![]() ![]() ![]() ![]() Le
choix n'est pas cornélien entre être un usager d'un Etat, un bénéficiaire et un
panneau indicateur, un phare d'illumination.
La citoyenneté semble vivre une crise morale que transcende une dualité complexe. La crise est tellement profonde que personne ne se sent responsable de quelque chose. Il n'est pas question d'état d'âme mais d'option et de détermination. Ou l'on est citoyen ou l'on reste un individu, un humain qui ne se voue pas à l'ancrage du service public. Le citoyen ne se confine pas en un simple matricule biométrique. Il peut paraître comme gêneur, parfois indiscret ou donnant mine d'un clandestin. L'autre n'est pas plus qu'une mention d'état civil. On le chouchoute, on le cite partout. Lui, qui, avec sa gueule sans titre ni en-tête, demeure toujours anonyme en se justifiant à lui-même. Son existence est une corvée inutile. Il doit être là où l'on voudrait qu'il soit. Dans les fichiers électoraux, dans les filets sociaux, dans les registres des prétoires et dans le creux des discours. Cet individu ne dédie son âme que pour motiver ceux qui, se dit-il, travaillent pour son bien-être. Le sien, il ne le voit que dans le leur. Le sien, p'tit qu'il soit, est rivé dans cet immense rêve, crevé à chaque étape ; de se voir un jour au moins baignant dans l'égalité et la considération. Il ne rêve plus maintenant et se dit n'exister que par acte de présence. Sa voix éteinte, sa tête courbée, son regard absent. On le voit toujours étendre les bras et les jambes tout en bâillant, épousant une posture de je-m'en-foutiste. Pourvu que ça épargne ma tête, penserait-il. Par contre, le citoyen est toujours vif, au regard perçant sur les valeurs sociétales et analytique sur tout évènement. Sans fanfaronner, il exerce sa responsabilité civique selon le cahier des charges de la citoyenneté. Décence, éducation, savoir-être, initiative, esprit d'assistance, entre autres. Il n'a pas besoin de gueuler pour s'affirmer, ni d'étaler savoir ou fortune pour exister. Il est là, niché dans le noyau de sa citoyenneté, imbu d'honneur et de dignité et fraîchement dispo à tout devoir civil. De la tolérance, de l'amour d'autrui, du vivre ensemble. Ceux qui ont pu sauver les passagers de la noyade ne sont pas des héros bibliques, ce sont de vrais citoyens algériens, malgré leur nudité. Des militants invétérés dans le parti apolitique de la solidarité. Aux dépens de leur vie, ils ont fait l'exploit de la bravoure citoyenne. Ils n'ont pas besoin d'une médaille de mérite, mais d'une haute décoration de citoyenneté. Peut-on admettre à la citoyenneté un gars, plouc et parvenu, qui jette par-dessus bord de sa 4/4 une canette, un mégot ou un crachat pâteux ? Peut-on l'admettre quand il balance ses détritus domestiques et du pain moisi de son 4ème étage, quand il ne s'applique pas au code de la route, ne s'astreint pas à l'exigence morale ? Un citoyen, en fait, est un acteur de l'intérêt général, l'autre un bénéficiaire sans s'en soucier. Quand le premier est un actif dans la prise de conscience nationale, l'autre, l'individu est un insouciant. Soit, un profiteur. Même l'attache matricielle ou le lieu natal ne fait pas nécessairement produire la citoyenneté. Si la nationalité est un acquis inné ou obtenu, la citoyenneté est une culture d'appartenance. |
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