Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L'incompétence pitoyable de l'«élite» égyptienne

par Kerboua Salim *

Plus les jours passent et plus les mondes intellectuel, médiatique et politique à travers le globe se rendent compte du lamentable et multidimensionnel échec de l'intelligentsia égyptienne. Ce qui se passe dépasse tout entendement.

Nous découvrons avec stupeur que l'Egypte, dont nous admirons tout le peuple, l'histoire et la civilisation, est en fait gouvernée par des incompétents, éduquée par des incultes, et administrée par des maladroits chroniques qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.

Il est difficile d'analyser un tel comportement politique, ses motivations internes ou ses buts externes. Un tel assaut en dit long sur les visées de la politique étrangère égyptienne envers l'Algérie (Le Maghreb ? Le monde arabe ?). Ou sur ce qu'une dictature voilée peut entreprendre pour protéger ou même réhabiliter un projet de passation de pouvoir impopulaire.

Il est aussi inutile ici de parler des détails, des communiqués, des articles de presse ou des talk shows diffusés par les sous-traitants médiatiques de la famille au pouvoir, ni des membres de la cour, lèches-bottes, qui, chacun selon ses capacités et talents, essayent de se surpasser à attaquer l'Algérie, son histoire, son peuple et ses martyrs, tout ça pour plaire au Prince.

Il est plutôt intéressant, surprenant même, de noter le degré d'incompétence avec lequel les classes politique, médiatique et artistique égyptiennes ont géré - et continuent de gérer - cette «crise» artificiellement créée et sournoisement entretenue. En une phrase : erreur sur erreur, incompétence sur incompétence.

Dès le 12 novembre, soit deux jours avant le match du Caire, les autorités égyptiennes, dont les objectifs sont malheureusement loin d'être limpides mais sûrement malveillants (ceci mérite d'être analysé), ont accumulé maladresse sur maladresse.

 

Un. Elles n'ont pas su sécuriser (ou du moins faire semblant) le trajet (de moins d'un kilomètre !) de l'équipe algérienne entre l'aéroport et l'hôtel. Ceci est étonnant pour un état policier qui épie les faits et gestes de ses citoyens et qui a une mainmise quasi totale sur sa population.

 

Deux. Elles ont nié les faits après l'agression alors que ces autorités savaient pertinemment qu'un journaliste d'une chaine de télévision européenne (canal +), donc impartiale, était présent et avait tout filmé.

 

Trois. Les autorités égyptiennes ont fait des divagations comme quoi que les joueurs se seraient automutilés (!). Les joueurs algériens seraient donc des névrosés maniaco-dépressifs ?

 

Quatre. Elles n'ont pas préparé le voyage et le séjour des supporteurs égyptiens, elles n'ont pas fait le nécessaire pour que le nombre de supporteurs soit égal au nombre de billets acquis (seulement 2.500 supporteurs pour plus de 9.000 billets disponibles ! C'est le monde à l'envers), et elles n'ont pas dégagé suffisamment de drapeaux pour que ce petit nombre de supporteurs puisse soutenir l'équipe égyptienne.

 

Cinq. Les autorités politiques et sportives ont préféré, à des supporteurs égyptiens, patriotes et encourageants, et motivés et motivants, une clique artistique passive et atone. Ces chanteurs (et chanteuses) et ces acteurs (et actrices) pensaient probablement être invités à Khartoum à l'opéra ou prendre le thé dans un salon huppé égyptien.

 

Six. Elles ont déclenché une campagne médiatique anti-algérienne d'une ampleur et d'une hostilité sans précédant en utilisant des témoignages bidons, des vidéos grossièrement truquées ou inauthentiques, et, plus lamentable encore, un langage primitif et ordurier reflétant la vraie nature de l' « élite » égyptienne. Ces pseudo-intellectuels ont même l'idée farfelue d'ester l'Algérie en justice. C'est la psychose collective : on parle de boycotts, on parle de la Ligue arabe, de la Cour internationale de Justice de La Haye, de l'Organisation internationale de l'Aviation civile (il est interdit, parait-il, de transporter des civils dans des avions militaires)... etc. Bref, nous sombrons dans le ridicule.



Sept. Les médias, avec assentiment du pouvoir, ont continué la campagne de haine alors que les autorités médiatiques et politiques algériennes eurent la prudence et l'intelligence de ne pas entrer dans ce jeu malsain et de ne faire aucun commentaire, laissant les Egyptiens exhiber leur hystérie médiatique sur la scène internationale.



Huit. La paranoïa s'aggrave. Certains pays arabes et leurs médias sont accusés de complicité pour n'avoir pas diffusé des preuves inexistantes de « l'infamie » algérienne. Al-Jazeera et Alarabya sont mis aux piloris.



Neuf. A l'heure ou j'écris ces quelques lignes, une partie de l'« élite » égyptienne commence à critiquer l'autre, et personne n'est épargné : ambassadeurs égyptiens à Alger et à Khartoum, fédération égyptienne de football, écrivains, artistes et journalistes. Les seuls hors de portée sont les membres de la famille au pouvoir. La cour s'autodétruit, toujours pour plaire au Prince ou à ses héritiers.

A chaque étape de la crise qui n'en finit pas, à chaque tentative de reprendre la barre du bateau politico-médiatique égyptien qui est en train de chavirer, l'« élite » égyptienne s'est cassée les dents : contre-productivité totale et absolue.

Pour un pays qui se prétend leader culturel et politique du monde arabe, qui se vante d'avoir un des pourcentages d'éducation les plus hauts du monde arabe, qui se vante d'avoir une diplomatie chevronnée, et qui se vante d'avoir un arsenal de télévisions satellitaires à faire pâlir d'envie les plus grands networks américains, le résultat est minable.

Nous commençons à comprendre pourquoi toutes les entreprises sous leadership égyptien ont échoué, pourquoi toutes les guerres arabo-israéliennes ont été des fiascos, pourquoi les négociations israélo-palestiniennes se sont avérées catastrophiques, pourquoi les négociations Fatah-Hamas n'arrivent nulle part, et pourquoi les Etats-Unis et Israël font ce qu'ils veulent dans cette partie du monde.

Tout ce qui se passe peut se résumer en un mot : incompétence.

En ce qui concerne les classes politique et médiatique algériennes, le constat est tout autre. Aucune fausse note. Messieurs Bouteflika, Ouyahia, Djiar et Raouraoura : chapeau bas.



* Maître-assistant en civilisation américaine, Dpt d'anglais, Université Mohamed Khider de Biskra