
En
attendant le prochain choc émotionnel national, quoi se mettre sous la plume en
attendant le grand sommeil qui pointe dans quelques jours ? Les voyants passent
au vert, nous rassure la Banque d'Algérie, la mère de toutes les banques. Dans
sa dernière note de conjoncture, la BA se montre optimiste quant aux
perspectives économiques du pays, qui se remet progressivement de ses nombreux
maux.
Mais
comment expliquer à l'Algérien lambda que le pays se porte mieux, quand lui
mesure son bonheur à l'aune de son porte-monnaie ? Oui, parce que sans faire
dans le pédantisme des experts et autres spin doctors
déguisés en médium «costardisés», tout le monde ne
pige pas ce que veut dire un taux de croissance ou d'inflation, ni même une
balance commerciale ni un bilan carré ! Et à propos justement de ce «mois
sabbatique» qui avance droit sur nous, la bonne nouvelle vient de ceux en
charge de la marmite nationale qui ont déjà promis qu'il n'y aura point besoin
d'un PAP «spécial ramadhan». Et que même les tricheurs de tout poil, même s'ils
font carême comme tout le monde, seront soumis à un marquage de zone par des contrôleurs
ubiquistes, eux-mêmes chargés de protéger nos poches «essorées» contre les
chipeurs en tous genres. Ramadhan ou pas, tout le monde ne mange pas forcément
par la bouche, selon la complexe généalogie de ce que d'aucuns appellent l'art
peu raffiné de la «mangeaison». Du bedonnant au
freluquet, de l'émacié à l'anguleux, du ventriloque jusqu'aux estomacs (dé)
vidés, de l'appétit léonin à la chair trop molle, des «rôteurs»
de formation jusqu'aux mal empiffrés par vocation, il y a ceux qui bouffent à
vingt doigts mélangés, même quand ils sont «occlusés».
En face d'eux, il y a la gent de ceux qui se sustentent au besoin, ceux qui
becquettent par pur instinct de conservation, ceux qui ont appris à simplement
ingérer ce qui est comestible, d'autres qui se suffisent d'ingurgiter tout ce
qui vient à portée... de bouche. Contre ceux qui pratiquent le sport du
becquetage, du broutage et même du béquillage. D'autres ont les mains si noires
qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils mangent du pain trop blanc, avec en tête
du peloton ceux qui ont toujours mangé leur pain sous le manteau... Quant à
ceux qui nous promettent plus de beurre que de pain, la justice des affamés
voudrait être telle qu'il faut absolument les expier en les obligeant à jeûner
douze ramadhans de suite pour s'excuser de nous avoir fait prendre leurs pieds
nickelés pour des mains... baladeuses.