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Une commission et des Interrogations

par Abdelkrim Zerzouri

Annoncée il y a un mois, lors de la visite du président Macron en Algérie, la commission mixte d'historiens algériens et français attend son installation. La mission de cette commission mixte est toute tracée, consistant à « regarder l'ensemble de cette période historique qui est déterminante pour nous : [du] début de la colonisation à la guerre de libération, sans tabou avec une volonté de travail libre, historique et un accès complet à nos archives, de part et d'autre », selon des contours fixés par le président Macron. Mais, cela ne doit pas éloigner le fait que le président français a entre ses mains un rapport sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie », qu'il a commandé à l'historien Benjamin Stora, et qui lui a été remis par ce dernier le 20 janvier 2021.

Quel poids aura ce rapport dans le regard nouveau qui sera porté sur cette période historique par cette commission mixte ? Ou est-ce une reconnaissance implicite que ce rapport, qui a été exécuté sous un angle étroit, et qui n'offrait qu'une vision franco-française de la mémoire, reste à écrire ou à compléter ? D'ailleurs, le rapport en question porte plusieurs volets « ouverts » sous des recommandations et propositions à accomplir, dont une commission « mémoire et vérité ». Est-ce que le président français cherche à donner, ainsi, un prolongement à ce travail effectué par M. Stora ?

Au départ, quand le président Macron avait commandé ce travail à l'historien Benjamin Stora, alors que de son côté, le président Tebboune avait confié la même mission à son conseiller chargé des archives et de la mémoire nationale, Abdelmadjid Chikhi, on avait cru que les hommes des deux présidents allaient avoir des concertations entre eux, se partager les conclusions de part et d'autre, avoir un regard « commun » sur cette période de la colonisation, comme on cherche à le trouver aujourd'hui avec cette commission mixte, mais ils n'ont jamais abordé ensemble le sujet. M. Stora a travaillé en solo, en respect des recommandations qui lui ont été données, certainement, et son rapport ne sera rendu public qu'après sa remise à son commanditaire, en l'occurrence le président Macron. D'où la réaction presque indifférente qui a été réservée à ce rapport par les autorités algériennes. Il est resté un regard français sur la période de la colonisation. Et, l'Algérie en a un autre.

Le président français a mis beaucoup de temps, une année et demie après la publication du ?rapport Stora', pour se rendre à l'évidence qu'il faut associer les historiens des deux pays dans un travail commun avec un objectif de réconcilier les mémoires. Et, vraisemblablement, on n'est pas au bout des difficultés face à la complexité de ce dossier mémoriel, et ce malgré la bonne volonté des deux présidents d'aller de l'avant sur ce plan, comme l'atteste la déclaration qui a clôturé le séjour du président Macron en Algérie, soulignant la volonté des deux parties, algérienne et française, « d'assurer une prise en charge intelligente et courageuse des problématiques liées à la mémoire ».