
Les
prévisions de la Banque africaine de développement (BAD), qui affirment que le
problème de l'insécurité alimentaire en Afrique sera réglé d'ici cinq ans,
sont-elles le fruit d'illusions qui ne collent pas avec les données concrètes ?
Selon une déclaration récente, le président de la BAD, Akinwumi
Adesina, a révélé que les programmes de développement
agricole de la BAD, qui sont actuellement en cours dans plus de 30 pays
africains ont déjà contribué à produire des denrées alimentaires d'une valeur
de 12 milliards de dollars, considérant qu'il s'agit là d'une grande
performance en matière de lutte contre l'insécurité alimentaire sur le
continent. Entièrement confiant en l'avenir, le président de la BAD a soutenu,
dans ce sillage, que l'objectif de générer 25 milliards de dollars, à partir de
ces programmes, semble désormais à portée de main. «Nous avons la technologie
et le financement pour le faire à grande échelle», a-t-il
encore assuré. Mais, la technologie et le financement peuvent-ils venir à bout
d'un problème aussi complexe pour plusieurs autres raisons ? Il faut relever
que le président de la BAD ne donne pas trop de détails à propos de cette
prévision de la fin de l'insécurité alimentaire en Afrique, d'ici cinq ans.
Hormis cette vague explication sur l'adoption de zones agro-industrielles
spécialisées dans la transformation alimentaire, une expérience en cours au
Nigéria, qu'il juge d'une importance cruciale pour éradiquer la sous-nutrition
qui touche 216 millions enfants en Afrique, et qui est responsable de près de
la moitié des décès infantiles, le président de la BAD ne donne pas d'autres
pistes prometteuses. Le déblocage de 100 milliards de dollars du FMI, qu'il dit
attendre, et qui seront prêtés aux pays vulnérables via les banques
multilatérales de développement, est-il derrière tout l'optimisme du président
de la BAD ? Et si cet argent ne venait pas, l'objectif en question tomberait-il
à l'eau ? En tout cas, les prévisions optimistes du président de la BAD à
l'horizon 2028 ne cadrent pas avec les estimations de la Banque mondiale (BM),
ni avec celles de l'ONU, qui a fait de la lutte contre la pauvreté et
l'insécurité alimentaire son sacerdoce à travers les 17 Objectifs de
développement durable (ODD).
Des
objectifs impossibles à réaliser à l'horizon 2030, selon un rapport onusien à
cause des effets du changement climatique qui vont s'accentuer, dans l'avenir
et accroître le nombre de personnes souffrant de la faim. Un rapport de la
Banque mondiale, du 6 avril 2023, relève que «les économies de la région
Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) devraient enregistrer une croissance plus
lente en 2023, alors que la hausse à deux chiffres des prix des produits
alimentaires exerce une pression supplémentaire sur les ménages pauvres et que
l'insécurité alimentaire pourrait se répercuter sur plusieurs générations».
Pourrait-on alors donner du crédit aux prévisions du président de la BAD ?
Certainement que deux avis valent mieux qu'un.