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Plaidoyer pour des walis maritimes : une gouvernance forte au service du littoral algérien !

par Cherif Ali*

« Chacun peut gouverner lorsque la mer est belle ! » Publius Syrus

L'été revient, et avec lui les mêmes dérives sur les plages algériennes :

1. Extorsion d'automobilistes.

2. Locations forcées de parasols.

3. Pollution.

4. Insécurité.

5. Violences entre bandes rivales...

Chaque saison estivale réactive un sentiment d'abandon chez le citoyen, qui ne reconnaît plus la plage comme un espace public sûr, libre et accessible à tous. Malgré les instructions du ministère de l'Intérieur affirmant la gratuité des plages, les faits démentent la volonté affichée. Hélas !

Des bandes organisées, souvent tolérées par certaines communes, imposent leur loi : péages sauvages pour stationner, taxe informelle pour poser sa serviette, parasols et chaises loués de force sous l'œil parfois complice ou impuissant des autorités locales.

Malgré la disponibilité du merveilleux sable doré qui recouvre la grande partie du Sahara, les maîtres d'ouvrages recouvrent nos plages d'un sable noir poussiéreux utilisé pour la production du béton.

Ces lieux autrefois paradisiaques sont devenus en l'espace de quelques années des grandes usines à stress.

L'estivant censé se rendre à la plage pour y trouver du plaisir et se détendre retourne chez lui, dépité, énervé, déprimé, voire choqué !

De plus, les élus locaux, dans un excès de populisme afin d'apprivoiser la population locale, confient la gestion de ces plages à des petits jeunes sans aucune expérience, savoir-faire, ou moyens, qui souvent sont issus de la (voyoucratie locale).Une mascarade incessante, toujours sur le dos de l'estivant.

En parallèle, la pollution ne cesse de gagner du terrain !

Certaines plages, comme celles de Reghaïa, Zéralda ou Corso, reçoivent sans traitement les rejets industriels et domestiques, menaçant la santé des baigneurs et la biodiversité marine. Le ministère de l'Environnement est interpellé, mais l'action reste dispersée, sans coordination suffisante entre les différents niveaux de l'administration.

Un modèle dépassé, une réponse nouvelle

Face à cette fragmentation des responsabilités, il devient urgent d'innover dans la gouvernance du littoral algérien. C'est dans cet esprit que je propose la création de walis maritimes — une autorité déconcentrée, dédiée exclusivement à la sauvegarde du domaine maritime national. Ces walis spécialisés interviendraient dans les 14 wilayas côtières du pays. Ils seraient chargés de coordonner l'action de l'État en mer et sur le littoral, avec un pouvoir de police générale étendu.

Leur mission serait multiple :

• Assurer l'ordre public en mer et sur les plages.

• Faire respecter la législation sur la gratuité des plages et la réglementation des concessions.

• Protéger l'environnement marin et lutter contre les pollutions.

• Superviser les opérations de secours, de sécurité et de surveillance maritime.

• Lutter contre toutes formes d'activités illicites : pêche illégale, migration clandestine, trafic de drogue ou piraterie côtière.

Recentrer l'État sur la mer

Cette nouvelle fonction permettrait à l'État algérien de recentraliser et de rationaliser sa présence sur les 1.622 kilomètres de côtes que compte le pays. Elle donnerait aussi un visage institutionnel clair à la politique maritime nationale, aujourd'hui éclatée entre ministères, collectivités et services spécialisés. Les walis maritimes seraient en mesure de dialoguer avec les collectivités locales, les garde-côtes, la gendarmerie, les services environnementaux et portuaires pour harmoniser les efforts. Ils seraient également des vigies environnementales, garantes de la préservation de la biodiversité littorale et de la qualité des eaux de baignade.

Vers une réappropriation citoyenne du littoral

Les plages algériennes doivent, donc, redevenir des lieux de bien-être et de lien social :

- Ni zones de non-droit

- Ni terrains de chasse pour mafias locales

- Ni dépotoirs industriels.

Elles doivent incarner le droit au loisir, à la nature et à la sécurité pour tous les citoyens !

Nommer des walis délégués maritimes, c'est envoyer un signal politique fort. C'est dire que la mer n'est pas un espace périphérique, mais un patrimoine stratégique.

C'est reconnaître qu'il faut des hommes et des femmes de l'État, formés, compétents et mandatés, pour défendre ce bien commun.

C'est là un véritable changement de paradigme qu'il faudrait engager, collectivement, et sans tardiveté pour reprendre ce bon mot de Cherif Rahmani auteur, par ailleurs, d'un excellent article** dans lequel il alerte sur les risques encourus par la «Mare nostrum» en plus de ceux décrits supra.

D'espace de contact et de rencontre, la Méditerranée est en train de basculer et de devenir une zone de tensions politiques, économiques et culturelles.

Les conflits multiples, ethniques, religieux et géostratégiques qui minent son équilibre, avec leurs lots d'exils, de violences et de tragédies n'en sont que les signes avant-coureurs !

Conclusion

L'Algérie maritime n'est pas qu'un décor estival. Elle est une frontière vivante, une ressource précieuse, un symbole de souveraineté. Il est temps d'agir pour elle avec sérieux et ambition. L'instauration de walis maritimes constitue une réforme réaliste, structurante et attendue... Tout comme le ministère de la Mer qui n'est pas une hérésie, loin s'en faut !

Parce que gouverner la mer, c'est aussi gouverner le pays !

*Ancien Chef de daïra

**La Méditerranée, une région vulnérable fortement exposée aux dérèglements climatiques par Cherif Rahmani, ambassadeur des déserts et des terres arides - Membre du Panel des éminentes personnalités du MAEP