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D'Anchorage à Washington: les entrelacs d'une diplomatie transactionnelle - D. Trump orchestre une paix impossible: VAE VICTIS !

par Abdelhak Benelhadj

« Nous menons en montrant l'exemple, pas en montrant notre force. Nous faisons partie de quelque chose qui nous dépasse. Nous sommes une boussole pour le monde ». (J. Biden, D. 04 juillet 2021)

Gérard Araud, ancien ambassadeur de France à Washington, habituellement clairvoyant, est excessivement sévère à juger : « Les sommets d'Anchorage et de Washington sur l'Ukraine visaient précisément à n'aller nulle part »et que la politique américaine n'est pas sérieuse. (Figaro, mardi 19 août 2025). « Nulle part », c'est possible. «Pas sérieux», c'est présomptueux. On peut lui concéder le vaudeville de Washington. Mais personne ne sait ce qu'il en fut, concrètement et précisément, du contenu et des suites du Sommet d'Anchorage.

Certes, aucun accord n'a clos la rencontre. Aucun contrat formel, dûment signé, entre Russes et Américains n'a été rendu public. Mais rien n'interdit de penser que des projets et des conclusions ont été scellés entre les deux délégations, préparés efficacement et discrètement par le délégué spécial américain Steve Witkoff lors de son dernier passage à Moscou qui a entraîné la décision de la visite du président russe aux Etats-Unis.

La solennité de la réception, la chaleur de l'accueil réservé au président russe a été remarquée. Ce fut incontestablement un succès pour les deux présidents et probablement davantage pour V. Poutine ainsi reçu d'égal à égal par la première puissance mondiale.Cela tranche avec les propos du président américain avant le Sommet.

D. Trump avaitfixé en effet undélai péremptoire qui devait expirer vendredi08 août 2025enjoignant à V. Poutine d'arrêter sa guerre en Ukraine sous peine de très graves sanctions en particulier des sanctions secondaires contre les pays qui achètent ses produits.

Moscou n'a montré aucun signe d'inflexion. Poutine avait eu raison. Il est possible, probable que la menace de D. Trump avait surtout une valeur médiatique destinée à brouiller les cartes pour atteindre d'autres objectifs...

Quoi qu'il en fût, tout a été fait par les opposants à ce Sommet pour le torpiller. A défaut de l'empêcher, une campagne médiatique acharnée a été menée en Europe pour en dégrader l'image, le projet et le résultat.Malheureusement pour eux, les images et les discours ont démenti ce qu'ils ont espéré et appelé de leurs vœux. Son succès a même dépassé tout ce qu'ils craignaient, et même tous les espoirs des Russes et des Américains qui ont laborieusement œuvré pour que cette rencontre soit réussie.

Vendredi 15, tout est oublié, tout est effacé. D. Trump déroule le tapis rouge à V. Poutine et le reçoit à sa descente d'avion comme un chef d'Etat majeuret non comme un justiciable contre qui un mandat d'arrêt a émis, le 17 mars 2023, par une Cour pénale internationale (CPI) impuissante qui n'est d'ailleurs reconnue ni par Moscou, ni par Washington.

Geste d'amitié qui a été apprécié : Vladimir Poutine a renoncé à sa limousine Aurus, ont souligné les médias russes, pour gagner le lieu de la réunion avec Donald Trump dans la Cadillac blindée - The Beast - du président américain.

L'agence étatique russe RIA Novosti a rapporté que Donald Trump avait invité son homologue russe à le rejoindre dans son véhicule ce que le président russe avait volontiers accepté.

VERBATIM

Vladimir Poutine : « Je l'ai dit, la situation en Ukraine est liée à des menaces fondamentales pour notre sécurité. De plus, nous avons toujours considéré la nation ukrainienne, je l'ai dit à plusieurs reprises, comme une nation fraternelle. Aussi étrange que cela puisse paraître, dans ces conditions, nous avons les mêmes racines, et tout ce qui se passe est une tragédie pour nous et une terrible guerre dans l'Est. »

-« J'espère que l'accord que nous avons conclu ensemble nous aidera à nous rapprocher de cet objectif et ouvrira la voie à la paix en Ukraine. Nous espérons que Kiev et les capitales européennes percevront cela de manière constructive et qu'elles ne chercheront pas à mettre des bâtons dans les roues. Elles ne tenteront pas d'utiliser des accords secrets pour mener des provocations et torpiller les progrès naissants. »

-« Nous sommes également convaincus que, pour que cet accord soit durable et à long terme, nous devons éliminer toutes les causes principales de ce conflit. Nous avons répété à plusieurs reprises qu'il fallait tenir compte de toutes les préoccupations de la Russie et rétablir un juste équilibre en matière de sécurité en Europe et dans le monde entier. Et je suis d'accord avec le président Trump, comme il l'a dit aujourd'hui, que la sécurité de l'Ukraine doit bien sûr être assurée également. »

-« Je tiens à remercier le président Trump pour notre travail commun, pour le ton bienveillant et confiant de notre conversation. Il est important que les deux parties soient axées sur les résultats, et nous constatons que le président a une idée très claire de ce qu'il souhaite accomplir. Il se soucie sincèrement de la prospérité de son pays. Il comprend néanmoins que la Russie a ses propres intérêts nationaux, et j'espère que les accords conclus aujourd'hui seront le point de départ non seulement d'une solution à la question ukrainienne, mais aussi d'un retour à des relations pragmatiques et constructives entre la Russie et les Etats-Unis. »

Donald Trump - « Cette réunion a été très profonde et je dirais même très productive. Nous nous sommes mis d'accord sur de nombreux points. Pour la plupart d'entre eux, je dirais qu'il reste encore quelques points importants à régler, mais nous avons fait des progrès. Il n'y a donc pas d'accord tant qu'il n'y a pas d'accord. Je vais appeler l'OTAN dans un petit moment. Je vais appeler les différentes personnes que je juge appropriées et, bien sûr, appeler le président Zelensky pour lui parler de la réunion d'aujourd'hui. C'est à eux de décider, en fin de compte.» - «Nous avons vraiment fait de grands progrès aujourd'hui. J'ai toujours eu une relation fantastique avec le président Poutine. Avec Vladimir, nous avons eu de nombreuses réunions difficiles, mais aussi de bonnes réunions.»

- « Nous avons eu une réunion extrêmement productive et nous nous sommes mis d'accord sur de nombreux points, il n'en reste que quelques-uns. Certains ne sont pas très importants. L'un d'entre eux est probablement le plus important, mais nous avons de très bonnes chances d'y parvenir. Nous n'y sommes pas encore parvenus, mais nous avons de très bonnes chances d'y arriver. »

Donald Trump : « Nous allons empêcher, vraiment, 5 000, 6 000 ou 7 000 personnes par semaine d'être tuées. Le président Poutine souhaite cela autant que moi. Donc, encore une fois, Monsieur le Président, je tiens à vous remercier très sincèrement et nous vous parlerons très bientôt et nous vous reverrons probablement très bientôt. Merci beaucoup, Vladimir.»

Vladimir Poutine : « La prochaine fois à Moscou. »

Donald Trump : « Oh, c'est intéressant. Je vais m'attirer quelques critiques, mais je peux imaginer que cela se produise. Merci beaucoup, Vladimir. »

V. Poutine a profité de son séjour pour déposer des fleurs sur la tombe de soldats soviétiques en Alaska morts pendant la Seconde Guerre mondiale.

Après sa rencontre avec Donald Trump, et avant de quitter l'Alaska, Vladimir Poutine s'est rendu au cimetière de Fort Richardson, près d'Anchorage, pour déposer des fleurs sur les tombes de militaires sont morts dans le cadre d'un programme de coopération entre les Etats-Unis et l'URSS, en vertu duquel des pilotes américains et soviétiques s'entraînaient ensemble en Alaska.

Interview à Fox News donnée juste après sa rencontre avec V. Poutine.

- « Maintenant, ça dépend vraiment du président Zelensky pour y parvenir » « Et, je dirais également : les pays européens doivent s'impliquer un petit peu, mais ça dépend du président Zelensky », a ajouté le président américain.

D. Trump écarte des mesures punitives contre la Russie.

Le président américain, qui avait menacé la Russie de « conséquences très graves » si elle n'acceptait pas de mettre un terme à la guerre, a précisé ne plus envisager de mesures dans l'immédiat.« Vu comme cela s'est passé aujourd'hui, je ne pense pas que je doive penser à cela maintenant ».

D. Trump s'est entretenu longuement au téléphone avec V. Zelensky, puis avec ses alliés de l'OTANà son retour du sommet en Alaska. A cet appel ont notamment participé la présidente de la Commission, U. von der Leyen, le président français, E. Macron, le chancelier allemand, F. Merz, le premier ministre britannique, K. Starmer et le secrétaire général de l'OTAN, M. Rutte. Il a duré « un peu plus d'une heure », selon cette même source. « Ce fut un long appel, d'abord entre les présidents Zelensky et Trump, puis les dirigeants européens se sont joints à eux », a précisé la présidence ukrainienne.

S. 16 août 2025. « Le monde est plus sûr qu'hier » après le sommet Trump-Poutine, déclare Viktor Orban, dirigeant proche du Kremlin. Le Premier ministre hongrois, rare dirigeant européen proche du Kremlin, a salué samedi la rencontre entre les présidents américain et russe, qui s'est conclue sans annonce de plan de paix pour l'Ukraine.« Pendant des années, nous avons vu les deux plus grandes puissances nucléaires démanteler le cadre de leur coopération et échanger des messages hostiles. C'est désormais terminé. Aujourd'hui, le monde est plus sûr qu'hier », a-t-il affirmé sur le réseau social X, au lendemain du sommet des deux dirigeants en Alaska. Avec l'aplomb d'un cow-boy, un général français a joué à Nostradamus : « ‘Le poisson pourrit par la tête' comme disent les Chinois. Le régime tombera avant son armée. » « La Crimée ne sera pas reconquise par la conquête militaire, mais dans une conférence, par la négociation qui suivra l'effondrement du régime ». (LCI. V. 23 juin 2023). Amnésique, qualité qu'il partage avec la plupart des médias qui l'accueillent sur leurs plateaux, il a sûrement oublié...

Zelenski, v. Leyen et moi et moi et moi...

« Nous n'envisageons pas de garanties de sécurité pour l'Ukraine sans les Etats-Unis » (V. Zelenski, Le Monde, J. 16janvier 2025). « Des voix s'élèvent pour dire que l'Europe pourrait offrir des garanties de sécurité sans les Américains et je dis toujours non ». « Les garanties de sécurité sans l'Amérique ne sont pas de vraies garanties de sécurité. » (Mardi 11 février 2025) On écrira peut-être un jour que les événements les plus catastrophiques qui aient affecté gravement les intérêts européens sont sans aucun doute l'élection de D. Trump le 05 novembre 2024 et l'accueil qu'il fit à V. Poutine en Alaska le 15 août 2025.

Bien que la fin de l'administration Biden était relativement facile à entrevoir, l'erreur des Européens a été de ne pas les avoir prévus et surtout de ne pas s'être ménagés des portes de sortie à temps. Depuis, les Européens courent derrière les événements et persistent... Il est vrai que les régimes démocratiques sont de plus en plus privés de pouvoirs tandis que grandissent à l'échelle mondiale des pouvoirs incompatibles avec la démocratie.

D. 17 août 2025, 15h. Visioconférence des pays de la « coalition des volontaires ».La présidente de la Commission européenne annonce qu'elle se rendrait lundi à la Maison Blanche aux côtés du président ukrainien.« A la demande du président Zelensky, je participerai demain à la réunion avec le président Trump et d'autres dirigeants européens à la Maison Blanche », a déclaré Ursula von der Leyen sur le réseau social X.« Cet après-midi, j'accueillerai Volodymyr Z. à Bruxelles », a-t-elle déclaré dans une publication sur X.Suit alors un singulier ballet. Aussitôt, c'est la curée : les uns après les autres, les chefs d'Etat européens se précipitent. Du voyage à Washington,tous veulent en être pour « protéger » V. Zelensky et faire front face à D. Trump. Le Français, l'Allemand, le Britannique, l'Italienne, le chef de l'OTANet même le Finlandais1, annoncent à leur tour leur présence lundi à Washington.« Le président de la République se rendra demain à Washington aux côtés du président Zelensky et de plusieurs dirigeants européens afin de poursuivre le travail de coordination entre les Européens et les Etats Unis dans le but de parvenir à une paix juste et durable qui préserve les intérêts vitaux de l'Ukraine et la sécurité de l'Europe », écrit l'Elysée dans un communiqué. Les Européens, comme on le voit très « unis », se surveillent de près et se marquent à la culotte. Il est hors de question de laisser l'un ou l'autre seul tirer ses marrons du feu et négocier à l'ombre de la crise ukrainienne, le moindre avantage pour leurs lobbys nationaux puissants qui ne sont pas sur la liste des invités mais qui, dans les coulisses, poussent «leurs» représentants à défendre leurs intérêts.

On devine l'état d'esprit des pays qui ne seront pas représentés dans la délégation dont les membres n'ont été mandatés par personne.

Etrange renversement de l'histoire.

Spectacle édifiant : n'étant pas initialement sur la liste des invités au Sommet à Washington, les Européens ont forcé la porte de la Maison Blanche qui a agréé rétrospectivement leur présence.

Un temps, on pouvait s'interroger : qu'aurait été l'Ukraine instrumentalisée sans l'Europe ? C'était, pour ainsi dire, de « bonne guerre ».Mais aujourd'hui, on est bien obligé de se demander : que seraient les Européens sans V. Zelenski ? Au fond, sait-on au juste qui instrumentalise qui ?

A l'issue de la réunion entre « coalisés volontaires » (LCI, D. 17 août 2025)

Question d'un journaliste adressée au président E. Macron : « Qu'est-ce qui vous a convaincu d'aller à Washington (demain) » ?

E. Macron : « Après ce sommet tenu en Alaska, la conviction que nous devons rentrer dans une nouvelle phase diplomatique, celle dans laquelle nous assumons de défendre les intérêts des Européens. Nous y allons demain, pas seulement pour accompagner le président Zelensky. Nous y allons pour défendre les intérêts des Européens.« L'Europe n'a pas envie d'être à la table comme un sujet de discussions. L'Europe doit être à la table pour discuter d'elle-même et de son avenir. » (...)« Beaucoup disent pourquoi on en fait tant sur l'Ukraine. On en fait tant sur l'Ukraine parce qu'il s'agit de l'Europe. Et on en fait tant sur l'Ukraine parce qu'il s'agit de notre voisinage.« Si nous voulons être libres, si nous voulons être indépendants, nous devons être craints. Si nous voulons être craints, nous devons être forts. »

Machiavel et Sun Tzu n'auraient mieux dit...

A l'issue de la même réunion dominicale, V. Zelensky a bien résumé l'état de la situation : « Il est crucial que l'Europe reste aussi unie qu'elle l'était en2022. » Il avait ainsi bien compris qu'elle n'y était plus...

Unité européenne et bricolage institutionnel.

« A la demande du président Zelensky, je participerai demain à la réunion avec le président Trump » s'expliquait Mme von der Leyen qui n'a jamais été élue n'a aucune qualité pour traiter de diplomatie et de se poser en présidente d'un Etat fédéral européen qui n'existe pas. On aurait pu à la rigueur trouver quelques raisons à sa commissaire diplomatique... Or, Mme KajaKallas, « haute représentante de l'Union européennepour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité »est aux abonnés absents.

- Comment un pays non-membre de l'Union peut-il exiger cela ? D'où cet ancien comédien d'un pays aux marches, détient-il un pouvoir si exorbitant ? Qu'en pense le Conseil ou le Parlement Européen ?

- Comment est-il possible qu'une petite minorité de pays s'arroge le droit de parler pour tous les Européens ? Les Espagnols, Portugais, Grecs, Irlandais, Néerlandais, Hongrois, Croates... ont-ils été consultés pour être écartés du voyage à Washington ?

Retour aux questions initiales. Au fond, qu'est-ce que la « coalition des volontaires » ?

Cet espace a été créé en mars 2025, regroupe 31 pays, dont la plupart des « grands » Etats européens, incluant la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie, l'Espagne, la Finlande. La Turquie, l'Australie et le Canada sont également membres de ce groupe. L'Union européenne en tant qu'institution et l'OTAN (dirigée par un général américain) participent à cette coalition. Il s'agit d'une organisation plus ou moins formelle qui a été lancée (contrairement aux légendes distillées ici et là par des exécutifs en mal de popularité), à l'initiative du Premier ministre britannique Keir Starmer pour soutenir l'Ukraine contre la Russie à la suite d'un sommet qui a réuni à Londres 18 dirigeants mondiaux le 2 mars 2025. Le retrait américain après le 20 janvier et surtout l'humiliation du président ukrainien à la Maison Blanche le 28 février ont été les principales raisons qui expliquent la naissance de cette « coalition » dont la première réunion officielle a lieu le 10 avril 2025 au siège de l'Otan à Bruxelles.

Son caractère « volontaire » souligne les confusions et les contradictions internes d'une Union dont les membres sont incapables de construire un espace géopolitique cohérent et efficace, avec une politique internationale démocratiquement partagée par tous. C'est la principale raison pour laquelle l'Europe, grande puissance économique résultat d'une addition de PIB et d'ambitions nationales antagonistes, n'est pas tenue pour un interlocuteur crédible et fiable, à l'échelle mondiale. La « coalition » se pose en structure globale décisionnelle qui incorpore en son sein une représentation de l'Union Européenne et de l'OTAN, alors quelle devrait en être au mieux l'émanation. Elle instrumentalise et recycle à ses fins les institutions existantes pour improviser une nouvelle structure opérationnelle adhoc qui ne possède aucune légitimité politique ni protocole de délibération transparent conforme aux règlements en vigueur que ce soit à l'échelle nationale ou européenne.

Cette structure ne relève ni de l'Union, ni des institutions internationales onusiennes, mais seulement de tractations opportunistes en coulisses dont la décision du voyage à Washington donne l'exemple. En 2003, les Etats-Unis avaient au moins la façade d'une nation de droit avec un Congrès qui délibère et valide les viols de la Charte des Nations Unies.

Le Premier ministre britannique (encore un membre fantôme d'une Union fantôme) et le président français, coprésident en visioconférence mardi 19 une réunion de la « coalition des volontaires », afin d'« informer les dirigeants des résultats des discussions à Washington et de discuter des prochaines étapes », a annoncé le gouvernement britannique à l'AFP. Le personnage le plus important de l'Europe, son président du Conseil, le Portugais António Costa a été mis de côté.2Cela ne l'empêche pas de rendre compte aux 27 chefs d'Etat européens des conclusions d'une réunion tenue à Washington la veilleà laquelle il n'a pas participé. (Reuters, L. 18 août 2025).

Tout cela montre à quel point les institutions européennes qui devraient être la pierre de touche d'une conception politique démocratique en vue de la construction d'un futur Etat fédéral de type hamiltonien, se retrouvent phagocytées par une structure informelle soumise à des rapports de forces qui échappent aux nations et à leurs lois. La gestion habile des Fonds structurels (FEDER, FSE, FTJ...) permet de réguler les humeurs internes, d'adoucir les mœurs politiques indociles et de ramener dans le « droit chemins » les pays qui prennent des libertés avec la politique commune délibérée par les « grands » pays qui réellement dirigent l'Union. Hier, la Grèce de Syriza l'a compris à son détriment aujourd'hui, la Hongrie et la Slovaquie négocient au coup par coup la longueur de leur laisse.

C'est cela qui explique la réaction de Mme Ursula von der Leyen qui n'a jamais été élue, mais qui dispose de pouvoir étendus au-delà de son espace de compétence formel alors que l'essentiel de ses prérogatives se limite aux domaines économiques, commerciaux, climatiques et de développement. La politique étrangère et de sécurité, relève du Conseil européen et, dans une certaine mesure du Haut représentant.

Au reste, la politique étrangère et de sécurité de l'Union (PESC) reste encore un vœu pieux et chaque pays reste maître (dans les limites indiquées ci-dessus) de l'essentiel de ses pouvoirs en la matière, encore que Washington aglobalement la main sur ce que les Européens doivent ou ne doivent pas faire, ne serait-ce qu'en matière d'armement en ce qu'ils achètent plus des deux-tiers de leur armement outre-Atlantique et le reste est sous contrôle de leurs puissants « alliés ». L'OTAN est, depuis 1949, un instrument majeur de régulation de la politique extérieure des pays européens entre les mains de Washington.

Est-il besoin de souligner que la présidente de la Commission est régulièrement maltraitée par la Maison Blanche qui ne lui accorde aucune valeur représentative. Elle n'avait même pas été invitée à la cérémonie d'investiture de D. Trump le 20 janvier. Pas davantage les chefs d'Etat qui l'accompagnent ce lundi.

A l'exception de G. Meloni et de quelques opposants politiques venus des « extrêmes » dans les Assemblées aux majorités très fragiles qui soutiennent les premiers ministres, présidents et autre chancelier embarqués dans cette galère.

La « coalition » n'est pas née du hasard. Elle vit le jour juste après le voyage malheureux de V. Zelensky à Washington fin février.L'Axe Atlantique à l'origine du conflit, ourdi, armé, financé, organisé par l'administration J. Biden s'est rendu compte que D. Trump n'était plus sur cette longueur d'onde et qu'il fallait réagir. Nous vivons aujourd'hui les péripéties d'une scission au sein même du camp occidental. Les contours de ce différend sont encore difficiles à préciser. L'approche en termes de pays ou de nation est, sur ce point, de plus en plus obsolète.

Cessez-le-feu. Qui y croit encore ?

Se posent cependant un certain nombre de questions incontournables, en se demandant depuis quand, par qui et pourquoi un cessez-le-feu est réclamé à cor et à cri ?

1.- Fin de la contre-offensive ukrainienne.

Il l'est depuis que l'Ukraine et ses soutiens ont fini par admettre que la contre-offensive militaire ukrainienne a été un échec patent. Les observateurs américains l'avaient compris bien plus tôt dès le printemps 2023, et même sous l'administration Biden, des dissensions violentes ont opposées Américains et Ukrainiens. Et Ukrainiens entre eux. Des changements importants sont alors intervenus dans les chaînes de commandement. Des règlements de compte se sont succédés au sein des forces armées et de la galaxie complexe qui dirige à Kiev depuis février 2014, habilement soustraits aux opinions publiques européennes, sous-informées des conséquences de la crise et de ses implications économiques et sociales dans l'Union Européenne.

Cela s'est ponctué par le départ du commandant en chef des forces armées,Valeri Zaloujny, en février 2024 nommé ambassadeur de son pays au Royaume-Uni. V. Zelensky en a profité pour se débarrasser d'un rival politique très populaire qui convoitait son poste.

2.- La « ligne Maginot » ukrainienne se lézarde et l'urgence d'un cessez-le-feu.

D'attaquants partis pour chasser les Russes de leur territoire, les Ukrainiens sont devenus des défenseurs chargés de consolider les villes bunkérisées depuis Maïdan et de fortifier celles qui se disséminent sur plus de 1 000 km de front.

Parallèlement à cette défense (en apparence) médiévale, Ukraine et ses alliés comptent sur les sanctions pour mettre le commerce, l'économie, l'industrie, la société et le régime russes à genoux en espérant que cela arrive cinq minutes avant que le front ukrainien ne s'effondre en premier. Erreur de calcul : la Russie et les Russes résistent mieux que prévu.

Pour le reste, la règle est simple : pousser les Russes à s'enliser dans des combats urbains préparés comme autant de chausse-trappes destinées à exterminer un grand nombre d'entre eux.

Marioupol et Bakhmout ont été de ce point vue de véritables « hachoirs à viande ». Les Russes ont vaincu mais au prix d'un nombre élevé de pertes humaines. C'était le but attendu de ces souricières où il est difficile à une armée mécanisée de manœuvrer et où il est commode pour les défenseurs faufilés dans un réseau de galeries labyrinthique de s'adonner au tir au pigeon terriblement meurtrier pour les assaillants. Un exemple de l'actualité opérationnelle. L'encerclement progressif de Pokrovsk met les Ukrainiens devant un choix impossible (cf. carte plus bas) :

- Soit continuer à résister dans des conditions logistiques et humaines très difficiles, mais avec de graves conséquences comme à Bakhmout (tombé en mai 2023) où cette tactique a beaucoup coûté et peu rapporter.

- Soit à abandonner très vite la ville pour déplacer les troupes vers l'arrière où une nouvelle ligne de front est aménagée, même si les Ukrainiens s'étaient préparés à cette éventualité. Hypothèse inenvisageable. Autant céder Kramatorsk et Sloviansk les deux autres places-fortes du Donbass.

Les destructions urbaines conséquences inévitables d'un combat acharné quartier par quartier, bâtiment par bâtiment, rue par rue et même appartement par appartement a été exploité médiatiquement, montrant les images d'espaces urbains dévastés, pour faire la démonstration que la « Russie est bel et bien un monstre qui veut exterminer le peuple ukrainien ».Un « narratif » à charge qui ne souffre aucune contradiction.

Entre-temps, une erreur semble avoir été commise : ce n'est pas tant d'armes et de munitions que l'Ukraine manque le plus, mais d'hommes. Or, plus le conflit dure, aussi totalitaire soit la couverture médiatique, plus il est difficile de cacher que l'« arrière » cède peu à peu et plus le nombre d'Ukrainiens insoumis augmente.

Selon un sondage publié le jeudi 07 août par le sondeur américainGallup, le soutien à « la guerre jusqu'à la victoire » s'effondre au sein de la population ukrainienne (pour atteindre seulement 24%, contre 73% en 2022) tandis que le souhait de « négociations visant à mettre fin à la guerre dès que possible » progresse fortement (69% contre 22% en 2022). (Le Figaro, L. 18 août 2025)

Ce qui explique l'urgence du cessez-le-feu.

3.- Changement tactique de l'armée russe.

Sans détailler les phases intermédiaires et les apprentissages des nouvelles techniques, on peut noter les multiples innovations dans la guerre des drones, la saturation tous azimuts des défenses aériennes, le jeu de contournement des fortifications et de coupures des lignes logistiques, les bombardements précis des centres de commandement, de résidence d'entraînementet des points d'entrée des armes et des munitions venues de l'étranger...

Le progrès est lent mais terriblement efficace des bombardements incessants, interdisant le moindre répit, le moindre repos, le renouvellement et la rotation des troupes aussi motivées, aussi expérimentées, aussi aguerries soient-elles.Cette lenteur a fait dire à des stratèges en chambre ou à des manipulateurs avisés qu'à ce rythme, les Russes mettraient un siècle pour arriver à Kiev.3 En réalité, il s'agit d'un problème simple de transition aux limites qui relève la « théorie des catastrophes » de R. Thom4. Ce n'est pas évidemment pas Kiev qui est visé, mais seulement la solidité du front qui menace de s'effondrer et avec lui tout le reste... C'est pour cette unique et primordiale raison que V. Zelensky et ses « alliés » demandent urgemment un « cessez-le-feu ». Elle n'a échappé ni aux Russes,ni aux Américains, ni aux alliés européensqui l'avaient compris depuis longtemps.

4.- Les « garanties de sécurité » et les « forces de réassurance »

Déjà évoqué par le Premier Ministre britannique et le Président américain Donald Trump lors de leur rencontre du 27 février 2025, le Président français déclareun mois plus tard (le 27 mars) son pays prêt à participer à une « force de réassurance », qui serait déployée sur le territoire ukrainien. Mais cette « garantie de sécurité » ne peut être sollicitée que dans le cadre d'un cessez-le-feu auquel auraient souscrit tous les pays concernés, y compris (et surtout) la Russie. En d'autres termes, les « coalisés » (volontaires ou pas) expriment là un manque total de confiance dans la Russie qui, selon eux, n'aurait pas honoré les traités auxquels elle a souscrit.5 C'est ce qui les autorise à envisager de débarquer avec armes et bagages en Ukraine pour en assurer l'intégrité. On comprendrait dans ces conditions que Moscou n'ait aucune envie de consentir à un cessez-le-feu. Pour aller au fond de cette question et des tractations en cours, le plus utile et le plus simple serait d'en revenir aux plans de paix proposés par les protagonistes.

Cela permettrait de comprendre pourquoi -en l'état actuel des positions- ils sont radicalement orthogonaux et qu'il y a peu de chance qu'une solution négociée soit trouvée à cette crise, en tout cas à court terme.

Résultats des réunions à Washington, lundi 18 août 2025.

Poutine et son compère américain restent maîtres du jeu et continuent de distribuer les cartes.

1.- On ne parle plus de « cessez-le-feu » ni de « garanties de sécurité » qui permettraient aux « coalisés » de s'engouffrer dans la brèche en Ukraine, mais de « plan global de paix » en tenant compte des « causes profondes » à l'origine du conflit. Pour Moscou, les « garanties de sécurité » (au demeurant, floues dans le détail) seront examinées après, pas avant.

M. Lavrov a défendu une « approche sérieuse » des négociations de paix, qui doivent, selon lui, se faire « pas à pas, en commençant au niveau des experts et passant toutes les étapes nécessaires pour préparer les sommets ». « Tout contact impliquant des dirigeants doit être préparé très minutieusement »(mardi 19 août 2025).

Washington met fin au suspens : dans un entretien téléphonique accordé à la chaîne de télévision conservatrice américaine Fox News, le mardi 19 août, D. Trump exclut tout envoi de troupes américaines en Ukraine comme garantie de sécurité. En cela, il reste calé sur ses échanges du vendredi 15 août avec son homologue russe.

2.- Deux points repoussent sine die tout apaisement à court terme, même pendant et après une éventuelle tripartite...

2.1.- La proposition russe, soutenue par Washington, pudiquement appelée « échange de territoires » (cession complète du Donbass, gel du front dans les deux autres oblasts occupés et reconnaissance l'annexion de la Crimée) est une bombe sous le siège de Zelenski.

2.2.-« Nous sommes prêts à une rencontre bilatérale avec Poutine et après cela, nous nous attendons à une rencontre trilatérale », avec la participation de D. Trump, déclare V.Zelenski à la presse à Washington. La rencontre que le président ukrainien désire depuis longtemps avec son homologue russe est en l'état impossible : un décret promulgué le 04 octobre 2022 en Ukraine interdit à tout ukrainien d'engager une négociationavec V. Poutine.

3.- Le 17mars 2023, la Chambre préliminaireII de la Cour pénale internationale CPI a délivré des mandats d'arrêt à l'encontre duprésident russe. De ce fait, l'Union s'interdit toute possibilité d'héberger le moindre Sommet et la moindre participation à la résolution d'un conflit qui se déroule sur le continent européen.« Je plaide pour Genève » (19 août) avance sans illusions le président français qui a compris qu'il ne pouvait être question d'une hypothétique et très improbable réunion à Paris. Désormais, les grandes messes diplomatiques mondiales ne se tiennent plus sur un continent décidément de plus en plus « vieux ».

L'Union Européenne (sous la direction de l'Amérique de J. Biden) n'a pas été prévoyante et s'est piégée toute seule à tout faire pour se couper de la Russie. Dès lors, la seule issue possible du conflit qu'elle s'est ménagée est celui de la guerre.

Les Européens ont besoin de la guerre et du « méchant Poutine ». L'un justifie l'autre.

On ne parle que de rencontre trilatérale.

Malgré le voyage à Washington dans le porte-bagage de Zelenski, l'Europe reste toujours à trouver.6

Si demain une paix est signée entre Américains, Ukrainiens et Russes, avec à la suite la Chine, l'Inde, le Brésil... où les Européens trouveront-ils une marge pour défendre leurs intérêts ?

Lorsque les marchés russes s'ouvriront, les sanctions se lèveront et s'apaiseront les tensions avec la Chine et le reste des BRICS, s'ouvrira un boulevard devant les transnationales américaines.

En Europe, l'union ne sera plus alors qu'un souvenir et ce sera la débandade, avec la seule règle qui vaille, celle du chacun pour soi.

« La Russie, un ogre à nos portes » (E. Macron, mardi 19 août 2025). On ne peut reprocher au président français de changer de position fréquemment. Cela peut être le signe d'une capacité d'adaptation à un monde qui échappe aux prévisions.

La mécanique laplacienne n'est d'aucun secours. Il faut recourir à la théorie du chaos.

Il ne s'agit pas ici de contradictions mais plutôt de confusions et de manque de discernement devant une évolution rapide d'un paysage géopolitique il est vrai complexe qu'il n'a pas su anticiper,en s'enfermant dans un coin sans se ménager des portes sorties lorsque les circonstances le lui ont permis.

Dans un monde complexe et dangereux, la puissance peut compenser (sans s'y substituer) l'incapacité des politiquesà anticiper les différents états.

L'erreur serait de croire que la force, surtout celle qu'on ne possède pas, permet de se passer d'intelligence.

« Il est vrai, que parfois, les militaires s'exagérant l'impuissance relative de l'intelligence, négligent de s'en servir. » Charles de Gaulle.

Réjouissances provisoires

L'humeur était à l'optimisme à Washington ce lundi 18 août. On a même entendu des éclats de rires. Rien à voir avec l'humiliation subie par V. Zelenski un certain 28 février.Mais le plus ardu est à venir. Derrière ces manifestations de joie destinées à distraire les opinions publiques, on se prend à constater que des décisions prises, du partage de principes généraux, il ne reste que des vagues projets sans précisions, dont la mise en œuvre est renvoyée à « plus tard ».

Comme à bien de politiques, on peut faire beaucoup de reproches au président français. Il y en a (au moins) unqu'on ne peut lui faire : une totale franchise à l'égard de son homologue russe. Un emportement inhabituel chez les hommes d'Etat que couvrent leur violence sous des formes policées. Un peu comme s'il avait un compte personnel à régler avec lui.

Qu'on en juge :

« Les faits disent les intentions » : « Aujourd'hui, dans les faits, la Russie continue la guerre, elle l'intensifie. Elle mène une guerre contre les civils ukrainiens, et elle ne donne aucun signal de vouloir sincèrement la paix. L'expérience que nous avons, sur les quinze dernières années, de M. Poutine, dans son approche, c'est que, chaque fois qu'il pense qu'il peut gagner par la guerre, il ne négocie pas la paix. C'est ça la réalité. » « J'ai les plus grands doutes quant à la réalité d'une volonté de paix de la part du président russe ».

« Son objectif final est de prendre le maximum de territoires, d'affaiblir l'Ukraine et d'avoir une Ukraine qui n'est pas viable seule, ou dans le giron russe. C'est à peu près évident pour tout le monde. Notre objectif est simple : d'avoir la paix le plus vite possible, de faire respecter le droit international et la souveraineté ukrainienne donc d'avoir le moins de perte territoriale possible pour l'Ukraine, et surtout d'aider l'Ukraine à résister à toute nouvelle agression, d'avoir une Ukraine qui a choisi l'Europe, et de garantir la sécurité des Européens. »

En avril dernier, E. Macron traitait V. Poutine de menteur.

Retour aux réalités.

Le plan de paix de Zelensky.(Soumis au G20 à Bali, Indonésie, mardi 15 novembre 2022)

Dans un discours exposant un plan de paixen dix points, le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est adressé aux représentants des grandes économies du G20 réunies en Indonésie.

1-Radiation et sécurité nucléaire

La Russie doit immédiatement retirer tous ses combattants du territoire de la centrale nucléaire de Zaporijjia. La centrale doit être immédiatement transférée sous le contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique et du personnel ukrainien.

2 - Sécurité alimentaire

Nous avons déjà lancé l'initiative Grain From Ukraine... L'Ukraine peut exporter 45 millions de tonnes de nourriture cette année. Et une partie importante de celle-ci doit se diriger vers ceux qui souffrent le plus, contre la faim et la crise alimentaire.

3 - Sécurité énergétique

Environ 40% de nos infrastructures énergétiques ont été détruites par les frappes des missiles russes et des drones iraniens utilisés par les occupants. La réponse à cela devrait être une limitation forcée des prix à l'exportation pour la Russie.

4 - Retour des prisonniers et déportés

11 000 enfants, des centaines de milliers d'adultes déportés,prisonniers politiques ... citoyens ukrainiens détenus en Russie et dans le territoire temporairement occupé, en particulier en Crimée. Nous devons libérer toutes ces personnes.

5 - Charte des Nations unies et intégrité territoriale de l'Ukraine

Nous devons rétablir la validité du droit international - et cela sans aucun compromis avec l'agresseur. Il ne s'agit pas de négociations.

6 - Troupes russes et hostilités

La Russie doit retirer toutes ses troupes et formations armées du territoire de l'Ukraine. Le contrôle de l'Ukraine sur toutes les sections de la frontière de notre État avec la Russie doit être restauré. Cela entraînera une cessation réelle et complète des hostilités.

7 - Justice

Le monde devrait approuver l'établissement du Tribunal spécial concernant le crime d'agression de la Russie contre l'Ukraine et la création d'un mécanisme international pour compenser tous les dommages causés par cette guerre. Une compensation aux dépens des actifs russes est nécessaire, car c'est l'agresseur qui doit tout faire pour rétablir la justice qu'il a violée.

8 - Protection immédiate de l'environnement

Des millions d'hectares de forêt ont été brûlés par les bombardements. Près de 200 000 hectares de nos terres sont contaminés par des mines et des obus non explosés. Je remercie tous les pays qui nous aident déjà à déminer. Il est urgent d'augmenter le nombre d'équipements et d'experts pour ces opérations.Des fonds et des technologies sont également nécessaires pour la restauration des installations de traitement des eaux.

9 - Prévention de l'escalade

L'Ukraine n'est membre d'aucune alliance. Et la Russie a pu déclencher cette guerre précisément parce que l'Ukraine est restée dans la zone grise - entre le monde euro-atlantique et l'impérialisme russe.

Nous devrions organiser une conférence internationale pour cimenter les éléments clé de l'architecture de sécurité d'après-guerre dans l'espace euro-atlantique, y compris les garanties pour l'Ukraine. Le principal résultat de la conférence devrait être la signature du Pacte de sécurité de Kiev. (Le Pacte de sécurité de Kiev de neuf pages, publié en septembre appelle les pays occidentaux à fournir des « ressources politiques, financières, militaires et diplomatiques » pour renforcer la capacité de Kiev à se défendre).

10 - Confirmation de la fin de la guerre

Lorsque toutes les mesures anti-guerre seront mises en œuvre, lorsque la sécurité et la justice commenceront à être rétablies, un document confirmant la fin de la guerre devra être signé par les parties. Les États prêts à prendre l'initiative de telle ou telle décision peuvent devenir parties à cette convention.

Résumé. Pour que l'Ukraine accepte de cesser le combat, il faut :

1.- Une restitution intégrale du territoire ukrainien tel que défini en 1991 à la fin de l'URSS. Toute l'Ukraine doit être libérée, y compris la Crimée annexée par la Russie en février 2014.

2.- Que les agresseurs soient tous jugés par un tribunal spécial.

3.- Que la Russie soit condamnée à payer la reconstruction de l'Ukraine.

4.- Que l'Ukraine à la fin de la guerre intègre l'OTAN pour éviter une nouvelle guerre.

En mot, la reddition de la Russie et la chute du régime qui la dirige.

Plan américain

Présenté aux responsables européens par l'émissaire Steve Witkoff lors de discussions qui se sont déroulées à Paris le 17avril.

Cessez-le-feu

• Cessez-le-feu permanent.

• Les deux parties s'engagent immédiatement dans des négociations sur la mise en œuvre technique.

Garantie de sécurité pour l'Ukraine

• L'Ukraine reçoit une garantie de sécurité solide.

• Les Etats garants seront un groupe ad hoc d'Etats européens et d'Etats non européens volontaires.

• L'Ukraine ne cherchera pas à adhérer à l'OTAN.

• L'Ukraine peut chercher à adhérer à l'UE.

Territoire

• Les Etats-Unis reconnaissent de jure le contrôle russe sur la Crimée.

• Les Etats-Unis reconnaissent de facto le contrôle russe de Louhansk.

• Les Etats-Unis reconnaissent de facto les parties[des oblasts]de Zaporijia, Donetsk et Kherson contrôlées par la Russie.

• L'Ukraine récupère des territoires dans l'oblast de Kharkiv.

• L'Ukraine reprend le contrôle de la centrale nucléaire de Zaporijia grâce au contrôle et à l'administration par les Etats-Unis de la centrale, dont l'électricité est distribuée aux deux parties, ainsi que du barrage de Kakhovka.

• L'Ukraine bénéficie d'un passage sans entrave sur le Dniepr et contrôle la flèche de Kinbourn.

Economie

• Les Etats-Unis et l'Ukraine vont mettre en œuvre un accord de coopération économique et un accord sur les minéraux.

• Reconstruction complète de l'Ukraine et compensation financière.

• Les sanctions imposées à la Russie depuis 2014 en raison de ce conflit seront levées.

• Coopération économique entre les Etats-Unis et la Russie dans le domaine de l'énergie et d'autres secteurs industriels.

Plan russe

Mémorandum russe fourni à l'Ukraine lundi 02 juin 2025,lors des pourparlers à Istanbul, document de trois pages, publié par les agences russes TASS et RIA Novosti.

- La Russie demandele « retrait complet » de l'armée ukrainienne de quatre régions du pays dont la Russie revendique l'annexion : celles de Donetsk et de Louhansk (Est) et celles de Zaporijia et de Kherson (Sud) avant « la mise en place d'un cessez-le-feu de trente jours ».

- Moscou revendique l'annexion des quatre régions du pays avant tout cessez-le-feu global.

- « Reconnaissance juridique internationale » de ces régions ainsi que de la Crimée, annexée en2014, comme des territoires russes.

- « Neutralité de l'Ukraine ».

- Levée des sanctions économiques contre la Russie.

- L'Ukraine renonce à réclamer des réparations à la Russie.

- Organisation de nouvelles élections dans le pays avant la signature d'un traité de paix et « au plus tard cent jours après la levée de la loi martiale », et « l'interdiction de redéploiement des forces armées ukrainiennes ».

- Arrêt des livraisons d'armes occidentales à Kiev et la fin du partage de renseignements, ainsi qu'une interdiction de déployer des armes nucléaires en Ukraine.

- Libération des « prisonniers politiques », militaires et civils détenus, et engagement à respecter « les droits, libertés et intérêts des Russophones » sur le territoire ukrainien.

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A ces plans, (il faudra sans aucun doute y ajouter ceux de nombreux acteurs dont les noms et qualités ne sont pas sur les cartons d'invitation), quelles qu'en soient les versions continûment corrigées (sous la pression des circonstances) délimitent l'espace laissé à la paix. Et à la paix, à regarder de près l'état du conflit et du monde en face, l'espace dévolu est très étriqué.

Ceux qui n'aiment pas la paix et chérissent la guerre n'ont vraiment rien à craindre. Si l'on excepte une minorité d'enfants de chœur et d'incorrigibles rêveurs, au fond, la paix n'intéresse personne.

- Pas la Russie, inquiète ne pouvoir atteindre tous ses objectifs (cf. plan plus haut). Son armée avance lentement, mais elle avance et use peu à peu son adversaire. Elle compte le temps (long) parmi ses alliés.

C'est probablement la raison pour laquelle elle fait traîner les négociations et propose des solutions inacceptables (cf. mémorandum du 02 juin) précisément pour qu'elles ne puissent l'être par l'Ukraine : une rencontre à Moscou, une reconnaissance formelle de ses conquêtes territoriales que V. Zelenski ne peut valider sous peine de se faire écorcher vif à son retour à Kiev.

Et pour cause : céder à une telle exigence obligerait l'Ukraine à abandonner sa « ceinture fortifiée », principale ligne de défense de l'oblast de Donetsk depuis 2014. Les forces ukrainiennes ont commencé à y ériger des positions défensives après avoir repris ces villes aux forces prorusses, qui avaient attaqué et occupé Sloviansk, Kramatorsk, Droujkivka et Kostiantynivka en avril 2014. Les forces ukrainiennes contrôlent ces villes depuis juillet 2014. Sloviansk et Kramatorsk forment la moitié nord de la ligne fortifiée et servent de centres logistiques majeurs pour les forces ukrainiennes défendant l'oblast.(Institute for the Study of War -ISW-, 13 août 2025) (Cf. plus haut)

- Pas l'Ukraine qui résiste et qui attend l'arrivée des armes décisives qu'elle réclame sans cesse depuis février 2022. Elle ne peut de permettre, après avoir perdu la mer d'Azov, de se priver de l'accès à la mer Noire.Pourtant, l'histoire montre que les armes n'ont jamais joué un rôle décisif dans les défaites et les victoires des nations7.

Les Ukrainiens ont reçu presque toutes les armes qu'ils ont réclamées (à l'exception des Taurus allemands) : les ATACMS, les chars Abrams, Challenger, Leopard, les canons Caesar, les missiles de croisière SCALP/Storm Shadow, les Patriot, les F16, les Mirages ...Rien n'y a fait.

C'est pourquoi les dirigeants ukrainiens continueront le combat espérant l'avènement du facteur miraculeux qui fera basculer leur sort du bon côté. Ukrainiens comme Russes ont trop de martyrs à honorer pour capituler...

- Pas l'Europe qui veut saigner la Russie et compte sur le « poison lent » des sanctions pour qu'enfin advienne un collapsus similaire à celui qui a emporté l'URSS. Une victoire de la Russie serait un exemple intolérable pour la multitude de nations du sud qui se souviennent des « bienfaits civilisateurs » des empires coloniaux...

- Pas les Etats-Unis pour lesquels ce conflit est une ressource sans limite, un tiroir-caisse où ils puisent les milliards qui comblent son déficit des paiements courants et le gouffre insatiable entre ce que l'Amérique produit et ce qu'elle consomme. Tant que les Européens paient...

L'Amérique convole avec la guerre en justes noces depuis sa naissance.Dakota Wood, chargé de recherche sur les programmes de défense au Centre pour la défense nationale du think tank The Heritage Foundation, avait relevé en octobre 2018 qu'en plus de 240 ans d'histoire, les Etats-Unis étaient impliqués dans un conflit en moyenne « tous les 15 ans environ ».

Les États-Unis ont été impliqués dans un grand nombre d'opérations militaires majeures et terriblement mortifères, sans déclaration de guerre formelle, validées par le Congrès et les Nations Unies, dontles guerres en :

• Corée (1950-1953)

• Vietnam (1965-1975)

• Golfe (1991)

• Afghanistan (2001-2021)

• Irak (2003-2011, puis nouvelle intervention contre Daech dès 2014)

Jamais autant de chefs d'Etat n'ont été aussi nombreux à être gratifiés d'un prix Nobel que les présidents américains. Pourquoi pas celui-là (juste après son bombardement totalement illégal de l'Iran en juin 2025, son consentement et même sa participation indirecte au génocide israélien des Palestiniens de Ghaza) ?

- Pas les complexes militaro-industrielsqui n'ont ni patrie, ni morale, ni état d'âme, ni limites. Le sourire en coin, D. Trump déclarait avec un cynisme à l'épreuve des balles, qu'il n'est plus disposé à « offrir » des armes aux Ukrainiens, mais il peut en vendre aux Européens pour les donner à l'Ukraine.

Jamais, après 1945, un conflit n'a consommé autant d'armes et de munitions que le conflit ukrainien. La guerre du Viêt-Nam peut-être...8 Certes, on ne manque jamais d'assez de conflits sur la planète. Il y en a suffisamment pour alimenter les carnets de commandes.

De plus, qui se priverait d'un tel laboratoire in vivo pour tester les armes à venir, avec de vraies bombes, de vrais soldats, de vrais morts et de vraies veuves ?

« La politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c'est d'être petit... » Charles de Gaulle, Allocution prononcée au Champ-d'Arbaud, à Basse-Terre, 20 mars 1964.

Notes:

1-Crieuse présence que celle d'Alexander Stubb, peu connu du « grand public ». Ce libéral, conservateur et atlantiste aurait au moins quatre qualités : c'est un proche de D. Trump avec lequel il parcourt de nombreux « 18 trous ». Son pays partage1 340kilomètresde frontières avec la Russie. Il entretient une détestation viscérale du pays de V. Poutine. La Finlande a une hérédité chargée qu'elle partage avec les putschistes de Maïdan : elle s'est alliée au IIIème Reich et a participé avec ardeur en 1941 à l'« opération Barbarossa » contre l'URSS.

2-Il était pourtant aux côtés de E. Macron le mercredi 13 août, au Fort de Brégançon.

3-Le ministère de la défense britannique,sur son réseau social X, prétend avoir calculé qu'au rythme actuel, il faudrait « environ 4,4années de plus pour conquérir 100% du territoire des quatre oblasts ukrainiens » et des pertes estimées à 1,93million. (Le Monde, V. 15 août 2025)

4-Dont la fille est souvent sur les plateaux de télévision pour y annoncer la future chute du Kremlin.

5-Pour leur démonstration, ils évoquent par exemple le sort du Mémorandum de Budapest (1994) et des négociations entreprises dans le cadre des « Accords de Minsk » sans préciser le comportement de l'OTAN qui n'a cessé d'absorber l'espace naguère occupé par les ex-PECO, contrairement aux engagement Atlantiques. L'Ukraine avait été alors invitée à rejoindre l'OTAN à son tour. Mme A. Merkel, par inadvertance a reconnu cette manœuvre à son corps défendant en 2022 (Die Zeit, 07 décembre 2022). Pour mieux apprécier cette question, j'invite les intéressés à lire (ou à relire) le discours que V. Poutine a prononcé le 10 février 2007 à la Conférence de Munich.

6-Il n'était question que de rencontre bilatérale. C'est V. Zelenski qui a proposé à ce que D. Trump s'y joigne. Pas un mot sur l'Europe.

7-L'aviation a joué un rôle mineur au cours de la Première guerre mondiale. Pas davantage les V1 les V2 et la bombe atomique au cours de la Seconde n'ont été décisives. L'arme miracle qui fait basculer les conflits est un mythe.

8-Les États-Unis ont largué quelque 7,5 millions de tonnes debombessur le Nord-Vietnam, le Sud-Vietnam, le Laos et le Cambodge, soitplusque toutes les bombes lancées pendant toute laSeconde Guerre mondiale sur tous les pays impliqués. (BBC, 12 avril 2023)