont été contractés massivement par les pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine.

Dès 1979, après le second choc pétrolier, les États-Unis inversent leur politique monétaire. La Réserve fédérale américaine serre le « robinet monétaire et augmente le taux d'intérêt à 20% ». Ces mesures scellent la fin de la politique monétaire expansionniste occidentale dans le monde.

Une question se pose « sur ce retournement soudain de la politique monétaire des États-Unis. Pourquoi cette volte-face américaine sur le plan monétaire ? Est-elle dictée uniquement par la lutte de l'inflation ? Ou obéit-elle à d'autres objectifs non déclarés ?

3. UNE POLITIQUE MONETAIRE AGRESSIVE SANS PRECEDENT DES ÉTATS-UNIS QUI A CHANGE LA FACE DU MONDE

Il faut se rappeler que les États-Unis se trouvaient au début des années 1970 dans une situation très inconfortable dans nombre de plans. Sur le plan militaire, ils essuyaient échec après échec. La guerre du Vietnam a été un véritable désastre pour la superpuissance américaine au point qu'est né le mot « syndrome vietnamien » qui a fortement affecté le moral des forces armées incapables de vaincre des forces vietnamiennes, bien plus faibles. Les capacités économiques, technologiques et militaires des États-Unis sont sans commune mesure avec le Vietnam du Nord qui, tout compte fait, est un pays du Tiers-monde. Evidemment, entre un pays qui agresse et un peuple qui défend son intégrité territoriale, culturelle, communautaire, etc., il y a un grand fossé dans la volonté de combattre. Un peuple qui défend son territoire est prêt à tous les sacrifices alors que les forces qui agressent pour le compte des puissances de l'argent ne font que leur métier sans dépasser ce pourquoi elles combattent. L'homme de métier cherche à se préserver, à ne pas mourir contrairement à celui qui cherche à libérer son pays qui est prêt à tout. Et les exemples sont légion, la guerre en Corée en 1953, la guerre d'Algérie en 1954, et récemment la guerre en Irak (2003-2011).

Les motivations sont donc différentes et expliquent la défaite militaire américaine. De plus, la guerre du Vietnam a été accompagnée par des crises monétaires de grande ampleur entre l'Europe et les États-Unis. Les Européens, refusant de financer les déficits américains, ont conduit le président Nixon à mettre fin, le 15 août 1971, à la fin de la convertibilité du dollar en or. Ces crises monétaires entre les États-Unis et l'Europe ont continué jusqu'en 1973. La guerre du « Kippour », en octobre 1973, donna l'occasion aux pays arabes de procéder au quadruplement du prix du pétrole - c'est le premier krach pétrolier- et de décréter un embargo pétrolier contre les États-Unis pour leur soutien à Israël.

Sur ce point, il faut plutôt dire qu'« une mystification a été fomentée par les Américains, faisant croire aux pays arabes -et ces derniers y croyaient réellement- qu'ils imposaient un embargo aux États-Unis », alors qu'en réalité, les pays arabes dans leur conflit avec Israël étaient utilisés par les Américains pour faire monter les prix du pétrole, dans le but évident d'augmenter les cours pétroliers et d'obliger les pays européens récalcitrants d'acheter plus de dollars pour leurs importations pétrolières des pays arabes. Ce faisant, ils finançaient leurs déficits.

La guerre israélo-arabe de 1973 vient aussi imprimer un tournant dans la stratégie américaine. Les États-Unis qui ont été fortement déstabilisés au Vietnam sont de nouveau secoués par cette guerre qui a vu la ligne israélienne de Bar-lev jugée infranchissable emportée en quelques heures par les forces égyptiennes ainsi que les points de défense israéliens. Même s'il y a eu un rétablissement d'un équilibre au sud de l'Egypte grâce au soutien des États-Unis, les stratèges américains savent qu'Israël ne fait plus le poids face aux puissances montantes de la région et qu'il fallait absolument soustraire l'Egypte du front arabe.

C'est ainsi que, pour parer aux conflits qui risquaient de mettre Israël dans une situation difficile, des conflits sont étendus au Liban et dans d'autres contrées comme, par exemple, en Afrique du Nord, le Sahara occidental, pour créer des difficultés aux autres pays arabes dans leur lutte anti-impérialiste.

Enfin, un dernier élément, et celui-ci va s'avérer central dans la stratégie américaine, c'est la «carte islamiste» qui va changer complètement les donnes de la région et déstabiliser l'ensemble des pays musulmans. Comme on le voit aujourd'hui. A cette époque, l'islamisme n'apparaissait pas encore, les mouvements nationalistes révolutionnaires avaient encore prise sur les masses musulmanes. Seules les pétro-monarchies et les États-Unis l'utilisaient comme rempart contre l'Union soviétique, allié des pays musulmans progressistes.

Précisément, devant les échecs de la superpuissance américaine et son recul géostratégique dans le monde, l'Union soviétique avançait ses pions dans la région proche- et moyen-orientale et en Afrique du Nord. Face à cette situation de reflux de leur puissance, les États-Unis feront de l'année 1979 un tournant dans leur stratégie planétaire. « Des menées subversives tous azimuts pour changer le cours des événements accompagnées d'une politique monétaire agressive sans précédent ».

Les États-Unis devaient à tout prix inverser l'équilibre des forces en leur faveur. En plus du détrônement du Shah qui visait de transformer l'Iran en puissance nucléaire et son remplacement par un régime islamiste, du piège tendu à l'URSS dans son entrée en guerre en Afghanistan, et de la guerre fomentée entre deux pays musulmans l'Iran et l'Irak, ils décidèrent qu'« il n'était plus question pour eux de jouer le rôle de « locomotive mondiale ». De là se comprend pourquoi la Réserve fédérale américaine augmenta massivement son taux d'intérêt directeur et serra le robinet monétaire.

Les pays européens se sont trouvés eux aussi pris au piège. Devant la raréfaction des crédits américains, les pays européens ne pouvaient plus dupliquer les crédits américains, le robinet monétaire américain étant fermé. Toute injection monétaire américaine était minutieusement affectée aux besoins stricts de l'économie sans inflation. Quant aux pays européens, ils devaient suivre strictement la politique monétaire américaine. Mais, n'ayant pas le libellé monétaire du pétrole dont seul le dollar a le statut, et ne pouvant diminuer les liquidités, les pays européens ont vu progressivement leurs monnaies se déprécier de plus 100%. La valeur du dollar en franc et en Deutschemark a plus que doublé en 1985 par rapport au cours de 1980. Le dollar est passé en moyenne de 4,03 F en janvier 1980 à 10,11 F pour un dollar en mars 1985. Le Deutschemark est passé de 1,72 DM en janvier 1980 à 3,11 DM pour un dollar en mai 1985.

Cette situation de raréfaction de crédit et de hausse des taux d'intérêt en Occident a fait exploser l'endettement dans le monde. Les pays d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'Asie, tous endettés, se sont trouvés à subir des programmes d'ajustement structurels draconiens sous l'égide du Fonds monétaire international avec une restructuration de leur dette. Des pays exportateurs de pétrole, touchés par le contre-choc pétrolier de 1986, ont vu leurs réserves de change laminées par la crise. Le recours à l'endettement qui a débouché sur une situation de cessation de paiement de la dette les a obligé à leur tour de subir le « traitement de choc » du FMI.

Des conséquences graves ont résulté même pour la superpuissance américaine qui a subi une forte récession entre 1981 et 1983. Le taux de chômage américain a bondi durant cette période de 7% à 11%. Quant au bloc Est et l'URSS, la chute du mur de Berlin en 1989 aura marqué le début de la fin du bloc socialiste de l'Est. L'Union soviétique disparaissait définitivement de la scène mondiale en décembre 1991. A cette date, une page de l'humanité est tournée. On peut dire que « les États-Unis ont eu vraisemblablement leur revanche sur l'Histoire.»

4. QUESTIONNEMENT SUR LE MONDE A VENIR

Après ce rappel d'une époque, qu'en est-il aujourd'hui ? N'a-t-on pas vu comment une politique monétaire agressive des États-Unis a changé la face du monde ? L'Histoire risque-t-elle de se répéter ? Et changer quoi ?

N'assistons-nous pas aujourd'hui à «une attaque baissière du prix du baril de pétrole depuis 2014» ? Les États-Unis ont-ils opté pour «mettre fin à leur rôle de locomotive mondiale» ? et forcément inférer sur les locomotives chinoise et des pays exportateurs de pétrole dans leur rôle de soutenir la croissance mondiale par leur «capacité d'absorption». Une politique dissuasive de croissance dans le monde qui nous mène à penser que de nouveau, une «stratégie de haute voltige», à l'instar des années 1980, est mise en œuvre par les États-Unis. Le même processus est vraisemblablement en train de jouer. L'Irak et l'Afghanistan ont remplacé le Vietnam. Une URSS renaît de ses cendres et a pour nom la Russie. Et surtout la Chine qui est devenue pantagruélique sur le plan économique mondial. Elle rafle une grande partie des marchés mondiaux sur tous les continents, y compris en Occident. Qu'augure-t-elle cette Chine mystérieuse ?

L'islamisme armé se trouve à son summum et s'étend partout là où il y a une odeur de pétrole? ou d'uranium. Et surtout, la théâtralisation macabre de l'islamisme et les menées subversives des groupes armés tant dans le monde arabo-musulman qu'en Occident non seulement déstabilisent les régimes politiques arabes mais rendent une situation mondiale incertaine. La question se pose : «Y aura-t-il de nouveau un chambardement de l'équilibre mondial ? Les Américains ont-ils mesuré le degré d'incertitude et donc de danger dans leurs manœuvres subversives dans le monde arabo-musulman. Pensent-ils changer l'ordre de puissance comme dans les années 1980 en agissant sur la donne pétrolière ?» Tel est le questionnement qui se pose sur le monde à venir.

*Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,Relations internationales et Prospective.

www.sens-du-monde.com

Notes :

1. «Chute des prix du pétrole : L'Algérie, entre le marteau et l'enclume », par Yani T., 24 mars 2015. http://www.reporters.dz/

2. «Pétrole : Riyad accuse les pays non-Opep de déprimer les marchés », par Kahina Sidhoum, 24 mars 2015, http://www.reporters.dz

3. «Le dollar US et les «Forces historiques inattendues». Irruption et nécessité du pétrole, un «catalyseur anti-crise»» (9ème partie), www.sens-du-monde.com, www.lequotidien-oran.com, www.agoravox.fr

4. «L'or, un enjeu mondial. Pourquoi l'Algérie, pour sa sécurité, doit augmenter ses réserves d'or ?» (8ème partie), par Medjdoub Hamed, le 12 mars 2015. www.sens-du-monde.com, www.lequotidien-oran.com, www.agoravox.fr

5. «La question de l'or, presque «insoluble» qui fâche les puissances. Les forces historiques en marche» (7ème partie), par Medjdoub Hamed, le 12 mars 2015. www.sens-du-monde.com, www.agoravox.fr