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Les commanditaires des massacres avaient à leur tête de Gaulle

par Salah Lakoues

Oui, les autorités françaises responsables des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata avaient à leur tête le général de Gaulle, alors chef du gouvernement provisoire de la République française.

Il a ordonné l'intervention militaire pour réprimer les manifestations et les émeutes, sous le commandement du général Duval. Des documents montrent que de Gaulle était informé, cautionnait et suivait les opérations de répression, autorisant même des mesures sévères, y compris l'utilisation de l'aviation et de la marine pour mater les soulèvements. La répression fut donc menée sous son autorité politique directe. La répression des manifestations de 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata a été perpétrée de manière violente et coordonnée par l'armée française, les forces de police et des milices civiles composées principalement de colons européens. Intervention militaire massive : Environ 3.700 soldats furent déployés dans la région de Sétif, avec un total de 40.000 hommes engagés dans la répression à l'échelle du Constantinois. L'armée utilisa des moyens lourds, notamment l'aviation qui bombarda et mitrailla des villages et zones rurales, ainsi que l'artillerie navale qui tira sur les montagnes où s'étaient réfugiés des insurgés. Ces opérations militaires durèrent plusieurs semaines, du 8 mai jusqu'au début juin 1945, visant à écraser toute résistance.

Rôle des milices civiles : Dès avant les manifestations, des milices civiques armées furent créées dans certaines zones (notamment à Guelma) par les autorités coloniales, avec l'accord des élus locaux européens. Après le déclenchement des violences, ces milices participèrent activement à la répression, menant des représailles souvent extrajudiciaires contre les populations algériennes, avec des exécutions sommaires et des actes de violence. Répression policière et judiciaire : La police et la gendarmerie furent également impliquées dans la répression, tirant sur les manifestants dès les premiers incidents (notamment à Guelma où le sous-préfet tira en l'air avant que les forces de l'ordre ouvrent le feu). Des couvre-feux furent instaurés, et des arrestations massives suivirent, accompagnées de tortures et de procès expéditifs. Violences extrêmes et dépassement des limites : La répression fut caractérisée par une brutalité extrême, avec des milliers de morts parmi les Algériens, des villages incendiés, des bombardements aériens et navals, et des exactions commises par des groupes armés civils. Même certains officiers français reconnurent l'excès de la répression, regrettant que la lumière ne soit jamais faite sur ces massacres.

La répression fut une combinaison d'opérations militaires lourdes, d'actions policières violentes et de violences exercées par des milices civiles, orchestrée pour écraser l'insurrection nationaliste et rétablir l'ordre colonial par la force. Les principales motivations des manifestations du 8 Mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata étaient des revendications nationalistes, indépendantistes et anticolonialistes.

Les manifestants algériens, profitant du contexte de la victoire des Alliés en Europe, demandaient l'égalité des droits, la reconnaissance de leur dignité, la libération de leur leader Messali Hadj, et l'indépendance de l'Algérie. Ils réclamaient aussi la fin du colonialisme et affirmaient leur aspiration à être traités en égaux, en lien avec les principes universels de liberté et de démocratie proclamés après la Seconde Guerre mondiale. Ces manifestations étaient initialement pacifiques, avec l'interdiction de porter des symboles politiques autres que le drapeau français, mais elles portaient des slogans tels que « Vive l'Algérie libre et indépendante » et «À bas le colonialisme». Les principaux revendications des manifestants du 8 Mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata étaient : La libération de Messali Hadj, leader nationaliste emprisonné.

L'égalité des droits entre musulmans et colons européens. La fin du colonialisme français et la revendication d'une Algérie libre et indépendante. La reconnaissance de la nation algérienne et de ses droits culturels. Le respect des principes de démocratie et de liberté, en lien avec la victoire alliée et les idéaux de la Seconde Guerre mondiale. Les manifestants défilaient avec des pancartes portant des slogans tels que «Libérez Messali», « Nous voulons être vos égaux », « À bas le colonialisme » et « Vive l'Algérie libre et indépendante ». Ils brandissaient aussi des drapeaux algériens malgré l'interdiction, exprimant ainsi pacifiquement leurs aspirations nationalistes et anticolonialistes. Comment les événements de 1945 ont-ils influencé la lutte pour l'indépendance algérienne Les événements de 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata ont profondément influencé la lutte pour l'indépendance algérienne en marquant un tournant décisif dans la radicalisation du nationalisme algérien.

La répression sanglante des manifestations nationalistes, avec plusieurs milliers de morts parmi les Algériens selon les estimations, a creusé un fossé infranchissable entre les populations européennes et musulmanes d'Algérie, renforçant la conviction que la lutte armée était désormais la seule voie possible pour obtenir l'indépendance. Ces massacres ont symbolisé pour de nombreux militants la fin des espoirs de réformes pacifiques et ont conduit à la création, dès 1947, de l'Organisation spéciale (OS), une branche armée du Parti du peuple algérien (PPA), dirigée notamment par des futurs leaders du FLN comme Ben Bella, Mohamed Boudiaf, et Aït Ahmed. Plusieurs figures clés du nationalisme algérien, comme Krim Belkacem, se sont engagées dans la guérilla à la suite de ces événements, préparant ainsi la révolution de 1954. Par ailleurs, la brutalité de la répression a contribué à la montée des tensions communautaires et à la polarisation politique qui ont précipité la guerre d'indépendance.

Certains historiens considèrent ces massacres comme une « répétition générale » de la Toussaint rouge de 1954, début officiel de la guerre d'Algérie, même si ce lien est parfois nuancé. Les événements de 1945 ont radicalisé le nationalisme algérien, renforcé la détermination à recourir à la lutte armée, et marqué le début d'un processus irréversible vers la guerre d'indépendance qui éclatera neuf ans plus tard.