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Des promesses

par Bouchan Hadj-Chikh

Publiées lundi 30 mars 2015, deux informations. La première nous apprenait que le président de la République M. Abdelaziz Bouteflika « vient de soumettre officiellement l'avant-projet de loi portant révision constitutionnelle, simultanément au Conseil d'Etat et Conseil constitutionnel ».

Source du quotidien « Le Soir » : « proche de la présidence ».

«Les deux institutions donneront leur avis et porteront d'éventuels rectificatifs». « Après cette étape, le texte sera soumis directement à l'approbation du Conseil des ministres, sans passer par le Conseil du gouvernement. Le tout sera couronné par le congrès du Parlement, fin avril ».

La seconde : « Sellal veut des traditions pour le gouvernement ». Etonnant ! « Sauf cas de force majeure, est-il écrit, les réunions hebdomadaires du gouvernement se tiendront désormais invariablement le mercredi et non plus un autre jour. Selon une source sûre, Sellal a motivé cette décision par son souhait d'instaurer une véritable tradition en la matière. C'est ce qui explique d'ailleurs le report de la dernière réunion, qui devait se tenir jeudi dernier, au mercredi 1er avril ».

La seconde information est sans doute la plus importante - la première étant attendue. Il y a, en effet, d'une part, le côté cuisine, où se concocte en comité privé les bases et les piliers de la reconstruction de l'Etat que l'on espère fondés sur les libertés individuelles, la liberté d'associations et de réunions, le principe de contrôle citoyen du cours des choses et, de l'autre, les actions au quotidien du gouvernement incluant, ce qui a semblé manquer le plus, la coordination entre les départements ministériels.

Vastes chantiers. Cinquante trois ans après l'accession à l'indépendance, les tenants du pouvoir jugent, enfin, nécessaire une cohérence dans l'action gouvernementale. Si ces réunions hebdomadaires du gouvernement sont calibrées pour y instaurer un minimum d'échanges, sans langue de bois, ça n'a pas l'air, mais c'est une innovation. Un nouveau style de gouvernance, pour tout dire. Faudra voir. Parce que nous n'avons pas été habitués à de telles « concertations ».

Cela signifierait que l'on sortirait de l'opacité qu'entretiennent ceux qui sont supposés être nos commissaires, pour traduire nos préoccupations en propositions, en solutions. Encore faut-il que la communication accompagne, avec sérieux et compétence, ces réunions. Pour alimenter la presse, les débats qui, jusqu'alors, vont dans tous les sens jusqu'à submerger le citoyen. Les « unes » des organes de presse en témoignent.

Est-ce que cette gestion politique ne nécessitera pas une refonte du gouvernement ? Probablement. Pour plusieurs raisons.

La première est que l'environnement politique mondial a changé. Les risques sur le plan de la sécurité demeurent, certes, mais ne justifient pas pour autant un « one man show » permanent. Bien au contraire. La cohésion entre toutes les composantes de la nation et, partant, leurs « représentants », s'impose. La seconde est la rigueur qui est attendue de tous les départements ministériels en cette période de crise - que nous devrions bénir plutôt que honnir parce qu'elle nous a fait toucher du doigt la fragilité de notre économie. La troisième étant les risques que font courir - faute d'informations - les feux follets qui se déclarent à travers le territoire, feux follets qui pourraient bien, en se rapprochant géographiquement, devenir un incendie.

Demeure la question de savoir si la porte derrière laquelle se concoctent les décisions, jusqu'alors fermée, sera entrouverte. Ou, carrément, ouverte afin de réduire le déficit démocratique, la défiance à l'égard du pouvoir. Et élargir les débats ?

A ce jour, aucun gage d'ouverture n'a été donné.

Dans un entretien au quotidien El Watan, daté du 30 mars, Maître Noureddine Benissad, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme, fait le catalogue des mesures qui ont réduit le terme de démocratie à peu de choses. « Le pouvoir, dit-il, ne veut pas changer son logiciel qui consiste à penser que tout ce qu'il ne contrôle pas est suspect ». Son diagnostic est sévère, juste, surtout, quand il ajoute : « Les pouvoirs, sans contre-pouvoirs, ne peuvent déboucher que sur des tyrannies ».

Que faire ? Que penser ?

« On ne saurait, souligne-t-il, même dans des démocraties achevées, se reposer uniquement sur le pouvoir et les juges pour garantir les libertés. Le respect des droits de l'homme dépend aussi de la capacité des citoyens à se mobiliser pour les défendre, à les transformer en cause civique ».

Ces informations distillées et les suspicions mises bout à bout, on peut se demander, dès lors, si ces changements de style - discussion et adoption de la Constitution, la nomination d'un gouvernement « relooké » - seront une base de gouvernance crédible. Si le cadre de la nouvelle Constitution et la possible recomposition du nouveau gouvernement - souvent annoncée - seront des réponses adéquates pour mettre un terme à la Fetna. Si les changements seront convaincants ou pure cosmétique.

Il faut dire que lâcher du lest n'est pas dans les gènes de la direction actuelle. Au mieux, cela devrait conduire à des consultations et, probablement, à l'association de personnalités politiques se situant dans la périphérie du Parti dominant - qui se présentent sous le label d'opposants, « soft », sans grands états d'âme, sans poser les conditions des Conseils partisans de « du passé faisons table rase ». Un rafistolage, en somme, qui donnerait l'illusion du partage de responsabilités.

Solutions en trompe-l'œil qui, même si elles peuvent assurer un apaisement, pour quelques mois, ne résisteront pas à la conjugaison des facteurs extérieurs et intérieurs qui iront en s'aggravant. Nous obligeant à subir des mesures prises, une fois encore, dans l'urgence. Auxquelles nous serons contraints d'y faire face.

Bis repetita d'un scénario connu.